Apple et les brevets payants du W3C
La firme à la Pomme s’est fendue d’une lettre ouverte pour soutenir une politique de brevetabilité des technologies utilisées sur le Web sans versement de royalties. Le document de travail qui doit définir le cap pris par la World Wide Web Conference est en cours d’amendement et doit déboucher sur une publication en février 2002. Les manoeuvres autour de ce texte qui doit fonder la dynamique du Web pour les dix ans à venir ne sont pas finies…
Coup de théâtre dans l’adoption d’une politique d’utilisation des technologies du Web : Apple soutient une politique de licence sans versement de royalties. La firme a mis en ligne une « déclaration sur la proposition de politique de licence du W3C » qui souligne la complexité de la décision à prendre. Le groupe de travail qui planche sur cette proposition – composé de sept membres issus de Microsoft, Hewlett-Packard, Philips, Pennie & Edmonds, du MIT, du W3C et d’Apple – a rendu un document de travail qui ouvre la porte à des excès en ce qui concerne l’utilisation de brevets touchant à des technologies admises au rang de standards sur l’Internet. Pour Apple, si la proposition actuelle met en avant une préférence pour les licences sans versement de royalties, l’option prête à l’emploi d’une licence RAND (Reasonable And Non Discriminatory – licence à prix raisonnable ou libre de droits et sans restriction d’usage, applicable au monde entier) offre une occasion trop facile aux détenteurs de propriétés intellectuelles de chercher à utiliser le processus de standardisation pour contrôler l’accès à des standards Internet fondamentaux (voir édition du 5 octobre 2001). L’utilisation d’une licence libre de droits pour tous les standards adoptés éviterait cela.
Apple pour une politique de licence libre de droits
La décision, qui doit amener l’adoption d’une véritable politique concernant le statut des technologies utilisées comme standards sur le Web, devrait avoir un impact non négligeable sur la propagation des technologies liées à Internet. En réflexion depuis 1999, elle intervient après que Microsoft a tenté d’imposer une licence pour sa technologie de feuilles de style CSS, que la firme avait dû retirer devant les protestations soulevées. La présence ou l’absence de coût de licence sur les propriétés intellectuelles aurait un impact direct sur le prix à payer pour accéder à Internet, que celui-ci soit direct ou indirect. En soulignant son soutien à l’adoption d’une politique de licence libre de droits (ou RF – Royalty Free), Apple rejoint le camp de la communauté des développeurs libres, qui s’était manifestée tardivement à la fin du mois de septembre pour s’opposer à la proposition initiale du W3C (voir édition du 5 octobre 2001). Pour Apple, les promesses apportées par l’Internet reposent sur l’accès à des ressources libres alimentant un modèle de licence ouvert qui ne doit pas être pollué par des questions de droit privé. Apple propose que le W3C soit le siège effectif d’une véritable collaboration destinée à développer les standards, mais que cette collaboration assure que les technologies employées sont ouvertes et accessibles aux utilisateurs sans participation. La proposition d’Apple se voit contre-balancée par la nécessaire protection intellectuelle des oeuvres. La firme propose donc que les propriétaires indiquent aux groupes de travail du W3C quels brevets spécifiques ils ne veulent pas voir licencier sur la base d’une licence libre de droits. La firme propose que seules les technologies s’appuyant sur cette proposition atteignent le stade de standard Web, les autres n’y ayant pas accès. Et d’y ajouter une réciprocité des licences libres de droits entre participants.
La proposition d’Apple paraît pondérée et prend en compte la réaction de la communauté des acteurs du Web. En agissant de la sorte, la firme – parce qu’elle dispose d’une voix décisionnelle dans le groupe de travail qui est chargé de la définition de la politique du W3C – prend ainsi le contre-pied de la brevetabilité sur la base de licences RAND que le document initial met particulièrement en avant. La déclaration d’Apple intervient également quelques semaines après les manoeuvres entamées par Microsoft pour affaiblir les technologies de ses concurrents comme Java et QuickTime et obliger le Web à l’utilisation de sa technologie ActiveX. L’avenir du Web a beaucoup à attendre de la politique de licence du W3C qui sera publiée en février 2002.