La Commission européenne se montre déterminée à traquer des avantages fiscaux présentés comme illégaux et accordés à des géants du Numérique.
Ainsi, Amazon et le Luxembourg figurent dans le collimateur de Margrethe Vestager.
La commissaire en charge de la concurrence reproche au Grand-Duché d’accorder au groupe e-commerce des faveurs fiscales indues d’un montant de 250 millions d’euros.
La charge se résume ainsi : ce type d’aide d’État « sélectif » (« tax rulings ») enfreint les règles de l’UE. Ce qui a « permis à Amazon de payer sensiblement moins d’impôts que d’autres entreprises », selon la Commission européenne.
« Près de trois quarts des bénéfices d’Amazon n’étaient pas imposés », assène Margrethe Vestager. La Commission européenne somme le Luxembourg de « récupérer l’aide illégale ».
En guise de réaction à la nouvelle charge de Bruxelles, le groupe américain pionnier de l’e-commerce déclare n’avoir « reçu aucun traitement spécial ».
« Nous nous sommes acquittés des taxes requises en parfaite conformité avec les lois luxembourgeoises et internationales », précise-t-il par voie de presse.
Un appel du processus de remboursement de « l’aide illégale » est probable. Pour sa part, la position du Grand-Duché reste inflexible : « Amazon a été imposée en conformité avec les règles fiscales en vigueur à l’époque des faits. »
Un sujet qui est loin d’être évident à aborder au niveau de la Commission européenne. Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission européenne, occupait les fonctions de Premier ministre du Luxembourg dans la période 1995-2013.
Les privilèges fiscaux d’Amazon dans cet Etat dénoncées remontent à 2003 (avec une reconduction en 2011). Ils avaient été dévoilés à l’issue d’une enquête ouverte par Bruxelles en octobre 2014.
Selon Les Echos, Amazon a stoppé cette pratique fiscale en juin 2014 (période correspondant à l’issue de l’enquête préliminaire de la Commission européenne).
Amazon n’est pas la seule société à devoir se justifier. En octobre 2015, la Commission européenne avait conclu que le Luxembourg (encore) et les Pays-Bas avaient accordé des avantages fiscaux sélectifs respectivement à Fiat et à Starbucks.
La Belgique a également été pointée du doigt au regard des avantages fiscaux sélectifs accordés à 35 multinationales (au moins).
Un dossier similaire mais aux enjeux financiers colossaux oppose la Commission européenne à l’Irlande et Apple.
L’an passé, la firme américaine avait été sommée de rembourser à l’Irlande (pays servant de base européenne à Apple) un montant faramineux de plus de 13 milliards d’euros « d’ avantages fiscaux indus ».
Le dossier de résolution du litige traîne. « Plus d’un an après l’adoption de cette décision (…), l’Irlande n’a toujours pas récupéré la somme, ne fût-ce qu’en partie », regrette Margrethe Vestage dans une déclaration également formulée hier (4 octobre).
« C’est pourquoi nous avons décidé aujourd’hui d’assigner l’Irlande devant la Cour de justice de l’UE pour non-exécution de notre décision. »
Dans le prolongement du sommet européen de Tallinn (Estonie) dédié au numérique, l’Union européenne lance une nouvelle initiative « visant à garantir une imposition de l’économie numérique à la fois juste et propice à la croissance ».
Une proposition de la Commission européenne devrait émerger dès 2018 à ce sujet.
« Tout le travail de la Commission repose sur le principe simple selon lequel toutes les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites, doivent payer l’impôt là où elles réalisent leurs bénéfices », précise Bruxelles dans sa communication.
Ce débat est également animé en France. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, a obtenu le soutien d’une dizaine d’Etat de l’UE alliés (don’t l’Italie et l’Allemagne) pour pousser à la création « d’une taxe d’égalisation du chiffre d’affaires » visant les géants du numérique, à commencer par le club GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon).
« Certaines grandes entreprises du numérique paient aujourd’hui moins de 100 000 euros d’impôts en France … alors qu’elles réalisent plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires, qu’elles recrutent, commercent et se développent sur notre territoire », évoquait le ministre dans une contribution sur Medium en date du 20 septembre.
« Ce tour de passe-passe a un coût massif pour nos finances publiques : il représente plusieurs milliards d’euros de pertes fiscales pour la France chaque année. »
Concrètement, alors qu’Amazon réalise un chiffre d’affaires évalué à un milliard d’euros en France, le groupe e-commerce n’a versé que 5,8 millions d’euros d’impôt sur les sociétés en 2014.
Pour Apple, le fossé est encore plus vertigineux : le chiffre d’affaires tournerait autour de 4,3 milliards d’euros en 2015 mais le versement au titre de l’impôt sur les sociétés flirte avec les 25 millions d’euros (source Challenges).
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