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Bénédicte Roullier (Service-public.fr) : « Nous raisonnons en logique de réseaux »

« C’est un chemin pionnier parcouru en dépit de toutes les difficultés au bout duquel les résultats sont là et ils sont très positifs », a déclaré Olivier Cazenave, directeur de la Documentation française chargé de l’exploitation et du développement de Service-Public.fr, à l’occasion de la célébration du cinquième anniversaire du portail administratif qui s’est déroulée à l’ENA le 4 novembre dernier.

Difficile de nier que le service en ligne est très dense en services et en contenus (voir encadré en bas de l’interview). Il dispose d’un potentiel de développement encore important. Néanmoins, Service-public.fr présente différents points faibles (manque de visibilité, problèmes d’organisation?) qu’il tente de combler en multipliant les passerelles avec d’autres structures de la sphère « e-publique » comme l’Agence de développement de l’administration électronique (Adae) ou la Caisse des dépôts et Consignations.

Bénédicte Roullier, chef de projet de Service-public.fr, revient sur quelques grandes problématiques qui concernent ce portail fédérateur de la vie publique en ligne.

Vnunet.fr : Pourquoi un portail aussi fédérateur que Service-public.fr n’entre-t-il pas dans le classement des premiers sites visités de France ?
Bénédicte Roullier: Notre portail sinscrit dans une relation usager-administration. Un internaute consulte notre portail pour récupérer une fiche pratique administrative. Mais il ne vient pas sur Service-public.fr pour consommer de l’information au quotidien comme cela est possible sur un site média. Nous ne courons pas après l’audience. L’objectif initial est d’améliorer la diffusion et la cohérence de l’information administrative. Nous mettons notre base d’information à la disposition des différents chaînons publics comme le numéro 3939 dédié aux renseignements administratifs par téléphone. Une convention cadre a été signée avec le ministère de l’Intérieur afin que le guide des droits et des démarches administratives de Service-public.fr soit diffusé sur tous les sites Internet des préfectures. Nous souhaitons également que notre service soit un outil pour faciliter le travail des agents administratifs aux guichets.

Ce service en ligne ne souffre-t-il pas d’un manque de notoriété auprès des Français ?
Je pense que oui. En règle générale, l’administration devrait faire davantage mention de Service-public.fr dans sa communication. Il me semblerait cohérent de mentionner Service-public.fr et le 3939 sur tous les formulaires administratifs Cerfa. D’autre part, nous essayons de nous greffer à des points forts de l’actualité des ministères et de la vie publique. En 2002, nous avions lancé une campagne de communication grand public pour faire connaître le service. Actuellement, nous resserrons nos liens avec l’Agence de développement de l’administration électronique (Adae), chargée du déploiement du programme gouvernemental dédié (Adele).

Comment animer au quotidien un site comme Service-public.fr ?
Nous disposons d’une équipe éditoriale de sept personnes chargée de produire du contenu sur le portail. Nous allons développer des fils RSS en lien avec l’actualité. La production de contenu et la structuration de l’information est le coeur de métier de la Documentation Française. Il est hors de question d’externaliser cette activité. L’année prochaine, nous allons mettre en ligne une nouvelle rubrique « Un changement dans ma vie – L’ABC des démarches » qui comprendra 4 000 fiches pratiques. Elle permettra de signaler certains changements administratifs liés à la vie quotidienne des usagers.

Comment organisez-vous la collecte des contenus émanant des différents organismes publics ?
Chaque équipe de production a son propre réseau tissé dans les différentes administrations. Nous arrivons à la limite de ce mode de relations car la supervision de ce réseau, qui manque de coordination, est difficile. Jusqu’en 2002, nous disposions d’un comité interministériel d’orientation dédié à Service-public.fr qui nous aidait à entretenir des liens officiels avec les différentes administrations. Mais il n’a jamais été relancé depuis. En janvier 2005, nous avons débuté une démarche qualité avec le prestataire Unysis (conseils et intégrations) pour rationaliser tous les processus de fonctionnement de Service-public.fr. Nous devrions aboutir à trois plans qualité : un premier en interne pour la Documentation Française, un deuxième entre la Documentation Française et ses partenaires et un troisième dédié à l’engagement vis-à-vis du grand public.

Favorisez-vous l’usage d’outils collaboratifs ?
Nous avons développé un outil interne de production de contenu (Coperia), que j’aimerais bien partager avec d’autres administrations. Toutefois, nous ne croyons pas à la logique extrême d’unification des outils mais plutôt à une logique de réseaux. Sur le fond, l’articulation représente un travail aussi important que l’unification.

Dans quelle mesure adoptez-vous les technologies open source pour le compte de Service-public.fr ?
C’est une recommandation très forte au sein de l’administration. Par exemple, Coperia a été développé à partir de briques open source. Les postes de travail de la Documentation Française s’apprêtent à basculer sous OpenOffice. Mais la perception de l’open source a évolué : auparavant, les agences chargées du développemement des nouvelles technologies au sein de l’administration (l’ex-Atica par exemple) considéraient l’open source comme un principe absolu. Nous sommes désormais plus pragmatiques. Dans certains cas, le développement d’outils spécifiques en open source a pu conduire à des solutions qui n’étaient pas plus ouvertes que les solutions commerciales. Les administrations se sentaient finalement autant attachées au prestataire qui avait développé l’application. Même si le développement était en open source, elles ont pu ressentir un manque de flexibilité pour modifier le produit.

Avez-vous des exemples concrets en tête ?
Pour la gestion de contenu, le choix de l’outil open source Spip ne pose aucun problème. On sait qu’il existe une communauté de développeurs prêts à faire évoluer le produit. Mais pour des applications open source plus spécifiques comme un logiciel de gestion de comptabilité, le support technique et l’évolution du produit ne suivent pas toujours. En 2001, pour la gestion des e-mails entrants, nous avons préféré signer un contrat avec Akio. Nous nous sommes assurés que cet éditeur commercial prendra le soin de faire évoluer son produit.

Le déploiement en comarquage de Service-public.fr avec la Caisse des Dépôts et Consignations est-il efficace ?
Le résultat est satisfaisant : nous avons signé 580 conventions dans ce sens. Les sites Internet des plus grandes villes sont dorénavant dans la boucle. Certes, nous avons l’ambition d’affiner le maillage territorial mais nous ne pouvons pas instaurer des relations point à point avec chaque collectivité. Nous préférons favoriser une logique de contrats groupés avec une région ou un ministère. Par exemple, nous sommes très intéressés par la mise en place de conventions cadres, à l’instar de celles signées avec le ministère de l’Intérieur pour le comarquage des sites des préfectures et la délégation interministérielle à la Famille. Nous rencontrons parfois quelques réticences de la part des collectivités qui perçoivent l’outil clé en main de la Caisse des Dépôts et Consignations comme un passage obligé. Les collectivités revendiquent leur autonomie et donc leur droit de développer leurs propres outils locaux. C’est pourquoi elle peuvent aussi signer une convention de comarquage directement avec la Documentation française.

Comment avance le projet de personnalisation de Service-Public.fr ?
Le calendrier est respecté. L’ouverture de Mon-Service-Public.fr est toujours prévue fin 2006, début 2007. Un prototype a été lancé avec 500 testeurs à la rentrée. Côté infrastructures, l’une des principales problématiques porte sur la manière de monter des passerelles techniques entre les différentes administrations.

Le portail administratif en chiffres
Après cinq ans d’exploitation, Service-public.fr fédère les coordonnées de 10 200 services, 14 000 responsables de l’Administration, un annuaire de 11 000 sites, 2 320 formulaires administratifs en ligne, 300 téléservices publics, 2 353 fiches pratiques, 1 637 questions-réponses, 100 000 inscriptions à la lettre de diffusion hebdomadaire, 3 500 e-mails à traiter par mois. Le budget de fonctionnement de Service-public.fr et de Vie-publique.fr est de 3,8 millions d’euros, dont 2 millions pour les ressources humaines (correspondant à 40 postes à temps plein). Quant au 3939, le numéro dédié aux renseignements téléphoniques relatifs aux questions administratives, il vient de fêter sa première année d’exploitation.

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