Le succès tient au souci du détail. Avec Apple, ce souci est souvent poussé très loin, et ses produits emportent des prix de conception, d’innovation, sont cités en exemple, pris comme modèle… Pour la société, il semble que la moindre diode, le plus petit morceau de plastique, la moindre fenêtre du système d’exploitation, les couleurs, voire la façon dont les produits sont placés dans leur carton d’emballage participent à la sacro-sainte « expérience d’achat » du client de la Pomme. Ce souci du détail laisse généralement l’impression au client qu’il n’a pas acheté de la camelote… Si Apple réussit généralement bien cette partie psychologique de la vente, où le savoir-faire de ses ingénieurs est indubitable, un des problèmes souvent rencontrés concerne le contact avec le client, la partie « physique » de l’échange, où l’acheteur rencontre le vendeur. Cette rencontre s’avère « pauvre » dans un certain nombre de cas, et plus spécifiquement avec les nouveaux venus au Mac.
Un modèle de vente axé sur les magasins grand public
En effet, rien à redire ou presque pour le « vieil utilisateur » du Mac, qui est généralement satisfait par son achat ou entretient tout seul sa satisfaction. Et les clients d’Apple sont d’une fidélité assez enviée par l’industrie. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment son service après-vente qui fait rester sur ses machines, mais beaucoup plus le produit lui-même, sa convivialité, son interface, des détails comme le repose-mains du PowerBook, le système de fermeture du PowerMac ou le silence de l’iMac. Mais pour les nouveaux venus au Mac ? Le problème est tout autre, surtout lorsqu’il s’agit d’utilisateurs n’ayant pas de culture du clavier et de l’écran. Les ventes des produits de la firme sont prévues pour passer par des magasins dits grand public. Un modèle développé par Mitch Mandich (voir édition du 25 août 2000), l’ex-responsable des ventes mondiales, et mis en application en France par Thomas Lot. La Fnac, Surcouf et Darty en font partie.
Mais ce modèle est-il viable ? Trois exemples récents viennent nuancer ses résultats : aux Etats-Unis, Apple a envoyé ses propres commerciaux notamment chez CompUSA, une grosse chaîne de distribution. Incompétence des personnels du distributeur ? Pas nécessairement. Comme partout, on y trouve des gens très bien formés et d’autres ne connaissant pas ce qu’ils vendent. Mais Apple voit ce maillon comme le point faible de sa commercialisation. Et d’autres chaînes comme WalMart ou Costco font pire : elles ne disposent virtuellement d’aucun personnel ! Deuxième exemple au Royaume-Uni : la chaîne Tesco, l’équivalent de Carrefour en France, a voulu y vendre des iMac. « Oui, à conditions que vos personnels soient formés pour », s’est-elle vu répondre en substance par Apple UK, selon des propos rapportés par nos confrères de MacWorld UK. Une fin de non-recevoir. Qu’à cela ne tienne, le distributeur s’est approvisionné en Mac chez un grossiste sur le marché européen et a réalisé 2 000 ventes en cinq semaines. Bon score, à un prix imbattable : près de 700 livres (moins de 7 400 francs, alors que les prix les moins élevés en France étaient de près de 8 000 francs au même moment, sur les modèles DV proposés). Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, qui prouve que l’expérience d’achat avancée par Apple n’a pas forcément de place sur les modèles d’entrée de gamme. L’iMac s’est ici vendu sur la base de ses qualités intrinsèques et du prix proposé, souligne Tesco !
Elargir la base d’utilisateurs
Et en France ? Ainsi que nous l’avons déjà montré en décembre dernier, l’expérience d’achat y est fortement hétérogène et parfois inexistante (voir édition du 20 décembre 2000). Un nouveau passage à la Fnac vous confirmera le constat déjà réalisé : même le magasin Apple dans le magasin de la Fnac Saint-Germain reste très en deçà de ce qu’on pourrait attendre d’une « expérience d’achat Apple », et ce malgré la présence épisodique de vendeurs de la firme. Les personnels de la Fnac restent ignorants du fonctionnement et des qualités du Mac. Or Apple a besoin d’élargir sa base d’utilisateurs, donc d’en accepter de nouveaux. Sur l’iMac, près de 45 % des acheteurs sont des nouveaux venus à l’informatique ou des convertis du PC, selon Fred Anderson (voir édition du 29 août 2000), qui a rapporté ces chiffres la semaine dernière (voir édition du 19 avril 2001). Ceux-ci soulignent qu’une forte demande, externe aux groupes d’utilisateurs déjà acquis, existe vraiment. Mais voilà, la politique de marges, de rémunération des ventes et de représentation de la firme se trouve engoncée dans sa stratégie d’image et la nécessité de s’appuyer sur son propre réseau de revendeurs. L’année 2000 en a vu de toutes les couleurs (voir édition du 28 décembre 2000). Dans ce contexte, l’ouverture attendue d’une chaîne propre à Apple aux Etats-Unis devra être observée de près. L’enjeu pour la firme restant de justifier ses prix élevés en comparaison de ses concurrents. Un exercice de style difficile sans produit adapté, surtout quand on entend initier une expansion.
Pour en savoir plus :
* Le site de Tesco (en anglais)
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