La présence d’Apple sur le marché de l’informatique n’est plus une nécessité, aujourd’hui c’est une obligation ! Au fil du temps, les systèmes d’exploitation et les équipements capables d’opposer une résistance aux PC équipés par le tandem Windows-Intel, baptisé « Wintel », s’évanouissent peu à peu, des chaumières en tout cas. Disparus les Sinclair, BeOS et autres systèmes développés pour Amiga ou Atari. Même IBM jettera l’éponge en 2003 en abandonnant son trop méconnu OS/2 ! Le marché de l’informatique, par un tour de passe-passe admirable, a connu en moins de vingt ans ce que d’autres industries absorbent en plus d’un siècle, à savoir une concentration autour de deux acteurs omnipotents : l’empereur du logiciel système et le régent de l’architecture électronique ! Le tout avec la bénédiction des pouvoirs publics et de la justice (voir édition du 3 décembre 2002), incapables de réguler le marché ! Les constructeurs de PC, Dell en tête (voir édition du 21 octobre 2002), bien qu’ayant fait montre de beaucoup d’inventivité industrielle et d’une fantastique capacité marketing, sont quasiment cantonnés au rang d’assembleurs, leurs dépenses en recherche et développement s’avérant souvent freinées par de trop faibles marges. Face à ce marché atone et à une cohorte de béni-oui-oui prompts à vanter les avantages du tout-Windows et de l’architecture x86, seuls Apple et, dans une moindre mesure, la communauté Linux ont encore suffisamment de punch pour proposer une alternative au grand public et montrer un peu de combativité. Malheureusement, l’offre Linux ne semble pas encore mûre, même si elle s’améliore nettement. Le système Lindows (voir édition du 26 juin 2002) et la version Red Hat de Linux (voir édition du 18 septembre 2002), par exemple, semblent sur le point de se positionner comme de réels concurrents à l’offre de Microsoft sur PC. Mais à quel prix et pour quel public ?
Face à ce monopole, Apple, le plus crédible des acteurs, fait figure de nain : le nombre de Mac vendus en 2002 dépasse à peine les 3 millions, quand Dell en diffuse près de six fois plus et maîtrise près de 16 % du marché ! Quant au chiffre d’affaires de la Pomme, il n’atteint pas 6 milliards de dollars (5,7 milliards d’euros) pour une part de marché mondiale inférieure à 4 % ! Pourtant, Apple reste la seule société encore en mesure de proposer une offre sérieuse, soutenue par des éditeurs de logiciels et des constructeurs de périphériques. Et elle le fait dans des conditions pour le moins périlleuses : une modification matérielle et logicielle complète de la plate-forme dans un contexte économique totalement défavorable. Mais si la firme réussit à convaincre, le marché de l’informatique pourrait ne plus se concentrer sur une seule plate-forme, mais au moins deux. Sa façon d’opérer cette mutation vaut d’ailleurs le coup d’oeil : elle intègre ou fait adopter, bon an mal an, des technologies qui deviennent peu ou prou des standards qu’elle n’a néanmoins pas imposés : choix d’Unix comme système d’exploitation, de solutions électroniques communes au reste de l’industrie et adoption de normes internationales reconnues. En fait, peu de technologies la distinguent encore des autres, l’architecture PowerPC demeurant la principale.
Les couacs d’Apple
Apple n’est cependant pas parfaite et les couacs ne manquent pas : tergiversations sur l’adoption de tel ou tel composant, partenariat avec Motorola mis en défaut, coût prohibitif du passage à son nouveau système d’exploitation, politique tarifaire générale douteuse, marketing bancal, service client critiquable et souvent décevant, coût élevé de son service Internet ?Mac… La liste est longue et les décisions du constructeur sont souvent incompréhensibles. Les hésitations apparentes et son manque de communication quant à sa stratégie processeurs en sont une parfaite illustration. Mais plus que jamais, Apple a besoin d’être soutenue, autant que critiquée ! La firme doit continuer à assurer un minimum de concurrence sur ce marché, beaucoup trop phagocyté ! Le ton pour 2003 devrait être donné à San Francisco dès le 7 janvier. Apple pourrait bien encore surprendre et aiguillonner à nouveau le reste de la planète high-tech. Tant mieux, car l’indulgence généralisée pour le standard de facto Wintel, peu prompt à se remettre en question et despotique, confine à un conformisme peu enthousiasmant, voire sclérosant.
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