« Il faut clairement voir le jugement du tribunal comme une décision technique et non tragique. » Malgré les 35 millions de pertes, malgré l’abandon d’un des partenaires, malgré le dégroupage qui arrive beaucoup plus lentement que prévu, Frédéric Boutissiou, directeur marketing et cofondateur de Mangoosta, se veut résolument optimiste sur l’avenir de la société qui a déposé son bilan, lundi dernier, auprès du tribunal de commerce de Nanterre. Le premier opérateur à proposer un accès ADSL alternatif à Netissimo (en ce sens que l’abonné n’a plus aucun contact avec l’opérateur historique) est placé sous administration judiciaire pendant quatre mois, selon le jugement rendu le jeudi 5 juillet. Quatre mois pour redresser la barre mais surtout, « pour convaincre notre investisseur principal, Nicom », explique Frédéric Boutissiou, « lequel poursuivra ses investissements à condition que l’argent injecté ne serve pas à absorber les charges liées au premier projet ». Le premier projet en question est l’offre ADSL grand public sur laquelle Mangoosta avait dès le départ bâti sa stratégie (voir édition du 4 octobre 2000). Si l’opérateur conserve techniquement ses offres grand public, ses dirigeants ont clairement changé d’objectif et visent désormais les professionnels. Ces derniers sont plus demandeurs et surtout prêts à payer le prix juste. « Le travail de revirement stratégique a commencé il y a plus de deux mois avec le lancement d’offres pour les entreprises », rappelle le directeur marketing. Mangoosta avait effectivement lancé des offres professionnelles à partir de 590 francs HT pour un débit de 512 Kbits/s non garanti. Est-ce à dire que l’offre grand public, malgré sa récente augmentation à 390 francs (voir édition du 21 mars 2001), n’est toujours pas rentable ? « Mangoosta n’a plus une seule offre qui n’est plus bénéficiaire », assure Frédéric Boutissiou.
Des opérateurs qui perdent de l’argent
Cela signifie-t-il qu’il ne peut y avoir d’offre grand public ADSL à un prix « raisonnable » ? Si les opérateurs et fournisseurs d’accès le reconnaissent à demi-mot, l’ART l’a dit haut et fort : « Actuellement, compte tenu des conditions proposées par France Télécom aux FAI sur le segment intermédiaire de la collecte, la mise sur le marché de packs ADSL à un niveau de prix comparable à celui de Wanadoo conduit les fournisseurs d’accès à supporter des pertes importantes », écrivait Jean-Michel Hubert, président de l’Autorité, dans un récent avis (voir édition du 28 juin 2001). Chez Mangoosta, on n’y va pas non plus par quatre chemins. Alors que la stratégie de l’opérateur consistait à occuper le terrain du grand public afin d’être « prêt » au moment du dégroupage, aujourd’hui « il n’est pas possible de conclure des investissements à cause de l’incertitude technique que fait peser France Télécom sur les capacités techniques », nous explique-t-on. « C’est une technologie qui coûte cher, les investissements sont monstrueux et ne permettent pas de proposer des prix adéquats pour le consommateur », confirme Bertrand Delpuech, porte-parole du groupe Tiscali en France (LibertySurf, World Online).
Il ne fallait pas laisser Wanadoo occuper le terrain
Le grand public devra encore attendre un certain temps avant d’accéder à l’ADSL à des tarifs équivalents à ceux du RTC traditionnel. Normal si l’on considère qu’aujourd’hui, une poignée d’acteurs (Wanadoo, Club-Internet, LibertySurf, World Online, Infonie pour l’essentiel) perdent un peu plus d’argent chaque jour qui passe sur leurs forfaits ADSL. Auront-ils les reins assez solides pour tenir au moins jusqu’au dégroupage? N’ont-ils pas investi trop tôt le marché de l’ADSL grand public trop immature pour être rentable ? La question n’est pas là. Comme le déclare Hervé Verhoosel du groupe Infonie, « nous regrettons bien sûr que les coûts soient aussi élevés mais nous ne pouvions pas laisser France Télécom, via Wanadoo, seul sur ce marché ». Aucune autre réaction chez Wanadoo qu’un strict « pas de commentaires ».
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