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« Google en sait plus sur les salariés d’une entreprise que sa DRH ».

Par cette petite phrase, Didier Rouxel, consultant spécialisé en SIRH a laissé perplexe le parterre de centaines de DRH et experts RH venus débattre, ce mardi 13 octobre, des impacts du numérique sur leur profession au Digital RH Meeting.

Au fil des débats, le big data a été vu à la fois comme une opportunité et un risque par les DRH. L’analyse statistique d’un grand volume de données pourrait les aider dans les tâches les plus nobles du métier que sont la détection des talents et le développement des compétences.

« Plus besoin de demander à un collaborateur s’il a une appétence pour l’international avant de lui proposer une mobilité, il l’affiche clairement sur ses profils sociaux », note Didier Rouxel.

Mais les menaces que soulève le big data sont aussi clairement perçus. D’un outil d’aide à la décision il pourrait aller jusqu’à « uberiser » la DRH et la ramener à une fonction support et administrative dont elle tente justement s’extraire depuis des années. « Il ne faudrait pas qu’algorithme vienne à trancher toi tu as le profil pour le poste, toi non. »

De gauche à droite : Philippe Achalme (Malakoff Médéric), Laurence Breton Kueny (Afnor), Clémentine Langlois (Skepsos), Sébastien Ban Dyk (Manpower), Didier Baichere (DCNS), Fernanda Alonso Gautrais (Voyage Privé), Agnès Duroni (Adeva)

Scénario fiction ? Dans les faits, le big data peut déjà s’appliquer à différents process RH et notamment au recrutement.

En retrouvant des points de corrélation entre, par exemple, les meilleurs managers d’une entreprise – cursus de formation, expériences professionnelles, hobbies… -, il est possible modéliser ce profil et d’embaucher des personnes qui s’en approchent.

Au risque de lever une armée de clones.

C’est aussi un moyen de faire de l’analyse prédictive sur la gestion des compétences en reconstituant les « parcours type » des hauts potentiels puis, sur cette base, d’identifier dans l’entreprise les « key people » en devenir.

Le big data peut aussi prévenir les baisses de démotivation voire les risques de démission en détectant les signaux faibles comme la visite régulière du compte épargne entreprise sur l’intranet RH.

Un code de déontologie pour encadrer les usages

Dans son Lab’innovation de Suresnes, Capgemini montre, de son côté, à ses clients une solution permettant de mieux gérer la mobilité interne en cartographiant les compétences existantes. Compétences techniques mais aussi qualités humaines (comme la résistance au stress…).

Les profils des collaborateurs sont représentés sous forme de nuage de mots. L’outil fait ensuite le rapprochement avec les besoins exprimés dans le descriptif du poste à pourvoir. La pertinence de ce « matching» est évaluée en pourcentage. Ce « ranking » est sur-pondéré ou sous-pondéré dès que l’on rajoute un critère comme, par exemple, le temps de transport.

« La DRH dort sur un tas de données, un tas d’or mal utilisé », reconnaît François Geuze, expert dans le domaine des stratégies RH. « Une fois que l’on a présenté le bilan social en Comité d’entreprise, on en fait quoi ? Il va encombrer les étagères. »

Pour autant pas question de jouer les apprentis sorciers. « La loi étant en retard sur les usages, il faut combler le vide juridique par un code de déontologie ».

60 ans de données RH chez Manpower

« Manpower repose 60 ans de données RH » explique, pour sa part, Sébastien Van Dyk, son directeur général stratégies et opérations RH.

L’exploitation de cet historique permet non seulement de mieux positionner les intérimaires mais aussi, par extrapolation, d’adapter les compétences aux évolutions des métiers.

C’est tout l’enjeu du « workforce planning » ou gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Sachant que, selon le think tank Da Vinci Institute, 60% des métiers de 2030 n’existent pas encore. « Il s’agit de donner des leviers pour maintenir l’employabilité », estime Sébastien Van Dyk.

Autre entreprise de travail temporaire, Randstad France a présenté, en septembre, une solution qui vise, grâce au big data, à révéler la partie immergée du marché du travail.

Elle cartographie les compétences correspondant à un besoin particulier sur un bassin d’emploi donné. Ainsi, une entreprise désireuse de s’implanter sur un territoire saura si les compétences nécessaires sont disponibles localement.

De son côté, une personne en recherche d’emploi se verra proposer une liste de métiers basée non pas sur son métier d’origine, mais sur un ensemble de compétences transférables vers un autre métier.

Pour apaiser ce débat passionné, Philippe Achalme, DRH de Malakoff Médéric, rappelle à point nommé ce qui fait l’essence même de la profession. « Le digital peut nous permettre de connaître enfin les compétences réelles de nos collaborateurs. Pour autant, on ne digitalise pas les rapports humains. Le DRH doit porter cette vision humaine au sein de l’entreprise. S’il n’est qu’un directeur financier à orientation RH, il ne sert à rien. »

Crédit photo : Juergen Faelchle – Shutterstock.com

De gauche à droite : Fabrice Galloo (France IT), Frédéric Laurent (Décideurs du digital), Mylène Bouteyre (Business & decision), Didier Rouxel (consultant SIRH), Hervé Solus (DigitalRecruiters)

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