Incontestablement, il y a un changement de style au sein de l’ARCEP.
Le nouveau président Sébastien Soriano souhaite donner un nouveau souffle à l’autorité indépendante en charge de la régulation des communications électroniques.
Face à des « nouveaux enjeux » (régulation des plateformes, neutralité Internet, Internet des objets…) qu’il avait enoncés dans la phase de candidature à cette fonction sur proposition du Président de la République, cet ancien conseiller de Fleur Pellerin souhaite que l’ARCEP soit utile à l’émergence de cette France numérique et diffuse son expertise. Quitte à sortir de son pré-carré des réseaux et dépasser son rôle d’arbitrage.
On met de côté la vision de la concurrence par les infrastructures privilégiée par son prédécesseur Jean-Ludovic Silicani et on favorise la course aux investissements par les opérateurs au nom de la concurrence pour concevoir les réseaux nouvelle génération de la France numérique : 4G puis 5G à l’horizon 2020 et fibre optique (rappelons l’objectif de l’Elysée : une France ancrée dans le très haut débit à l’horizon 2025).
Le dossier le plus chaud pour l’ARCEP concerne l’attribution des fréquences en or de la bande 700 MHz qui va passer de la TNT à la téléphonie mobile.
Un premier rendez-vous stratégique avec les opérateurs qui montent au créneau sur le sujet du deuxième dividende numérique.
Le secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert a confirmé que la vente des licences 700 MHz aux opérateurs est prévue pour 2016 au plus tard, selon Silicon.fr.
Un coche à ne pas rater pour gagner en sérénité dans le déploiement des futures générations de réseaux mobiles.
C’est une étape qui paraît cruciale pour Free Mobile suspendu à la fin de son accord d’itinérance avec Orange qui devrait progressivement s’éteindre à l’horizon 2018.
Malgré l’impressionnante percée commerciale du « nouvel entrant » dans la téléphonie mobile, Free ne pourra pas se passer de cette réserve de ressources hertziennes supplémentaires pour élargir sa couverture réseau mobile.
Mais les moindres mouvements dans le 700 MHz seront scrutés par ses concurrents. C’est de bonne guerre (juridique et commerciale) dans les télécoms.
L’ARCEP devra préparer le terrain pour remporter l’adhésion des opérateurs tâtillons (et c’est un euphémisme) et blinder le processus d’attribution des fréquences 700 MHz d’un point de vue juridique.
La feuille de route pour la procédure d’attribution dans la bande 700 MHz est esquissée : après concertation avec les parties prenantes (consultation publique avec 46 contributions, opérateurs, gouvernement), l’appel d’offres devrait être rédigé en juin pour une publication officielle en juillet.
L’examen des propositions des opérateurs candidats devrait avoir lieu dans le courant de l’automne. Les décisions d’attribution des bandes de fréquences par opérateur surviendront a priori d’ici la fin de l’année.
Dans un autre registre, l’ARCEP compte également s’impliquer davantage dans les enjeux numériques associés à l’Internet des objets qui sollicitera également les réseaux télécoms.
Alors, face à l’essor de la sphère Internet of Things, il sera nécessaire de faire de la prospective pour trouver d’autres ressources hertziennes susceptibles de répondre à cet enjeu.
Sur la question des plateformes (Google, Apple, Facebook…) qui nécessitent « un accompagnement » voire « une régulation », l’ARCEP voudrait contribuer dans le cadre d’une participation à un débat général sur un « Internet plus ouvert ».
Il faudra trouver des réponses au niveau de l’UE mais aussi s’accorder avec d’autres organes de régulation qui auraient leur mot à dire en France. Comme le CSA. On ne parle pas de fusion d’entités mais d’une manière de monter une « approche commune » à travers la collaboration des services des deux autorités.
Plus globalement, c’est une coopération plus poussée avec les autres autorités de régulation qui serait privilégiée (CNIL, Agence nationale des fréquences, ANSSI…) mais aussi avec d’autres organisations non institutionnelles en mode open data ou crowdfunding.
Autre champs d’exploration de l’ARCEP : la (faible) digitalisation des PME. Une vraie préoccupation délaissée qui suscite l’intérêt de l’autorité de régulation. Il faudrait davantage accompagner les entreprises dans ce sens.
On dépasserait le cadre de l’accès réseaux en entreprise pour aborder des sujets comme l’e-commerce BtoB, la publicité en ligne ou la manière de trouver des services IT au bon prix.
L’ARCEP serait là aussi prête à avancer en créant une nouvelle instance de dialogue et trouver des relais territoriaux…
Dans le prolongement du marché des services télécoms aux entreprises, l’ARCEP et l’Autorité de la concurrence se montreront aussi vigilantes sur le comportement du nouveau duopole Orange – SFR+Numericable apparu sur fond de consolidation du marché.
Le programme national de résorption des zones blanches (2G) avance bien, estime l’ARCEP. Mi-mars, le gouvernement assurait qu’il était « pratiquement achevé » : 75 communes restent à traiter sur les 3310 intégrées dans ce plan.
L’ensemble des villes et villages de France seront ainsi couverts d’ici à la fin de l’année 2016, en 2G mais aussi en 3G selon l’exécutif. « Il n’y aura donc plus de zones blanches en France. »
Il reste des points techniques à résoudre comme le fait d’appliquer un tarif « raisonnable » réciproque de location interopérateurs à appliquer sur les sites-relais et la manière de remettre toutes les communes à niveau sur la 3G.
Pour la fibre optique, on semble enfin assister à un décollage du marché grand public : 3,1 millions d’abonnements THD, dont 935 000 via les offres en fibre optique de bout en bout (FTTH).
« Fin 2014, la croissance des abonnements Internet est entièrement portée par l’augmentation du nombre d’accès au très haut débit, le nombre d’accès au haut débit reculant pour la première fois ce trimestre », soulignait l’ARCEP en présentant les derniers résultats trimestriels de son observatoire du marché des communications électroniques.
L’ARCEP se montre satisfait du succès commercial de la fibre dans les zones les plus denses. Mais il faut redynamiser les conventions signées entre opérateurs dans les zones moins denses.
Les accords signés entre Orange et SFR (désormais intégré au groupe Numericable) font l’objet d’atermoiements et le ministère de l’Economie incite les opérateurs à redonner de la vigueur à ces initiatives visant à étendre le très haut débit sur le territoire.
Un déploiement qui ne se fera pas sans la contribution des collectivités à travers les réseaux d’initiatives publiques (RIP).
Le calendrier numérique européen est également chargé. Demain midi, le vice-président Andrus Ansip et le commissaire Günther Oettinger dévoileront la nouvelle stratégie numérique de la Commission européenne. Un rendez-vous immanquable.
A travers ses propositions transmises à Bruxelles, l’ARCEP voudrait qu’une nouvelle vision d’une économie numérique plus intégrée soit insufflée afin de briser l’agglomération des réseaux et des services dans le cadre télécoms européen.
En désserrant l’étau sur les opérateurs mais en imposant davantage de contraintes aux acteurs OTT (acronyme de « Over The Air »), c’est à dire les services comme Facebook, Google ou Skype qui profitent des réseaux haut débit pour développer leur business mais sans vraiment investir dedans.
Pourrait-on imaginer une cadre sur la neutralité Internet alignée sur celui des Etats-Unis ? L’ARCEP considère que l’on pourrait même parvenir à de la « FCC + » avec des exigences plus fortes pour respecter ce principe d’égalité devant l’accès Internet.
Sur la foi des propositions avancées par la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen et avec l’appui du BEREC (club européen des autorités nationales de régulation des télécoms), ce serait réalisable.
Mais, au regard du lobbying exercé à Bruxelles par les poids lourds des télécoms en Europe, il faudra suivre les engagements et surtout les initiatives concrètes de la Commission européenne dans ce sens.
(Crédit photo Shutterstock.com – Droit d’auteur : Stephen Finn)
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