Adobe et Apple, concurrents mais complémentaires
Adobe, grand supporter du Mac et dont l’activité a démarré grâce à Apple, se recentre à marche forcée sur l’ePaper, sa stratégie de gestion de documents électroniques. Il laisse ainsi le champ (presque) libre à Apple sur la vidéo. Cette décision doit-elle laisser craindre un abandon impromptu de la plate-forme ?
Premiere, c’est fini… sur Mac ! Adobe explique cet abandon par l’avantage d’Apple sur sa plate-forme, tant du point de vue logiciel que matériel. Il faut dire qu’en commercialisant la quatrième mouture de Final Cut Pro, le constructeur de Mac se présente de plus en plus comme le principal concurrent des poids lourds du montage vidéo, dont Avid et Media 100 font partie. La stratégie d’Apple sur ce segment apparaît clairement : maintenant que la firme dispose d’une machine professionnelle dotée d’une puissance suffisante et à un coût abordable, il faut s’attendre à voir sa plate-forme adoptée rapidement par les professionnels. En fait, le dispositif de rabattage des spécialistes de la vidéo vers le Mac comporte plusieurs étages : QuickTime et le support de divers formats vidéo, la technologie d’encodage Pixlet, et enfin les différents logiciels de montage, d’effets spéciaux, de création de DVD et de traitement du son. Les 8 Go de capacité de mémoire vive du G5 constituent également une porte d’accès pour le petit monde des professionnels d’Hollywood, des télévisions et des studios de production. Une tendance est en train de se dessiner : si les entreprises du secteur avaient parié sur des solutions lourdes et coûteuses, elles s’orientent peu à peu vers les offres d’Apple en raison de leur rapport efficacité/coût et de leur facilité d’utilisation. « En réduisant le coût de l’outil, Apple a permis à l’artiste, et non plus au matériel, d’être au centre du projet « , précise Thomas Fitzgerald, un artiste graphique et animateur 3D irlandais sur le site Digital Soap Box. Voilà sans doute l’enjeu sur lequel Apple semble avoir le plus travaillé : rendre ses logiciels accessibles aux artistes et leur éviter de devoir passer la majeure partie de leur temps sur la gestion de leur parc informatique. Offrir les outils pour travailler à cette niche de marché semble la préoccupation numéro un d’Apple : la création de programmes et de contenus vidéo est sur la pente ascendante et la firme entend substituer sa plate-forme à celles habituellement utilisées dans le secteur, comme SGI.
Adobe mise sur ePaper
Pour Adobe, les enjeux sont différents : depuis que le fondateur John Warnock a laissé les commandes à Bruce Chizen, également un ancien d’Apple, le recentrage de la société s’est accéléré : les revenus tirés de la vidéo déclinent, tout comme ceux provenant des arts graphiques ou tirés de la technologie PostScript. Seule la stratégie ePaper prend peu à peu de la vitesse : Adobe cherche à se positionner comme le principal fournisseur de solutions de gestion de documentation d’entreprise, avec le format PDF et son logiciel Acrobat (voir édition du 10 avril 2003). Du coup, l’éditeur est amené à ne pas chercher la confrontation avec Apple s’il ne se sent pas de taille à lutter, un peu à la manière de Microsoft avec son Internet Explorer. L’éditeur qui a fait fortune sur Mac en y lançant son logiciel Photoshop et ses solutions de PAO va-t-il pour autant lâcher subitement la plate-forme à la Pomme ? Pas tant qu’il peut en dégager des revenus et qu’il n’a pas bouclé sa transition vers son nouveau modèle économique. A la mi-2003, Adobe reste particulièrement dépendant de ses applications traditionnelles, même si la conjoncture n’est pas bonne dans le secteur de la publication, particulièrement dépendant de la publicité. Mais l’éditeur de San Jose pourrait atteindre dès 2004 un nouvel équilibre de ses revenus plus centrés sur l’ePaper. On assisterait alors à une grande complémentarité des solutions d’Apple et d’Adobe. Complémentarité déjà établie dans différents domaines où Apple domine sur Mac et Adobe sur PC : la gestion de photos grand public, la vidéo professionnelle… La dernière version d’After Effects pour Mac pourrait cependant rencontrer de la concurrence si Apple dévoilait un avatar à moindres frais de Shake, sa solution d’effets spéciaux professionnels (voir édition du 7 avril 2003).