Antitrust : Qualcomm conteste la vision de la Commission européenne
Qualcomm fait appel de la lourde sanction que Bruxelles lui a infligée pour abus de position dominante. En toile de fond, l’éventualité d’un rapprochement avec Broadcom.
Nous n’avons, au travers de cet accord, ni violé les règles de concurrence en vigueur dans l’Union européenne, ni déstabilisé le marché, ni causé du tort aux consommateurs.
Ces propos sont, dans les grandes lignes, ceux de Qualcomm, qui a annoncé faire appel de l’amende de 997,439 millions d’euros que Bruxelles lui a infligée pour s’être rendu, en passant l’accord en question, coupable d’un abus de position dominante sur le marché des modems LTE.
Après un an et demi d’enquête, la Commission européenne a conclu qu’il avait existé, pendant plus de cinq ans et demi, un contrat dans le cadre duquel l’entreprise californienne dirigée par Steve Mollenkopf avait versé « des milliards de dollars » à Apple pour qu’il n’utilise pas, dans ses iPhone et iPad, de modems fournis par d’autres sociétés.
Signé en 2011 et renouvelé en 2013, ledit contrat prévoyait que le groupe de Tim Cook devrait rembourser Qualcomm en cas de changement de fournisseur. Ce n’est qu’à son terme que des puces Intel avaient fait leur apparition dans les smartphones et les tablettes de la « marque à la pomme ».
Le montant de l’amende, égal à environ 5 % du dernier chiffre d’affaires annuel de Qualcomm, a été calculé en tenant notamment compte de la part de marché de la firme, « supérieure à 90% » sur la période concernée.
L’UE doit encore se prononcer sur un deuxième volet, objet d’une enquête distincte : une stratégie de prix d’éviction pratiquée entre 2009 et 2011 pour empêcher l’offensive commerciale du concurrent Icera, tombé depuis lors dans le giron de Nvidia.
Broadcom en filigrane
Tombée mercredi, l’annonce de la sanction avait eu peu d’effet sur le cours boursier de Qualcomm, qui est même remonté en fin de semaine : vendredi en clôture sur le Nasdaq, l’action en était presque à son plus haut depuis la mi-2015.
Il faudra voir, à plus long terme, l’éventuel effet sur les négociations avec Broadcom, prêt à mettre 130 milliards de dollars sur la table pour s’offrir Qualcomm – qui a rejeté, en novembre dernier, une première offre à 105 milliards.
Si le rapprochement se confirmait, il pourrait signifier la fin de la bataille que Qualcomm livre contre Apple dans plusieurs juridictions à travers le monde, sur fond de pratiques anticoncurrentielles, plus particulièrement dans la gestion des brevets dits « essentiels », car relatifs à des technologies ayant fait l’objet d’une standardisation.
Du côté de Google et Microsoft, pas de réaction officielle, mais en coulisse, on aurait manifesté une forte opposition à un tel deal. Non seulement au regard de la propension de Broadcom à « réduire les coûts plutôt qu’à investir dans l’innovation », mais aussi de par la proximité qu’un tandem avec Qualcomm entretiendrait vis-à-vis d’Apple, client beaucoup plus important.
Un motif d’espoir pour Qualcomm, à qui la Corée du Sud avait, dès 2009, infligé 208 millions de dollars d’amende pour abus de position dominante sur le marché des modems, mais 3G : le récent retournement de situation dans le « dossier Intel ».
En 2009, la Commission européenne avait condamné la firme de Santa Clara à verser plus d’un milliard de dollars pour avoir proposé, entre 2002 et 2007, des rabais litigieux sur ses processeurs à quatre fabricants de PC (Dell, Lenovo, HP, NEC) afin d’écarter son principal concurrent AMD.
Le Tribunal de l’UE avait confirmé cette sanction en 2014… mais la Cour de justice en a ordonné, en septembre dernier, le réexamen.