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B. Benhamou : « L’Europe doit disposer de ses propres structures de gestion de l’Internet »

En cette période de transition entre l’année 2008 et l’année 2009, Vnunet.fr a souhaité se tourner vers l’Internet du futur et l’Internet des objets. En octobre, une conférence paneuropéenne a permis d’avancer sur ses sujets et d’en déterminer les enjeux. Dans ce premier volet d’une interview réalisée le 18 décembre 2008, Bernard Benhamou a accepté de les décrypter d’un point de vue technologique mais aussi économique (interview réalisée le 18 décembre 2008, relue et amendée).

Vnunet.fr : Quel bilan IT effectuez-vous de la Présidence Française de l’Union européenne ?
Bernard Benhamou : Nous avons travaillé avec nos collègues européens sur deux des dossiers déterminants pour l’Internet du futur : le développement de l’Internet mobile et celui de l’Internet des objets. Ainsi, la conférence de Nice sur l’Internet du futur organisée à l’initiative d’Éric Besson [Secrétaire d’État chargé du Développement de l’économie numérique, N.D.L.R.] les 6 et 7 octobre, qui réunissait l’ensemble des ministres européens en charge des technologies, a aussi permis aux experts, chercheurs, industriels, ainsi qu’aux responsables publics et associatifs de réfléchir aux formes que prendra l’Internet en Europe. L’Internet connaît en effet des profondes mutations avec le passage vers l’Internet mobile et bientôt vers l’Internet des objets. L’Europe dispose dans ces domaines d’atouts particuliers. Nous possédons en effet un socle de développement de la mobilité qui est souvent sous-estimé. Le continent européen dispose ainsi de 550 millions d’abonnements GSM et de plus de 100 millions d’abonnés à la 3G. À cela s’ajoute un patrimoine culturel et géographique unique au monde. Ainsi, à mesure que se développeront les technologies et les services de géolocalisation, ces ressources combinées aux technologies de l’Internet mobile et de l’Internet des objets (et en particulier les puces à radiofréquence (RFID) constitueront un levier pour le développement et la création de nouveaux services (touristiques, géographiques, environnementaux, commerciaux… ). Ces puces RFID dites à radiofréquence seront l’une des technologies clés de l’Internet du futur. Ces technologies existent déjà depuis quarante ans, mais la grande nouveauté est qu’elles sont désormais connectées à Internet.

Vnunet.fr : concrètement, cela change quoi ?
Bernard Benhamou : Dans les années à venir, les objets du quotidien seront équipés de puces RFID en remplacement des codes-barres. Prenons par exemple le cas de la paire de chaussures de sports Nike connectée à l’iPod pour mesurer ses performances de jogging. A priori, cette connexion entre deux objets apparemment éloignés paraissait improbable voire inutile. Mais, d’ores et déjà, quatre millions de kits Nike + iPod ont été vendus dans le monde. Plus généralement, on peut imaginer que ce type de connexions nouvelles entre des appareils et des objets qui ne « parlent » par entre eux aura des conséquences sur l’ensemble des secteurs d’activités industriels mais aussi sur la création de services à haute valeur ajoutée.

Vnunet.fr : Quel calendrier a été fixé à l’occasion de cette conférence ?
Bernard Benhamou : À l’issue de la conférence ministérielle de Nice, des conclusions ont été proposées à nos partenaires européens sur la gouvernance de l’Internet du futur et la protection de la vie privée face à des technologies comme celles des puces RFID. Le 27 novembre, ces conclusions ont été adoptées par le Conseil des Ministres télécoms de l’Union Européenne. Des consultations sur l’Internet du Futur et sur la RFID ont ainsi débuté auprès de la Commission européenne, celles-ci déboucheront sur la publication de recommandations au début de l’été. Ensuite, ces éléments devraient être progressivement intégrés dans le droit européen, sous forme de directives.

Vnunet.fr : Revenons sur les deux principaux volets adoptés par le Conseil Télécoms de l’Union Européenne. D’abord la gouvernance de l’Internet du futur…
Bernard Benhamou : Le but est de déterminer la manière dont l’Internet sera géré au niveau international dans les années à venir. En y intégrant nos propres préoccupations : en particulier que l’Europe dispose de structures autonomes pour la gouvernance et la gestion de l’Internet. En effet il existe désormais des racines de l’Internet des objets comme il existe des racines pour les noms de domaine. Ces racines permettent via l’Internet d’identifier les objets et ainsi d’accéder à des informations spécifiques sur leur origine ou encore les tests qu’ils ont pu subir. Nous avons en effet souhaité en particulier que les données des personnes et des entreprises européennes soient gérées sur le territoire européen. C’est pour répondre à cette préoccupation qu’a été mise en place par la branche française de GS1*, en association avec Orange Business Services en mars dernier, la première racine européenne de l’Internet des objets. Cette racine constitue la première étape d’une structure de gestion intra-européenne de l’Internet du futur. De grandes entreprises ont déjà commencé à utiliser cette racine européenne et en particulier IBM. Cette racine est depuis devenue européenne et elle est dorénavant mise à disposition de nos partenaires. Ces racines sont en effet des structures sensibles parce qu’elles ont (et auront à l’avenir) une importance cruciale pour les utilisateurs. Elles portent aussi des enjeux économiques et de souveraineté pour les États. Il fallait que l’Europe se dote de moyens techniques, juridiques et économiques et qu’elle prenne position pour une gestion distribuée de ces racines. C’est-à-dire qu’elles soient non pas centralisées comme elles l’étaient au départ aux États-Unis mais qu’elles puissent être distribuées en Europe et partout ailleurs dans le monde.

(lire la fin de l’interview page suivante)

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