AFNOR érige une norme pour les avis consommateurs sur le Web : une première mondiale
Comment fiabiliser le traitement des avis en ligne de consommateurs ? AFNOR a dévoilé une norme pour faire le tri entre les bonnes et les mauvaises contributions. Une initiative à saluer, même si elle ne fait pas l’unanimité.
AFNOR a présenté la première norme dans le monde visant à fiabiliser le traitement des avis en ligne de consommateurs.
Un travail de longue haleine (et qui suscite encore des débats) mené par Olivier Peyrat, Directeur général d’AFNOR, et Raphaël Colas, représentant du groupe La Poste qui préside la commission de normalisation.
Première norme volontaire et « générique », elle est le fruit de la réflexion de pas moins de 43 organisations (professionnels, consommateurs, pouvoirs publics….).
Celles-ci ont travaillé de manière collective pendant 18 mois afin de définir de concert des règles applicables à tous les avis relatifs aux produits, au tourisme, à la restauration et aux services en général.
C’est un constat : la gestion des avis des consommateurs sur des thèmes divers (voyages, produits, restauration, hôtellerie, sorties, loisirs…) est devenu un business lucratif sur Internet.
Des contributions qui, on le sait, sont souvent sujet à caution.
Au-delà du droit à la critique légitime, de nombreux commentaires biaisés, trompeurs voire diffamatoires sont déposés sur les site Internet communautaires pour échanger ses bons plans.
A tel point que des sites Internet populaire comme TripAdvisor ont monté des équipes pour chasser les avis faussés, influencés ou mal intentionnés.
Une étude TestnTrust a montré que près de 9 Français sur 10 consultent les avis de consommateurs sur Internet et que 89% d’entre eux les jugent « utiles » ou « très utiles. »
Néanmoins, on constate un défaut de confiance manifeste dans ces appréciations. Trois quart des répondants estimant que, parmi les avis de consommateurs consultés , certains sont faux (1).
Face à ce constat, l’AFNOR s’est donc saisie du problème en coopération avec des acteurs du secteur du commerce électronique. Avec la volonté d’apporter une réponse sous la forme d’une norme volontaire dans une approche d’auto-régulation du secteur.
Une démarche vertueuse, selon Olivier Peyrat, susceptible de créer de la confiance vis-à-vis des services Internet dont le modèle économique repose sur les avis d’internautes et de marginaliser ceux qui ont adopté de mauvaises pratiques.
AFNOR a donc coordonné l’élaboration du texte : la norme NF Z74-501.
Celle-ci propose, sur une base volontaire, des règles et des procédures permettant de fiabiliser et d’apporter de la confiance dans les méthodes de traitement, de collecte et de publication des avis en ligne de consommateurs.
« Des solutions applicables par tous sites qui souhaitent développer et améliorer la qualité de leur relation client », assure Raphaël Colas.
Le tout induit des changements dans les pratiques. Des changements exigés par la norme qui nécessitent de la transparence, fixent l’exigence de la fraîcheur des avis et la vérification de la preuve de consommation.
Parmi les restrictions ou au contraire les exigences, la norme interdit l’achat d’avis et l’identification de l’auteur de l’avis. Il doit y avoir fourniture de preuves de l’expérience de consommation.
D’un point de vue gestion des contributions, le modérateur doit maîtriser la langue dans laquelle l’avis a été rédigé. Il doit être dans l’impossibilité de modifier un avis en ligne tandis que le consommateur dispose lui d’un droit de retrait.
Côté publication des avis, la norme suppose un affichage en premier des avis les plus récents (LIFO), une parfaite transparence sur les méthodes de calcul des notes globales et les délais de prise en compte des notes dans la note globale affichée. Il est aussi question d’un droit de réponse gratuit et publié sous 7 jours.
Pour exploiter cette norme, tout gestionnaire de site Internet traitant des avis de consommateurs à l’égard de produits ou services peut décider de mettre volontairement son site en conformité avec les exigences de la norme NF Z74-501.
Il peut alors se procurer la norme sur le site Internet d’AFNOR afin de faire évoluer ses pratiques et développer les fonctionnalités nécessaires. Il a la possibilité d’auto-déclarer pour respecter la norme (sans contrôle extérieur).
S’il est partant sur ce principe de normalisation, la direction de la société exploitant le site Internet engage alors sa responsabilité (3), en prouvant lui-même sa conformité en cas de demande de la part d’une autorité.
S’il souhaite, ensuite, donner plus de confiance à ses parties prenantes (clients, internautes, annonceurs,…), le site peut faire appel à un organisme de certification indépendant, pour vérifier la conformité et en attester.
Pour Olivier Peyrat, cette norme pourrait servir de base à l’élaboration d’une norme internationale, dans le cadre de l’organisation internationale de normalisation (ISO), dont AFNOR est le membre français.
A peine établie, la norme provoque des remous
Plusieurs voix se sont élevées pour contester peu ou prou les décisions de la commission qui a édicté le « règlement ».
Ainsi l’expert de la relation client Ludovic Nodier, fondateur de Viséo Conseil, considère que si l’on peut se réjouir de la fin des avis anonymes, la norme ne va pas encore assez loin.
Le délai de publication des avis devrait être encadré sinon ils se périment dans le temps.
Ludovic Nodier ajoute que, si la preuve d’achat est recommandée pour la publication d’un avis, elle n’est pas obligatoire. « Rien ne prouvera qu’un avis de consommateur est validé par une preuve d’achat. »
Dans la même veine, David Levy, Président de la société Jade-I , plaide pour le temps réel. Il incite à collecter l’avis des consommateurs en liaison directe avec l’acte d’achat pour plus de transparence (voir tribune sur ChannelBiz.fr).
Autre voix qui s’élève dans le brouhaha, Gilles Granger, fondateur de Vinivi (site d’avis « vérifiés » sur les voyages et premier site qui assure se conformer à la norme), les deux ans de travaux nécessaires à son édification n’auront pas été de trop.
« Il s’agit d’un accouchement après de longues discussions et âpres négociations. C’est un consensus et il a fallu mettre tout le monde d’accord, notamment des acteurs aux intérêts antagonistes. »
Si Vinivi salue les travaux de la commission (en particulier les avancées des dernières semaines), les enjeux semblaient importants et les pressions lourdes sur fond de lobbying.
Pour Gilles Granger, c’est le consommateur qui est gagnant au final en termes de transparence.
Il va pouvoir savoir ce que devient son avis, avoir la garantie qu’il ne sera pas modifié, engager un véritable dialogue avec les professionnels via notamment un droit de réponse gratuit, etc.
Vinivi est globalement en adéquation avec la norme (mais des petites modifications ont été nécessaires). « Il n’en sera pas de même pour tous les acteurs qui voudraient adhérer à la norme… »
Petit bémol : « Dans le cas des avis écrits spontanément sur un site Internet, la commission aurait dû aller plus loin et n’afficher que des avis ayant une preuve de séjour, comme Vinivi le fait. »
Tout en poursuivant : « Malgré nos arguments et notre insistance, cela n’a pas été retenu. Une norme est un consensus et nous avons bien compris que notre approche n’était pas celle de tous. Cela aurait par ailleurs réduit le nombre de sites qui pouvaient se conformer à la norme, limitant ainsi sa portée. »
Gilles Granger conclut : « Une demande de preuve sera systématiquement demandée et un tri devra figurer sur les sites d’avis. Vinivi voulait aller plus loin, mais c’est en tous les cas une première victoire pour le consommateur. »
(1) Chiffres issus du 3ème Baromètre des faux avis de consommateurs Easy panel Testntrust : http://www.testntrust.fr/avis-consommateur/blog/p/3eme-barometre-des-faux-avis-de-consommateurs-testntrust-4658
(2) Le délai moyen de réalisation d’une norme française est de 3 ans.
(3) En cas d’utilisation abusive de la norme AFNOR, le code de la consommation sanctionne ce type de pratique commerciale trompeuse de 37 500 euros maximum pour la personne physique et 187 500 euros pour la personne morale, avec possibilité pour le tribunal d’ordonner la cessation des pratiques et la publication du jugement : Code de la consommation : article L. 121-1-1-1 I 1° à 4.
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