On nous présentait l’événement comme « la conférence blockchain de l’année ». Finalement, on a plutôt parlé bitcoin à la Merkle Conference.
Rendez-vous était donné mardi soir dans les locaux du Campus Eiffel, sous la houlette de l’organisme Eureka Certification (ex-BTcertif, qui propose des cours certifiants sur la crypto-monnaie et sur le protocole associé).
On aura pu reconnaître, au sein d’un public majoritairement masculin, des pointures de la communauté blockchain française : Sébastien Couture, cofondateur de Stratumn ; Adrien Lafuma, expert chez Labo Blockchain et consultant sur cette thématique pour BNP Paribas ; Adrian Sauzade, cofondateur de Czam (création d’actifs numériques en Colored Coins) et de WeKeep (plate-forme d’assurance P2P)…
Le profil du principal intervenant a attiré les foules. Son nom : Andreas M. Antonopoulos.
Fraîchement arrivé de Prague, ce serial-entrepreneur gréco-britannique, auteur des ouvrages « Mastering Bitcoin » et « The Internet of Money », a lancé la soirée sur le ton de l’humour, avec une prise de parole en français pour une remise en contexte faite de références aussi variées qu’Étienne Daho, Audrey Azoulay et le Minitel… mais toujours rattachées au sujet.
Alexandre David, formateur d’Eureka Certification, a pris le relais pour démythifier la blockchain : « Ce n’est pas révolutionnaire ; c’est juste une structure de données dans laquelle on consigne des unités de valeur ».
À l’en croire, c’est surtout une communauté sans laquelle la technologie ne peut fonctionner : l’innovation est sur le consensus distribué… et décentralisé dans une certaine mesure, car « il y a des humains derrière ».
Andreas Antonopoulos embraye, en anglais dans le texte, sur le dossier Bitcoin.
Soulignant la disparition progressive des espèces, remplacées par la carte de crédit, il explique : « Ce n’est plus une forme de paiement P2P, mais P2C [« Person to Corporation », ndlr] ».
Et de poser une question : pourquoi avons nous invité tous ces intermédiaires dans le commerce ?
« Pour nous, un règlement par carte semble instantané, mais c’est tout autre chose du point de vue du commerce chez lequel on paie : on ne fait que donner une autorisation », résume Andreas Antonopoulos, en précisant que le commerçant ne touche pas l’ensemble de la somme, amputée de frais de traitement.
Dans le livre blanc du bitcoin, le mystérieux Satoshi Nakamoto, qu’on dit créateur de la crypto-monnaie et de la blockchain sous-jacente, avait précisément insisté sur la dimension de « cash numérique » et cette possibilité de le transférer à l’international avec peu, voire pas de frais.
Andreas Antonopoulos y voit une chance pour les populations peu bancarisées. Il s’explique : « Dans les pays développés, l’adoption du bitcoin est plutôt idéologique. C’est vraiment un autre enjeu là où les systèmes manquent, où l’inflation est forte, où le pouvoir impose un contrôle des devises ».
Dans le même esprit, le bitcoin présente un net intérêt pour le transfert de fonds, à l’heure où Western Union et consorts prélèvent des commissions pouvant dépasser les 10 %.
En l’état, le principale application de la crypto-monnaie reste la spéculation.
Selon Andreas Antonopoulos, le développement doit être appréhendé par « foyers denses », à l’image de ce que Facebook a fait à Stanford, en se concentrant sur un bâtiment, puis en s’élargissant à tout le campus, avant d’aller voir au-delà.
Le e-commerce représente un autre levier de démocratisation. On surveillera par ailleurs le potentiel des nanotransactions (typiquement entre objets connectés), chaque bitcoin pouvant être divisé en 100 millions de Satoshis.
Restent les problématiques technologiques inhérentes à cette monnaie virtuelle. Notamment les limites en matière de stockage.
Andreas Antonopoulos est formel sur ce point : pour que « tout le monde ne soit pas tenté de faire un backup de son ordinateur sur la blockchain », les frais de réseau sont indispensables. Un modèle de régulation des transactions par le marché et non pas par l’autorité.
« Le roi n’était pas content quand le peuple a fait la Révolution. Les gouvernements ne le sont pas plus avec bitcoin, mais ils ne peuvent le réguler », lance-t-il en conclusion, ajoutant que « bannir une technologie de peur d’une exploitation par les criminels ne fait de mal qu’à ceux qui n’en sont pas ».
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