« J’estime que d’ici deux ans, Linux occupera 30 % des ordinateurs de bureau. » Cette estimation pour le moins ambitieuse et tout aussi optimiste a été tenue au Comdex par Dirk Hohndel, directeur technique de SuSE, société allemande qui développe une distribution de Linux. Il estime notamment que le dérivé d’Unix est installé sur 5 à 8 % du marché des desktops. Sans préciser quel marché. Les particuliers, les entreprises ? Europe, Etats-Unis, Asie ?
Linux réservé aux seuls serveurs
Nat Friedman, en revanche, va à l’encontre de cette position. « L’ordinateur de bureau n’est plus au coeur du modèle économique », a déclaré le directeur de Helix Code, éditeur de solutions Linux. Selon lui, seul le marché des serveurs intéresse les investisseurs. Il est vrai que la chute vertigineuse des actions de Red Hat et VA Linux Systems, respectivement à 8 et 11 dollars après avoir dépassé les 150 et 320 dollars, a dû échauder plus d’un boursicoteur. Sans refléter la valeur réelle des entreprises cotées, ces chutes seraient dues, selon certains analystes, à la méconnaissance du produit. La majorité des porteurs de titres ont pu penser que Red Hat, notamment (60 % des distributions aux Etats-Unis), était à Linux ce que Microsoft est à Windows : l’unique auteur et propriétaire d’un système d’exploitation informatique. Or, bien sûr, c’est tout le contraire. Linux n’appartient à personne. Ou plutôt à tout le monde.
Deux interface graphiques pour un manchot
Bref, de Red Hat à Mandrake, de SuSE à Corel et Debian, il existe des dizaines de distributions de Linux. Et cette confusion potentielle effraie visiblement la bourse au risque de freiner le déploiement du travail de Linus Torvalds sur les ordinateurs de bureau. C’est en tout cas la standardisation et l’uniformisation du système, notamment, qui ont fait le succès de Windows. Et les différentes interfaces graphiques disponibles à l’installation de Linux ne travaillent certainement pas à éclaircir l’esprit des utilisateurs, même avertis. En effet, deux interfaces graphiques se partagent le « marché ». Elles sont gérées par deux organisations plus ou moins concurrentes : Gnome et KDE.
Outre le basique X-Window fourni en standard, KDE (K Desktop Environment) et Gnome (GNU Network Object Environment) développent, chacun dans leur coin, un environnement graphique complet (gestionnaire de fenêtres et de fichiers, éditeurs de texte, visualiseur et même des jeux). Ils facilitent notamment la configuration de l’aspect (couleurs, polices, barres de menus, types de boutons, etc.).
Standardiser l’interface
Et s’il y a concurrence, c’est qu’à défaut de mener la bataille perdue d’avance des distributions, la guerre des parts de marché se déroule bien sur le terrain de l’interface unifiée. Seul un standard graphique aura des chances de s’imposer dans l’univers professionnel. Le monde de l’entreprise, c’est bien connu, supporte mal l’anarchie. Et pour gagner la guerre, il faut trouver des alliés. Red Hat, HP, IBM, Compaq, Sun, VA Linux, Eazel et Borland ont rejoint (ou sont sur le point de rejoindre) le projet Gnome. De son côté, KDE s’entoure de Compaq, Corel, Caldera, IBM, HP, Borland, SuSE, et Fujitsu-Siemens. Est-ce pour autant la bonne stratégie ? Compaq, HP ou encore IBM, présents dans les deux camps, n’ont visiblement pas tranché. Et Microsoft, il en pense quoi ?
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