Addiction aux réseaux sociaux : pourquoi Facebook se montre soucieux
Facebook et Instagram lancent des outils de gestion du temps passé sur leurs plates-formes respectives. Dans quel contexte s’inscrit la démarche ?
Combien de temps ai-je passé sur Facebook ces derniers jours ?
Des outils en cours de déploiement sur le réseau social vont permettre aux utilisateurs de répondre à cette question. Mais aussi de désactiver temporairement les notifications push et de recevoir des rappels en cas d’usage trop intensif.
Instagram sera également doté de ces fonctionnalités qui rappellent Screen Time chez Apple. iOS 12 – actuellement en bêta – embarquera ce service de gestion des notifications et du temps passé sur les applications.
Google aussi a fait des annonces dans ce sens pour la prochaine version d’Android. Le groupe américain avance sous la bannière « Digital Well Being », à laquelle un site web a été dédié. Objectif annoncé : aider les individus « à mieux comprendre leur usage de la technologie, à se concentrer sur ce qui importe vraiment [et] à déconnecter quand ils en ont besoin ».
Une impulsion avait été donnée en interne voilà cinq ans, par le biais d’une présentation signée du dénommé Tristan Harris, alors responsable de « l’éthique produit ».
Dans ce document, l’intéressé fait notamment le parallèle entre le rafraîchissement des fils d’actualité et l’addiction aux jeux de hasard. Il pose surtout des questions de conception : si les services Google étaient faits pour aider les utilisateurs à prévoir les conséquences de certaines de leurs actions ? Et de telle sorte à les convaincre qu’ils peuvent déconnecter plus souvent sans rien rater d’important ?
Android P est censé répondre en partie à ces inquiétudes. Google a prévu d’y intégrer, outre un tableau de bord tel que celui ajouté sur Instagram et Facebook, un système de « tri intelligent » des notifications. Ou encore un mode qui bascule l’affichage en niveaux de gris passé une certaine heure avant le coucher.
Crise de confiance
Tristan Harris a quitté Google en 2016 pour se consacrer à l’ONG Time Well Spent (littéralement, « temps bien utilisé »). Trois mots que Mark Zuckerberg, patron de Facebook, s’est appropriés en début d’année à l’heure d’officialiser des changements dans l’algorithme du fil d’actualité.
Priorité est depuis lors donnée aux publications susceptibles de créer de l’interaction entre amis. Il en va, selon la firme américaine, d’une logique de mise en avant du contenu « qui fait sens » pour les membres de son réseau social.
D’autres leviers avaient été activés auparavant dans la même optique. Facebook y avait imputé la diminution du temps moyen de connexion de ses utilisateurs. Et s’en était satisfait dans une vision de long terme.
L’un des collaborateurs de Tristan Harris chez Time Well Spent n’a pas manqué d’apporter un regard critique sur cette stratégie qui impliquera, d’après lui, des changements « sans précédent ».
L’ONG part du principe que la simplification de certaines relations sociales se fait au détriment d’autres. Un modèle en lequel les individus finissent par perdre confiance.
Facebook avait publié, fin 2017, son propre avis sur la question. Référence fut faite à de nombreuses études (université du Michigan, Cornell, UC San Diego, Carnegie Mellon…) pour mettre l’accent sur le bienfait de l’interaction avec les amis proches par rapport à la consommation « passive » de contenu.
Du côté du magazine Psychology Today, on a constaté que l’évolution de l’état d’esprit était fonction de cette consommation « passive » : plus cette dernière est importante, plus on a tendance à se sentir malheureux.
L’université de Sheffield avance des conclusions similaires pour les enfants. Passer ne serait-ce qu’une heure par jour sur les réseaux sociaux réduirait de 14 % la probabilité qu’ils se satisfassent pleinement de leur vie quotidienne.
Crédit photo : Philippe Guerrier