Du logiciel antipub à l’ad exchange, il y a un fossé… qu’Eyeo a franchi.
Fragilisé dans l’exploitation de son offre Adblock Plus, l’éditeur allemand fait évoluer son modèle économique : le voilà lancé dans le programmatique avec l’Acceptable Ads Platform.
Ouvert en bêta sur la base des technologies de ComboTag, ce SSP (« Supply-Side Platform ») a la particularité de ne proposer aux éditeurs qui s’y connectent que des publicités jugées « non intrusives » au sens de l’initiative « Acceptable Ads »*.
Cette dernière se base sur des critères allant du format des annonces à leur placement sur les sites Web. Depuis sa mise en place en 2011, elle est au cœur du business d’Eyeo, qui la monétise à travers un système de « liste blanche » sur laquelle les plus gros éditeurs – réalisant en l’occurrence plus de 10 millions d’impressions par mois sur l’ensemble de leurs publications en ligne – ne peuvent figurer qu’en échange d’un partage de leurs revenus publicitaires.
Un modèle attaqué de toutes parts, jusqu’en justice. Eyeo a enregistré de nombreuses victoires sur ce front, mais une brèche s’est ouverte il y a quelques semaines lorsque la haute cour régionale de Cologne a introduit, sur la base d’une directive européenne pour la protection des consommateurs, une exception au système de liste blanche. L’affaire est remontée jusqu’à la Cour suprême allemande, qui n’a pas encore rendu de décision.
Adblock Plus doit aussi faire face à une fronde que symbolisent les mesures de contournement prises récemment par Facebook. Le réseau social, qui a l’avantage de posséder sa propre régie publicitaire, a modifié le code HTML de ses annonces afin de les fondre dans le reste du contenu et de les rendre par là même moins facilement distinguables par les solutions antipub sur desktop.
Le vent de la contestation s’est également fait sentir en France, où le GESTE (Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne) tente de coordonner une action après des tests menés au printemps et jugés « satisfaisants », malgré la variété des approches (blocage complet, masquage d’une partie du contenu, limitation du nombre d’articles accessibles, etc.).
Du côté d’Eyeo, on reconnaît investir le secteur AdTech, mais on se défend de vendre de la publicité : selon Ben Williams, cofondateur de la société, il s’agit simplement de mettre en place une infrastructure qui facilite la diffusion d’annonces « non intrusives » validées au préalable par la communauté Adblock Plus, moyennant l’implémentation, par les éditeurs, d’une seule ligne de code.
Une particularité : les publicités ainsi diffusées embarquent un système d’évaluation par les utilisateurs. Les retours – et non un système de tracking, insiste Eyeo – influeront sur l’algorithme RTB et les annonces qui posent problème seront transmises à la communauté pour un examen plus détaillé.
Reste à voir si les éditeurs accepteront d’entrer dans le jeu d’une société qui a mis leur modèle économique en difficulté. Et dans quelle mesure l’initiative posera des soucis de concurrence vis-à-vis des autres plates-formes publicitaires.
* Eyeo assure que l’option « Autoriser certaines publicités non-intrusives [sic] » est sélectionnée par 90 % des utilisateurs d’Adblock Plus. Il faut dire qu’elle est cochée par défaut.
Crédit photo : NicoElNino – Shutterstock.com
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