Silicon Valley ou Côte Est ? Où s’installer pour réussir aux Etats-Unis ?
Dans le cadre de la session 2015 du Blend Web Mix organisée la semaine dernière, 3 sociétés IT françaises installées outre-Atlantique ont partagé leurs expériences : Esker (dématérialisation des documents), Antidot (moteur BtoB, valorisation des données) et Tilkee (outil de suivi de prospection commerciale).
Pour Esker, la démarche a été fructueuse. « Nous y sommes présents aux Etats-Unis depuis plusieurs années et cela représente 42 % de notre chiffres d’affaire. C’est pour nous le marché le plus important et le plus rentable », affirme Emmanuel Olivier, Directeur général de la société d’origine lyonnaise qui fournit des solutions de dématérialisation de documents aux entreprises.
Le dirigeant pointe cependant du doigt le coût élevé de l’embauche de personnel commercial et technique dans la Silicon Valley, ainsi que la difficulté à fidéliser les collaborateurs.
« Nous sommes installés depuis plusieurs années à Madison dans le Wisconsin, le midwest américain. Les salaires y sont moins élevés que dans la Silicon Valley et la qualité des collaborateurs très bonne avec un pôle universitaire de qualité. »
De son côté, Fabrice Lacroix, CEO d’Antidot, a été surpris par le rythme imposé pour la prospection.
« Avoir un rendez-vous pour proposer une solution à un client, c’est rapide et plutôt facile. Mais vous n’avez pas plus de 20 minutes pour votre pitch, et pas davantage de deuxième chance. Cela peut paraître abrupt au début mais il ne faut pas s’arrêter sur un échec et le prendre en mauvaise part. Les Américains comprennent vite ce que vous leur proposez. »
Pour Thimotée Saumet, fondateur de Tilkee (logiciel destiné à améliorer les ventes), le fait d’être de nationalité française n’est pas un atout. L’entrepreneur met en avant la barrière linguistique, qui demeurerait importante.
« Nous devons nous renforcer en recrutant des collaborateurs bilingues ou de langue maternelle anglaise. »
Emmanuel Olivier d’Esker pense au contraire que le jeu est ouvert, quelle que soit la nationalité de l’entrepreneur.
« Les américains sont pragmatiques, la seule chose qui les intéresse est le retour sur investissement de la solution qui leur est présentée. Etre Français n’est pas un handicap, ils aiment la rupture et il faut élaguer les discours qui ne vont pas à l’essentiel. »
Dans le panel, c’est Esker qui dispose du plus de recul. Emmanuel Olivier insiste sur la rupture majeure entre les méthodes commerciales entre la France et les Etats-Unis.
« Là-bas, il y a un suivi des appels aux prospects et clients, le nombre d’appels passés par un commercial est enregistré et contrôlé », relate-t-il. « Après une vente, un commercial rappelle pour s’assurer que tout va bien, ce qui est difficilement envisageable en France. »
Idem, pour l’exposition médiatique : « Il ne faut pas avoir peur de s’afficher. Ainsi, nos solutions de dématérialisation de documents se traduisent pour eux par la suppression du papier et donc, du respect des forêts. Nous avons planté un arbre et nous créons régulièrement un évènement autour de cet arbre. Les américains n’ont pas peur du ridicule, sur les salons, les déguisements sont fréquents même en haut dans la hiérarchie. »
Au nom d’Antidot, Fabrice Lacroix se montre étonné par le niveau d’acceptation du risque aux Etats-Unis, sans commune mesure avec la frilosité de la France.
« Les investisseurs et clients ne demandent pas de chiffres, bilans ou la taille de votre société. En revanche, vous êtes là-bas en compétition avec les sociétés innovantes du monde entier, il faut le savoir.
Attention, l’absence de formalisme apparent peut être trompeuse, selon Emmanuel Olivier.
« L’environnement juridique est très différent de celui de la France. En particulier sur la base d’un brevet ou même une partie obscure de celui-ci, vous pouvez-vous faire sortir brutalement d’un marché avec les frais juridiques afférents. Le coût d’un avocat se chiffre en milliers de dollars et celui du risque concomitant, de plusieurs millions de dollars ! »
Pour ce bond aux USA, Thimothée Saumet estime que les différentes aides (région et de la CCI Rhône-Alpes) et l’appui de la Chambre de commerce franco-américaine ont été rassurants.
« Nous sommes partis là-bas avec une délégation accompagnée par le maire de Lyon. »
Fabrice Lacroix nuance : « Les aides et conseils, c’est bien, mais ça ne marche pas pour établir des contacts. »
Tout en poursuivant : « Il faut prendre l’avion et passer 6 mois dans le pays pour bien comprendre et s’y installer. »
(De notre correspondant à Lyon : Serge Escalé)
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