Affaire SCO : IBM laisse les utilisateurs se débrouiller
Ne payez pas, c’est du bluff ! C’est en substance le message qu’adresse IBM à ses clients utilisateurs de Linux, préoccupés par les menaces de SCO. Pourtant, l’affaire est sérieuse. En cas de problème, pourront-ils compter sur leur fournisseur ?
IBM a arrêté une stratégie de communication vis-à-vis de ses clients utilisateurs de Linux éventuellement inquiets des velléités de SCO Group de leur réclamer le paiement d’une licence (voir édition du 22 juillet 2003) et, en cas de refus, de les poursuivre en justice. Le conseil qu’IBM leur donne tient en peu de mots : ne craignez rien de SCO et, par conséquent, ne payez pas. C’est ce que révèle l’agence Reuters qui a eu connaissance d’un mémo interne destiné aux forces commerciales de Big Blue. Ce dernier justifie sa position en faisant remarquer que SCO a lui-même, pendant un temps, distribué Linux sous licence GPL, laquelle garantit que le produit est libre de droits et autorise les utilisateurs à redistribuer le code source, gratuitement, sans encourir de poursuites. En distribuant Linux sous licence GPL, SCO aurait donc de facto abandonné ses droits à la propriété intellectuelle. Argument contesté par SCO qui invoque le fait qu’il ignorait que du code source d’Unix, protégé par ses brevets, avait été copié dans Linux… De l’aveu même d’avocats spécialistes du droit de la propriété intellectuelle, il est bien difficile de déterminer qui, d’IBM ou de SCO, a raison (voir édition du 12 juin 2003). Quant à savoir si du code source a été copié d’Unix dans Linux, IBM note que SCO n’a jamais apporté la moindre preuve de ses allégations et conteste, en ce qui le concerne, avoir enfreint la législation sur la propriété intellectuelle. Effectivement, SCO n’a pas rendu publiques les preuves de la malfaçon. Mais il a néanmoins permis à quelques personnes ? analystes, journalistes… – de prendre connaissance des preuves en question, contre la signature d’une clause de confidentialité ; et tous ont témoigné que la malfaçon leur semblait effectivement difficilement contestable (voir édition du 6 juin 2003). Bref, quoi que disent l’un et l’autre, cette affaire est loin d’être claire juridiquement. D’où la nécessité d’en passer par l’arbitrage d’un juge.
Une position rhétoriquePour autant, l’issue du procès intenté à IBM ne réglera pas tous les problèmes. En particulier si SCO est débouté, les utilisateurs de Linux ne seront pas à l’abri de poursuites car les deux affaires – le procès intenté à IBM et la mise en garde des entreprises ? sont dissociées. SCO peut en effet établir que du code source d’Unix, sur lequel il détient des droits, a été copié dans Linux, sans parvenir à faire reconnaître que c’est IBM qui est à l’origine de la malfaçon. L’action contre IBM serait alors un échec mais SCO aurait le droit de son côté pour réclamer aux entreprises un paiement pour l’utilisation de ses technologies.
Au final, la position d’IBM est plus rhétorique que de nature à rassurer ses clients. Du coup, certains d’entre eux, notamment les très grandes entreprises qui ont mené à bien de larges déploiements à base de Linux et ne peuvent se permettre d’être durablement dans un tel flou juridique, seront peut-être tentés d’accepter la proposition de SCO. Le cas échéant, leur exemple aurait certainement un effet d’entraînement. Cela contribuerait à conférer à Linux un statut hybride, à mi-chemin entre le logiciel libre et le logiciel propriétaire, avec comme conséquence de compromettre son avenir, en particulier sur les postes de travail et en tant que système d’exploitation soutenant les applications critiques de l’entreprise.