Comment améliorer la disposition de clavier azerty, qui ne fait l’objet d’aucune norme en France, mais que l’usage a imposée ?
L’AFNOR vient de lancer une enquête publique à ce sujet.
L’organisation française placée sous la tutelle du ministère chargée de l’Industrie recueillera, jusqu’au 9 juillet 2017, les avis du public concernant son projet de norme volontaire basée sur deux modèles que les fabricants et les utilisateurs « pourront choisir selon leur préférence ».
Objectif : publier, au mois de septembre, ladite norme, qui couvrira les claviers bureautiques (105 touches) et compacts (72 touches). Au-delà des constructeurs, la démarche vise les éditeurs de systèmes d’exploitation et les concepteurs de pilotes logiciels.
L’initiative s’inscrit dans la lignée d’un rapport parlementaire de 2015 sur l’emploi de la langue française. Le ministère de la Culture et de la Communication avait embrayé début 2016, faisant par de son intention d’établir « une norme française pour les claviers informatiques ».
Son postulat : le clavier azerty « porte atteinte à l’écriture en langue française […] et dans les langues régionales », de par la saisie « complexe » de nombreux caractères dont les majuscules accentuées, les doubles chevrons (« guillemets français ») ou encore les ligatures « æ » et « œ » ainsi que leurs équivalents en capitales.
L’azerty, dont il est communément admis qu’il ne s’agit que d’un dérivé du qwerty américain conçu spécifiquement pour les machines à écrire (écarter le plus possible les lettres fréquemment contiguës dans la langue de Shakespeare permet de minimiser les blocages de tiges), a par ailleurs été associé, comme le souligne l’AFNOR, à des risques de troubles musculo-squelettiques.
Parmi ces risques, le syndrome du canal carpien, causé par l’extension et la compression du nerf médian dues à de postures extrêmes du poignet et des doigts ainsi qu’à des mouvements répétitifs.
Pour « ne pas provoquer de difficultés d’appropriation de la nouvelle disposition par les utilisateurs », le parti est pris de rester dans la continuité de l’azerty tout en permettant la saisie de l’ensemble des caractères des langues régionales de France et de ceux des langues à alphabet latin présentes sur le continent européen.
La première disposition que propose l’AFNOR est effectivement très proche de l’actuel azerty. Elle a été conçue à partir de projections statistiques menées par l’université d’Aalto (Finlande).
Une méthode dite « d’optimisation combinatoire » a été exploitée pour permettre d’explorer de manière systématique toutes les configurations possibles des caractères sur le clavier, tout en considérant simultanément quatre objectifs : vitesse de saisie, similarité avec la disposition à laquelle les utilisateurs sont habitués, groupement de caractères similaires et ergonomie.
Pour déterminer la distribution statistique des caractères de la langue française, l’AFNOR a collecté des corpus de textes dans trois catégories.
La première, axée sur l’exactitude orthographique et grammaticale et sur l’utilisation correcte des caractères spéciaux, inclut, entre autres, des pages Wikipedia, des textes légaux et des retranscriptions d’émissions de radio.
La deuxième, orientée expressions usuelles et utilisation de vocabulaire émergent, regroupe des e-mails anonymisés et des publications de comptes célèbres sur Facebook et Twitter. Ni grammaire, ni orthographe, ni contenu n’ont été corrigés « afin de refléter un usage réaliste ».
La troisième, portée sur l’amélioration de l’accès aux caractères utilisés en programmation, comprend des fichiers en C++, Java, Python, JavaScript, HTML et CSS collectés sur GitHub.
Pour le critère de vitesse de saisie, quelque 900 personnes ont été recrutées, dont 270 bénévolement et 630 via la plate-forme participative Crowdflower (voir la méthodologie en pages 46 à 48 du document de référence associé à la consultation publique).
La proposition de disposition qui en résulte implique de multiples changements dès la première rangée de touches : tandis que l’esperluette (« & ») glisse sur l’emplacement qui produit aujourd’hui le caractère « ² », le e avec accent circonflexe (« ê ») devient accessible sur la touche « 3 », en plus du symbole du dollar (« $ ») ; le e surmonté d’un accent grave (« è ») passe quant à lui sur la touche « 4 ».
Les ligatures « æ » et « œ » font leur apparition sur la deuxième rangée, respectivement au niveau du « z » et du « o ». Le « ù » glisse sur la touche « u » ; l’arobase (« @ »), sur le « a » ; le dièse (« # »), sur le « h ».
Au niveau de la troisième rangée, le « ç » devient accessible sur la touche « c » ; le tilde (« ˜ »), sur le « n ». Virgule (« , ») et point-virgule (« ; ») se retrouvent sur la même touche, tout comme point d’exclamation ( « ! ») et point d’interrogation ( « ? »).
L’idée est de pouvoir saisir, par pression simple d’une touche morte, tous les accents graves, aigus et circonflexes, ainsi qu’une ribambelle de diacritiques, du tréma à la cédille.
La deuxième proposition de l’AFNOR s’appuie sur la disposition bépo, portée par l’association Ergodis et fondée sur le dvorak pour ajouter à l’azerty des caractères manquants tout en limitant le mouvement des mains (chaque touche est associée à un seul doigt).
L’accessibilité de chaque touche du clavier physique a été évaluée, à la suite de quoi a été créé un corpus représentatif. La disposition a alors été créé en tenant compte de règles de placement destinées à faciliter l’apprentissage.
Parmi ces règles, maximiser l’alternance des deux mains, répartir la charge sur tous les doigts, concentrer la frappe autour de la rangée de repos pour limiter les mouvements, placer sur des touches adjacentes les caractères membres d’une paire (« () », « <> », « [] »…), regrouper les opérateurs mathématiques de base et permettre la frappe directe des majuscules accentuées les plus fréquentes.
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