Amélie Boucher (Ergolab) : « Une bonne ergonomie se conçoit avec les utilisateurs »

ITespresso.fr : Les utilisateurs doivent donc s’intégrer dans le projet Web dès le début ?
Amélie Boucher : L’erreur la plus fréquente est de faire des tests utilisateurs une fois que l’on a achevé le site. La démarche est alors presque vide de sens. En effet, le test utilisateur est une démarche de terrain, qui doit aider l’équipe à concevoir un meilleur produit. Plus précisément, tout dépend du nombre de sessions que l’on prévoit. Si on ne peut faire qu’un test utilisateur, il ne faut pas le faire trop tôt car la réflexion ne sera pas assez avancée, et on n’évaluera pas assez de choses. Il ne faut pas réaliser les tests utilisateurs trop tard non plus, et c’est souvent l’erreur que font les éditeurs. En effet, si le test utilisateur est effectué pendant ou après les développements, il est en général trop tard. Quels que soient les défauts observés, il y a peu de chances pour que des modifications soient apportées. Un bon moment semble être la fin de la phase de conception, où l’on peut alors prévoir un test utilisateur sur un prototype très simple réalisé pour l’occasion en quelques heures. Il peut être réalisé sur la base des wireframes ou des maquettes graphiques pour plus de réalisme. Si plusieurs sessions de test peuvent être envisagées, il est alors très appréciable de pouvoir réaliser le premier très en amont, pour valider le concept, les pistes, les premières idées. Quelques écrans suffisent alors pour recueillir des données inestimables! La deuxième itération peut être réalisée en fin de conception ou au début des développements.

ITespresso.fr : Est-ce qu’il existe selon vous une ergonomie idéale, un standard…
Amélie Boucher : Cela n’existe pas. Une ergonomie ne peut être bonne que dans un contexte donné, pour un utilisateur donné, qui essaie d’accomplir une tâche bien spécifique. On pourrait presque dire que ce qui permet de caractériser une bonne ergonomie est la démarche qui est employée pour créer le site ou l’outil. En impliquant les utilisateurs, en essayant de comprendre qui ils sont, quels sont leurs besoins, en leur soumettant nos maquettes, on fait de l’ergonomie.

ITespresso.fr : Et, en guise de conclusion, petit « crash test »… ITespresso.fr est-il selon vous ergonomiquement bien conçu ?
Amélie Boucher : Pour faire l’exercice correctement, il faudrait connaître vos objectifs stratégiques, ainsi que le profil des gens qui arrivent sur le site (qui sont-ils ? Que viennent-ils chercher ? Par quelle porte ?). D’emblée, cependant, il n’est pas évident de comprendre ce que fait le site : pas de baseline, de description, etc. C’est sans doute accentué par le fait que le menu de navigation montre une architecture de l’information orientée « objet » plutôt que « thème » : on parle d’actualités, de dossiers, de livres blancs, et non des thèmes qui intéressent les lecteurs (ex: Green IT, Réseaux, Sécurité). Ces éléments plus proches du métier ou des préoccupations des internautes se cachent en fait à un niveau inférieur de l’arborescence. Cela n’aide pas à avoir une barre de menu qui ait un fort pouvoir suggestif, qui donne envie de lire, de plonger dans le site. On peut aussi remarquer que pour un site sur lequel le visiteur est souvent en position de prise d’information, la grille sur laquelle est conçue la page article laisse peu d’espace mental à la lecture. La présence constante de la publicité ne facilite pas la concentration: souvent, pas moins de trois bannières animées tournent simultanément. Heureusement, de bonnes pratiques sont appliquées : présence d’un chapeau, de mots-clés, de liens directement dans les paragraphes…et une proposition d’autres articles en bas de page pour continuer la lecture!