Ligués sous la bannière de l’Open Internet Project, 400 acteurs européens du numérique organisaient, le 15 mai dernier, une conférence à la Cité internationale de Paris pour dénoncer le monopole de Google sur le marché de la recherche en ligne.
En marge de cette manifestation, Arnaud Montebourg avait élargi la réflexion aux enjeux de souveraineté et de concurrence soulevés par la position actuelle des grands groupes américains. Le ministre de l’Économie et du Redressement productif s’était notamment exprimé en faveur d’une implication renforcée des pouvoirs publics à travers l’instauration d’une « régulation ad hoc » pour prévenir toute distorsion de concurrence.
L’État pourrait bientôt jouer un rôle déterminant dans un tout autre projet, visant en l’occurrence à fédérer les entreprises françaises autour d’un « résogiciel national » capable de rivaliser avec les offres de Google et consorts. « Libre et ouvert », cet OS « made in France » aurait vocation à investir PC, tablettes et smartphones, mais aussi automobiles, robots et objets connectés, avec un objectif principal : permettre la mutualisation des données entre les services partenaires.
Inscrit dans une démarche de patriotisme économique, ce grand chantier industriel représente, selon Arnaud Montebourg, un « levier de compétitivité ». D’après L’Opinion (contenu en accès payant), ses fondements s’inspirent d’une tribune diffusée en 2011 par Pierre Bellanger. Le patron du groupe Skyrock soulignait le rôle déterminant des sociétés de logiciels de réseau dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’automobile, de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, etc. Expliquant que « les futurs poids lourds de nos économies [seraient] des sociétés issues du logiciel ou converties au logiciel« , il recommandait par là même d’en faire un enjeu de souveraineté.
Des propos approfondis à l’été 2013 dans le livre L’Internet industriel (document PDF, 97 pages), qui aborde en détail la notion de « résogiciel », système unifié destiné à contrôler services, réseaux et terminaux. Pierre Bellanger est formel sur ce point : les résogiciels étrangers (ceux développés par Google, Amazon, Apple…) « n’auront aucune considération particulière pour l’emploi sur les territoires sur lesquels ils se développeront« .
En planchant sur une plate-forme 100% française, Arnaud Montebourg cherche à justement à mettre en valeur les contenus et services nationaux tout en relocalisant les données personnelles sur le territoire. Il n’exclurait pas, comme l’a suggéré Pierre Bellanger, de collaborer avec les autorités militaires pour la protection des éléments les plus sensibles. Des annonces en ce sens pourraient intervenir dans les prochaines semaines, avec l’éventuelle contribution des grands opérateurs français.
Comme le note Numerama, Orange a déjà exploré cette piste dès 2010. Le P-DG Stéphane Richard avait alors cherché à monter une alliance avec Deutsche Telekom, Vodafone et Telefonica pour développer un concurrent d’Android, iOS et consorts. Mais le projet n’a, officiellement, jamais vu le jour. Il est devenu d’autant plus difficile de placer le curseur que l’offre alternative prend du volume avec Tizen (sponsorisé par Samsung), Firefox OS (créé par Mozilla), Sailfish OS (développé par des anciens de Nokia) ou encore Ubuntu.
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