Apple Watch : à qui la « killer app » ?
L’Apple Watch est lancée en France. Comment les éditeurs se positionnent-ils et quelles sont leurs perspectives sur le marché des montres connectées ?
C’est parti pour l’Apple Watch. La montre connectée est commercialisée en France depuis ce 24 avril.
Pour accompagner la sortie du produit, plusieurs milliers d’applications ont été développées. Quels éditeurs ont pris position ? A quelles contraintes ont-ils été confrontés ? Quelles perspectives entretiennent-ils sur ce marché naissant et plus globalement sur le mobile ? Éléments de réponse.
Dans le secteur des transports, Transdev a pris l’initiative. A travers sa filiale Cityway, la multinationale a opté pour un déploiement à petite échelle, en association avec la Société de transports de l’agglomération stéphanoise (STAS).
La préfecture de la Loire fait office de « laboratoire d’innovation »pour une application dont l’objectif est de simplifier le parcours des usagers en exploitant essentiellement la géolocalisation ; par exemple pour afficher, sur l’Apple Watch, les horaires de passage aux arrêts de bus les plus proches.
Pour Thierry Elkaim, vice-président senior à la Transformation digitale au sein du groupe Transdev, la montre connectée ne constitue pour l’heure qu’un prolongement du smartphone, dont elle tire son potentiel via les applications mobiles déjà disponibles. Ce qui explique que le développement sur Apple Watch ait été « relativement rapide ».
« L’intérêt premier, c’est d’avoir toute l’information au poignet », affirme Thierry Elkaim. Et d’ajouter : « Les transports, c’est vraiment l’endroit typique où on ne souhaite pas sortir son téléphone ».
Interrogé quant aux estimations divergentes des cabinets d’études sur les ventes de montres connectées, le dirigeant retient le haut de la fourchette : il considère que plusieurs centaines de millions d’unités se vendront sur les deux à trois prochaines années.
« A l’heure actuelle, il n’y a pas vraiment de demande de la part des clients, mais on y croit et on pousse dans ce sens », conclut-il. Tout en précisant qu’une arrivée sur les montres Android n’est pas exclu, mais que la priorité stratégique est de s’étendre progressivement à d’autres réseaux de transport.
La vitrine Apple Watch
Chez L’Équipe, le développement sur Apple Watch n’a pas pris plus de temps. De l’aveu de Matthieu Willaime, chef de produits mobiles, il s’agit surtout d’alimenter une stratégie multiplateforme pour « assurer la représentation de la marque ».
A l’instar de Transdev, les équipes de développement se sont donné pour objectif de faire le pont avec l’iPhone, sans concevoir de services propres à la montre. L’application lancée ce 24 avril ne propose ni articles, ni classements, mais des résultats et des directs pour cinq sports, ainsi que des alertes sous forme de notifications.
Les consignes données par Apple se sont surtout portées sur l’interface graphique et la navigation avec des commandes comme la molette latérale.
L’Équipe n’a pas réalisé de travaux spécifiques pour les autres montres connectées, mais les notifications sont prises en charge sur Android Wear. « Ce n’est véritablement que lorsque cette plate-forme a été lancée qu’il est devenu intéressant de développer sur les montres connectées », confie Matthieu Willaime.
L’intéressé estime toutefois qu’à court terme, la demande sur ce marché ne sera « pas très forte ». Ni même à moyen terme, les freins au développement des montres connectées étant « trop nombreux ». « Le smartphone satisfait déjà la plupart des besoins, assure-t-il. Et c’est contraignant d’avoir encore un appareil de plus à recharger ».
C’est bien sur les smartphones que L’Équipe avance ses pions : au mois de février, 4,4 millions de visiteurs uniques ont été recensés sur le site et l’application mobile, contre 5,5 millions sur le Web « classique ».
Sécuriser le paiement mobile
Certains se sont mis au travail dès l’annonce officielle de l’Apple Watch en septembre 2014. C’est le cas de Lydia. Le spécialiste du paiement mobile sécurisé a développé, intégralement en interne, une application qui ne propose pas de fonctionnalités propres à la montre, mais des « cinématiques ».
Au-delà du transfert d’argent entre particuliers, la stratégie s’oriente sur le commerce électronique. Des négociations sont d’ailleurs en cours avec PriceMinister (groupe Rakuten) pour exploiter l’interaction hardware entre iPhone et Apple Watch afin d’apporter une couche de sécurité matérielle.
Le scénario est le suivant : le numéro de mobile, généralement fourni au commerçant, sert d’identifiant. Les demandes de paiement sont routées vers la montre, qui elle seule permet de valider les transactions, dans un schéma de double authentification.
En plus de constituer une alternative au système 3DSecure utilisé pour limiter la fraude, cette méthode permet, selon Cyril Chiche (CEO et cofondateur de Lydia), de « limiter le temps passé dans les canaux de paiement… et donc les abandons de paniers ».
Les utilisateurs de Lydia – 85 000 exclusivement en France, dont 84 % de 18-30 ans – étant essentiellement sur iOS, les montres connectées Android ne figurent pas encore sur la feuille de route. Mais « il n’y a pas d’ostracisme », assure Cyril Chiche. Lequel estime, à l’instar de Thierry Elkaim, que les ventes de montres connectées se compteront en centaines de millions à moyen terme.
L’Apple Watch sur de bons rails ?
Retour dans le secteur des transports avec Voyages-SNCF. Là aussi, le levier a été enclenché à l’annonce de l’Apple Watch, mais les initiatives se sont véritablement multipliées en novembre 2014, lors d’un hackaton organisé en interne.
Plusieurs projets autour de l’Apple Watch avaient été présentés à cette occasion. Pendant près d’un mois, un développeur a travaillé sur un simulateur mis en place par Apple. En binôme avec un graphiste, il s’est rendu par deux fois à Londres, où la firme de Cupertino organisait des ateliers.
Pour Pascal Lannoo, qui supervise la digitalisation de l’expérience client, la montre connectée ne doit pas être un simple complément au smartphone. Elle doit apporter des informations « complètes et autosuffisantes » en situation de déplacement.
Parmi les informations en question, la gare, le numéro de quai et l’heure de départ d’un train, ainsi qu’un récapitulatif des billets. « Apple a aussi particulièrement apprécié la fonctionnalité Handoff », se réjouit Pascal Lannoo. Le principe : rediriger les utilisateurs d’Apple Watch qui n’ont pas de titre de transport vers la page Petits Prix sur l’application mobile.
Le lancement, ce 24 avril, de l’application V. sur l’Apple Watch n’est pas une première pour Voyages-SNCF dans l’univers des montres connectées. Il existe déjà une application Android Wear, « moins complète » néanmoins.
L’utilisation des smartwatchs chez les clients de la compagnie ferroviaire étant encore limitée, le segment est intégré dans le mobile, qui représente 50 % de l’audience et 25 % des commandes (iOS étant majoritaire).
Mais pour Pascal Lannoo, « il se passe quelque chose […] Les usages commencent à faire passer la technologie au second plan [et] l’utilisateur ne se préoccupe plus de la manière dont les tuyaux sont interconnectés »
Voyages-SNCF compte aussi capitaliser sur l’exposition dont lui a fait bénéficier, ces dernières semaines, le spot TV officiel d’Apple, en lien avec la technologie de paiement Passbook.
Quelque chose de Californie
Ça bouge également à l’international. L’Américain Blue Jean Network, spécialiste de la visio-collaboration, a lui aussi tiré partie de ses applications mobiles pour concevoir, en quelques semaines, un service de gestion de réunions sur Apple Watch.
Le développement a été réalisé entièrement en interne par les équipes basées en Californie. La fonction compte à rebours de la montre a été mise à profit pour afficher le temps restant jusqu’à la prochaine réunion.
Audrey Baruch assure, en Europe du Sud, la supervision commerciale du groupe, qui pilote ses opérations sur le Vieux Continent depuis Londres. Elle reconnaît que les montres Android n’ont pas fait l’objet d’un développement spécifique, mais que « cela viendra avec l’engouement que va susciter l’Apple Watch ». Suffisamment en tout cas pour que « des centaines de millions [de smartwatchs] se vendent sur les prochaines années ».
Avec « des centaines de milliers d’utilisateurs » à son actif, Blue Jean Network est référencé parmi les 100 premières applications dans la catégorie « business apps » sur l’App Store. Un atout qui doit accompagner son développement dans l’univers des montres connectées.
Une pour tous…
Les groupes médias sont eux aussi très impliqués sur le dossier Apple Watch. Illustration avec Europe 1, qui s’est appuyé sur l’agence Dotscreen pour développer une application qui permet de contrôler le direct et de lancer des podcasts. Prochaine étape : les notifications push. Dans son sillage, NRJ applique la démarche à ses contenus Premium et à quelque 150 webradios.
Dans le domaine des transports, on relèvera l’initiative d’eCab pour faciliter la réservation de taxis. Chez British Airways, on touche à la dimension de personnalisation avec, outre le résumé des informations de vol (heure, statut), des notifications sur la porte d’embarquement et des jonctions avec la technologie Beacon (géolocalisation en intérieur) pour communiquer des informations comme le mot de passe d’un point d’accès Wi-Fi.
En voiture, Coyote permet aux possesseurs d’Apple Watch de réceptionner des alertes de la communauté (4,5 millions d’utilisateurs) : zones de danger, accidents et perturbations routières, limitations de vitesse, etc.
Babbel s’y met aussi avec une d’apprentissage contextuel en 14 langues : les mots sont proposés en temps réel, selon l’endroit où se trouve l’utilisateur (café, parc, salon de coiffure…) grâce à l’API Foursquare.
Autre scénario BtoC : celui imaginé par Meetic, dont l’application développée en une semaine signale visites et flashs, tout en permettant de répondre pour les détenteurs d’un compte premium.
Dans la sphère BtoB, Good Technology s’attache à la sécurisation de l’Apple Watch. Les administrateurs peuvent en l’occurrence contrôler le niveau de détail des notifications d’e-mails et de calendriers issus de Good Work. Le tout est fondé sur la plate-forme Good Dynamics, avec une prise en charge de la fonction MDM d’iOS 8.2.
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