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Benoît Thieulin (La Netscouade) : « Elysée 2012 : cela se jouera aussi sur le Net »

Quelle sera la véritable influence du Web sur la campagne présidentielle de 2012 ?

Benoît Thieulin est un expert de la communication interactive liée au monde de la politique.

Il co-dirige l’agence de communication La Netscouade dédiée aux médias sociaux.

En 2007, il avait activement participé à la campagne de Ségolène Royal. En créant en particulier Désir d’Avenir, la plate-forme de communication et d’organisation de la candidate PS, et La Coopole, le réseau social de son parti.

Aujourd’hui, les clients de La Netscouade sont plutôt des entreprises, mais il continue à s’intéresser à l’influence du Web sur la politique.

D’un point de vue « e-politique », l’année 2012 sera intéressante sous le prisme du Net au moins à deux titres : la campagne présidentielle en France et la course à la Maison Blanche aux États-Unis.

(Interview réalisée le 15/12/11)

Benoit Thieulin en janvier 2010. © La Netscouade, Flickr

ITespresso.fr : L’élection présidentielle va-t-elle se jouer sur le Web ?
Benoît Thieulin : Depuis que le Web politique est né, on se pose la question. Avant chaque élection, on se demande : « Est-ce que ça va avoir un impact ? » Après le scrutin, c’est plutôt « Est-ce qu’il y a eu un impact ? » C’est vraiment difficile de répondre donc avant l’échéance.

En 2007 par exemple, je suis persuadé que ça a eu un impact important, mais on continue de ne pas savoir dans quelle mesure. On sait que la victoire du « non » au référendum à la Constitution européenne [29 mai 2005, ndlr] s’est beaucoup jouée sur Internet, mais on ne peut pas dire que, sans Internet, le « oui » l’aurait remporté.

En revanche, on peut dire que Ségolène Royal n’aurait pas pu constituer un mouvement politique indépendant à côté du PS, qui s’appelait « Désir d’Avenir » sans avoir recours à des outils numériques pas chers et très faciles à déployer.

Tout ça pour donner des exemples qui montrent que le Web a un impact. Mais dans quelle mesure ? On ne sait pas.

Internet aura un rôle à jouer en 2012. Mais mon intuition est que ce n’est pas du côté des partis politiques qu’il y aura un vrai impact.

Internet est devenu, à mon avis, le principal espace du débat public. On y retrouve une grande partie des conversations des gens et pas uniquement sur la politique.

Le centre de gravité du débat public s’est fortement déplacé des média traditionnels vers Internet. A ce titre-là, je suis persuadé qu’il va se passer beaucoup de choses sur le Web.

Je ne suis pas sûr que l’on voie un phénomène à la Obama en France en 2012, avec un candidat qui l’emporterait fortement en ayant joué sur Internet. En revanche, je pense qu’une grande partie de la campagne va se jouer sur le réseau.

ITespresso.fr : Lequel des candidats est le mieux armé sur le Web à l’heure actuelle ?
Benoît Thieulin : Incontestablement aujourd’hui, c’est François Hollande [candidat officiel du PS, ndlr] et la gauche plus globalement.

D’abord parce que, tout simplement, le Web est un média contestataire, et par effet structurel un gouvernement est forcément toujours un peu moins bien positionné que des opposants.

Une deuxième chose est que l’UMP et Nicolas Sarkozy ont eu ces dernières années une approche du numérique qui ne les a probablement pas mis dans la meilleure position vis-à-vis de ce monde-là.

Je pense notamment à l’instauration de la Hadopi, mais pas uniquement. Hadopi constitue un boulet numérique. Twitter notamment a été le théâtre au début du printemps de « Sarko-bashing ».

Hollande a deux avantages propres. Le PS s’est restructuré ces dernières années en particulier sur Internet. Il bénéficie d’outils professionnels, d’équipes qui se sont fortement organisées et de deux choses essentielles que la Droite ne dispose pas aujourd’hui.

Un, c’est une plate-forme d’organisation qui s’appelle La Coopole. Elle a trois ans, il y a 50 000 personnes dessus, elle est assez active et elle va être énormément réactivée à l’occasion de l’élection présidentielle.

Le fait de disposer d’une plate-forme d’organisation et de mobilisation avec des outils simples et des applications métiers, notamment sur la géographie électorale, fait partie des dispositifs importants.

Ensuite il y a le carburant à mettre dedans, et ça c’est ce qui a été récupéré dans le cadre de l’organisation des primaires du Parti socialiste. Il y a eu la constitution d’une base de données de gens qui ont accepté de laisser leurs adresses e-mail (2,66 millions au premier tour, 2,86 millions au second).

Si on regarde dans le détail, Eva Joly pourrait avoir un avantage, c’est autour d’elle qu’il y a probablement les gens qui ont le plus d’affinité avec la révolution numérique.

Regardez par exemple les problématiques de la transparence, de la coopération, du logiciel libre… des problématiques un peu ‘geeks’.

Je dirais qu’aujourd’hui Europe Ecologie Les Verts  est le parti politique le plus « geek ». C’est un avantage non négligeable.

Enfin, il y en a deux candidats qui sont importants : Marine le Pen d’un côté (Front national) et Jean-Luc Mélenchon de l’autre (Front de gauche). Ils pourraient être deux surprises dans cette campagne. Ils essayent de s’agiter et sont assez créatifs sur Internet.

ITespresso.fr : Les réseaux sociaux de partis doivent-ils être ouverts ou fermés ?
Benoît Thieulin : Quand on dit réseau sociaux aujourd’hui, on veut dire des choses extrêmement différentes. Je retiens deux objectifs très différents.

Le premier est d’organiser vos forces militantes, encartées ou pas encartées. Comment fait-on pour encadrer 200 000 – 300 000 personnes qui sont des « supporters » de votre candidat ou campagne ?

C’est l’histoire de Barack Obama aux Etats-Unis.

Obama a fait une plate-forme d’organisation pour sa campagne qui est un espèce de gros intranet, dans lequel il y a aussi bien les 500 à Washington que les 800 000 sur le terrain. Là-dedans, il a géré toute la chaine de commandement de sa campagne.

C’est l’objectif assigné à la Coopole pour le PS en France. Avec des outils qui sont parfois très simples : messagerie Internet, chat, listes de diffusions, partage de données, agenda collaboratifs, outils de géographie électorale…

Après, la question de savoir si c’est ouvert ou fermé est secondaire. Dans la Coopole, que je connais bien, il y a deux étages : un étage un peu étanche avec les données confidentielles, et un deuxième cercle qui est ouvert et que tout le monde peut accéder.

Mais le vrai sujet c’est : « Où allez-vous rencontrer les Français ? » Pas sur le réseau interne au parti, mais sur Facebook, les forums, et un peu sur Twitter.

Je pense que la gauche est aujourd’hui mieux organisée pour faire ce travail d’organisation des bases.

(Lire la fin de l’interview page 2)

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