Attentats US : les grands sites d’info surchargés
Les attaques dont ont été victimes les Etats-Unis ont provoqué une chute de performances de nombreux sites d’informations, tant aux Etats-Unis qu’en Europe et, probablement, dans le reste du monde. La cause ? Une concentration des requêtes vers un nombre réduit de sites plus qu’une véritable augmentation du trafic. Analyse avec deux spécialistes des mesures de la fréquentation du Web.
Nombre d’internautes ont constaté, dans l’après-midi du 11 septembre (heure française), des difficultés inhabituelles d’accès à un nombre important de sites Web. La cause ? Les attaques terroristes contre le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington, bien sûr. Avides d’informations instantanées, les internautes se sont rués sur les sites Web d’informations provoquant une saturation exceptionnelle des serveurs. « Le trafic s’est essentiellement concentré sur les sites d’informations généralistes », remarque Olivier Carron, vice-président Europe de Keynote, société d’études d’audience qualitative du Net. « Les sites d’informations étaient indisponibles dans plus de 50 % des cas », confirme Christophe Depeux, directeur marketing de IP-Label qui se concentre sur la mesure qualitative des sites français, « et leur temps d’accès a été multiplié par 7 à 12 ». Ce qui vaut pour les vitrines Web de nos médias nationaux, est aussi valable à l’échelle européenne comme américaine. Le site de CNN a comptabilisé 9 millions de pages vues en une heure alors qu’il en enregistre habituellement 11 millions par jour en moyenne. Une réquentation qui a pesé sur les temps de réponse : selon une évaluation de Keynote, alors que le serveur de CNN répondait en moins de 5 seconde avant 8 heures du matin (heure locale, soit 14 heures en France), il fallait patienter plus de 30 secondes autour de 12 heures avant de connaître un retour à la normale après 14 heures.
Surchargés, les serveurs ont vite saturé. Pris de court, nombre de responsables ont cherché des solutions pour « alléger » le trafic. A commencer par CNN.com qui a décliné sa page d’accueil richement fournie en une simple page HTML avec une seule photo. « De 60 Ko habituellement, la page est passée à 7 ou 8 Ko », observe Olivier Carron. Cet exemple a été suivi par de nombreux autres webmestres, à commencer par les sites de radio qui avaient coupé leur diffusion en streaming (à l’exception notable de Radio France, qui avait préféré privilégier l’information sonore). Même les sites de presse écrite comme Liberation.fr et Lemonde.fr ont adopté cette stratégie. « Ces pages d’accueil statiques, qui ne font appel à aucune base de données, ont permis d’informer basiquement les lecteurs, ce qui était l’essentiel après tout », analyse Christophe Depeux. Cela n’a pourtant pas suffit et une partie du trafic s’est tourné vers les portails plus généralistes comme Yahoo ou Lycos. « Et les sites de l’administration américaine comme Whitehouse.org qui eux ont tenu la charge », confie Olivier Carron. Entre-temps, CNN.com a décidé de redimensionner physiquement son serveur, ce qui a nécessité une coupure de 2 à 3 heures avant un retour vers la version « normale » du site. Autres sites très sollicités, ceux des compagnies aériennes et, bien sûr, les plates-formes boursières.
Pas d’augmentation du trafic, mais concentration
Paradoxalement, « il n’y a pas eu augmentation du trafic en lui-même », explique le vice-président de Keynote, « au contraire, il y a eu un phénomène d’arrêt. Dans les bureaux, les gens ont moins travaillé pour se concentrer sur les images de la télévision laquelle sort grande gagnante de cette histoire ». L’architecture Internet n’a d’ailleurs subi aucun dommage. « Si on constate un effet de charge de 2 à 3 heures sur le réseau, les infrastructures des opérateurs n’ont subi qu’une légère variation », estime le directeur marketing d’IP-Label, « les routeurs, backbones et autres éléments de l’architecture du réseau ont relativement bien supporté cette situation exceptionnelle mais pas les plates-formes d’hébergement ». Autrement dit, les serveurs. « C’est un peu décevant », reconnaît Olivier Carron qui rappelle qu’aux Etats-Unis, « il y a déjà eu un premier avertissement avec les précédentes élections présidentielles à rebondissement, ce que les sites d’informations n’ont visiblement pas su prendre en compte ». « Ce n’est pas évident de dimensionner un serveur dans le cadre d’un événement imprédictible comme celui-ci », temporise Christophe Depeux. Comment anticiper les risques de saturation pourrait être le prochain défit des administrateurs réseaux.