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Alex Türk (CNIL) : « Vie privée : nous attendons des éléments complémentaires de Google Street View »

Déposée le 27 novembre, la proposition de loi du député Jean-Christophe Lagarde, qui vise à restreindre « les immixtions des moteurs de recherche dans la vie privée », fait des vagues.

Les services de cartographie incluant des fonctionnalités de visites virtuelles sont clairement dans le collimateur : Google Street View, Bing Maps et ses « vues d’oiseaux » (Bird View) ou encore Pages Jaunes.

« C’est une intrusion dans votre vie privée qui peut donner lieu à des débordements », argue le député dans un entretien accordé à ITespresso.fr.

Pour mieux comprendre les enjeux liés au développement de ces services qui frôlent l’atteinte à la vie privée pour les uns ou qui s’y immiscent carrément pour les autres, nous avons interviewé Alex Türk, Président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Il se déclare favorable à l’initiative du député Lagarde et élargit la problématique à la gestion de l’identité numérique…(Interview réalisée le 4 décembre 2009)

ITespresso.fr : Soutenez-vous la proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde ?
Alex Türk : Je pense que l’initiative est bonne et il est temps de faire le point. Ce n’est qu’une proposition de loi et je ne sais pas si elle ira au bout. Mais l’idée de poser ce problème de société [le respect à la vie privée, NDLR] est judicieuse. Je rencontre de plus en plus de gens qui s’interrogent sur la question du consentement pour être présents sur ces services. Nous avions d’ailleurs reçu une déclaration de Google Street View et nous leur avions demandé un certain nombre d’éléments complémentaires. Pour l’instant, nous sommes en attente d’un retour, notamment sur une question centrale qui est la durée de conservation des données.

ITespresso.fr : Quels sont les problèmes posés par un service tel que Google Street View ?
Alex Türk : Google Street View pose deux problèmes. Le premier est la reconnaissance autrement dit, le floutage. Mais c’est aussi le problème du retrait des informations lorsque l’on souhaite ne pas être sur le service.

ITespresso.fr : A votre avis, quelle serait la meilleure méthode pour améliorer ce service ? Faut-il aller jusqu’à déposer une demande d’autorisation dans la boîte aux lettres des gens avant de diffuser des vues de leur maison ?
Alex Türk : Effectivement, je me pose la question. Nous n’avons pas délibéré mais le problème est posé car nous rencontrons de plus en plus de gens qui se plaignent. Parfois, les gens réagissent en disant « si vous demandez cela à Google, ils ne pourront plus le faire »… Google est une société commerciale et développe une activité commerciale mais cela doit se faire dans le respect des garanties des droits individuels. Or, il y a des vues problématiques à la fois pour les habitations mais aussi pour les véhicules. Les données personnelles appartiennent aux individus et pas à n’importe qui. Ce n’est pas un bien marchand que l’on peut vendre comme cela.

ITespresso.fr : La vie privée des citoyens n’est donc pas suffisamment protégée ?
Alex Türk : Je vous répondrais en vous citant un exemple. Je lisais dans la presse il y a quelques semaines que le chanteur Paul Mc Cartney s’était plaint auprès de Google pour faire retirer les images de sa villa présentes sur Google Street View. Ce à quoi la société a répondu positivement et rapidement. Mais hélas, tout le monde ne s’appelle pas Mc Cartney. Et il faudrait pourtant que nous ayons la certitude de pouvoir faire enlever des vues rapidement, or ce n’est pas le cas, c’est généralement assez long.

ITespresso.fr : Que pensez-vous des vues aériennes « bird view » présentes sur des services tels que Bing Maps ?
Alex Türk : Cela pose le même problème. Dès lors que l’on distingue clairement des éléments de la vie privée, je pense que cela constitue une atteinte à la vie privée.

ITespresso.fr : Je suis photographe, je me promène dans les rues d’un quartier et je prends des photos pour mon blog. Sur plusieurs vues, comme sur Google Street View, on distingue des maisons avec des bouts de jardin ou des voitures. Mais cela n’était pas intentionnel. Comment l’interpréter ?
Alex Türk : Tout dépend de la possibilité que cela donne de repérer clairement des éléments. Il ne peut pas y avoir une réponse uniforme car tout est une question de précision des images. Mais si cela permet de repérer une habitation et de donner des éléments relatifs aux personnes qui peuvent y habiter, alors cela pose un problème car les gens ont droit à une forme de droit à l’oubli.

(lire la suite de l’interview page 2)

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