Même à dix mille mètres d’altitude, on n’est pas à l’abri de la NSA… ni de son homologue britannique.
C’est le principal enseignement à tirer d’une série de quatre « documents Snowden » que Le Monde publie en collaboration avec le média américain The Intercept, fondé par le journaliste Glenn Greenwald, à qui le lanceur d’alertes avait révélé l’affaire PRISM il y a plus de trois ans.
Les deux agences de renseignement ont, a minima entre 2005 et 2013, surveillé les vols commerciaux de dizaines de compagnies aériennes, interceptant les communications des passagers.
Une lettre interne datée de 2010 illustre l’appétit de la NSA pour l’espionnage des avions de ligne. Le simple fait d’allumer un téléphone permet de le localiser via les balises GSM installées dans l’appareil.Ce qui permet de repérer les déplacements d’une cible d’intérêt, sans même qu’elle passe d’appels, envoie de SMS ou se connecte sur un service en ligne.
Expliquant, dans cette même lettre, être parvenues à « récupérer les tweets et les statuts Facebook de personne situées à plus de 10 kilomètres au-dessus du sol », les équipes de la NSA se permettent une pointe d’humour : « Le GSM en vol n’a pas encore atteint son altitude de croisière (ha ha) ».
Effectivement, l’agence se projette déjà, à l’époque, sur l’installation du Wi-Fi dans les avions. Elle se figure un périmètre potentiel de plusieurs centaines de milliers de personnes… avec les pratiques d’espionnage politique ou économique qu’on peut supposer.
De l’autre côté de l’Atlantique, le GCHQ est sur la même ligne. Fin 2012, une présentation top secrète donne des détails sur le programme « Southwinds » mis en place pour aspirer toutes les données et métadonnées associées aux communications effectuées dans les vols commerciaux. À ce moment-là, Southwinds est opérationnel sur la zone EMEA, par le biais des satellites Inmarsat. Il est alors question d’atteindre une couverture mondiale à l’horizon 2013.
Air France, qui avait réalisé son premier test GSM le 17 décembre 2007 sur un Paris-Varsovie, fait l’objet d’une attention particulière dans ce document dans lequel il est précisé que chaque avion peut être suivi à des intervalles de 2 minutes dès lors qu’il a atteint une altitude de 10 000 pieds. Sont aussi citées Emirates, Royal Jordanian, Oman Air, Qatar Airways, TAP Portugal, Lufthansa…
Dès 2005, la NSA avait évoqué Air France dans le cadre d’un programme pensé pour « éviter un nouveau 11-Septembre ». Son département juridique considérait alors qu’il n’existait pas d’obstacle légal pour cibler, à l’étranger comme au-dessus du sol américain, les avions de la compagnie française.
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