Blocage des sites de jeux illégaux : pour les FAI, le TGI s’est trompé de cible
Alors que le TGI de Paris, suite à l’assignation de l’ARJEL, a ordonné aux FAI de bloquer les sites de jeux en ligne illégaux, les fournisseurs d’accès à Internet s’inquiètent des conséquences de ce filtrage et du rôle qu’ils doivent y jouer.
Le 6 août dernier, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné aux fournisseurs d’accès à Internet de tout mettre en œuvre pour bloquer l’accès à des sites de jeux en ligne illégaux.
Cette décision inédite fait suite à une assignation de l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux En Ligne) initiée en juillet dernier à l’encontre des opérateurs de jeux accusés d’exercer des activités illégales en France (Betfred, StanJames et Stryyke), mais aussi (et surtout) de sept FAI (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free, Numericable, Auchan Telecom et Darty) afin de les obliger à filtrer à la source ces sites de jeux en ligne illégaux.
Via une ordonnance de référé, a explicitement ordonné aux sept FAI concernés “sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire, au contenu du service de communication en ligne StanJames.com”.
A l’issue du jugement le tribunal n’a pas rendu de décision concernant la société de droit anglais Neustar assignée par l’ARJEL « en sa qualité d’hébergeur du site litigieux ». Aucun représentant de cette société ne s’est d’ailleurs présenté à l’audience et il n’a pas pu être clairement établi qu’elle avait bien reçu notification de son assignation. Le TGI a donc renvoyé l’examen du dossier à une nouvelle audience prévue pour le 2 septembre.
Suite à cette décision de justice les FAI n’ont pas caché leur inquiétude, regrettant que le juge des référés ait fait porter la responsabilité aux opérateurs et non aux principaux concernés c’est-à-dire le propriétaire du site, qui n’a pas reçu l’agrément de l’ARJEL, ainsi que la société l’hébergeant sur ses serveurs.
Pour Yves Le Mouël, directeur général de la Fédération française des télécoms (FFT), « il faut d’abord commencer par l’éditeur afin qu’il coupe son service, et surtout agir auprès de l’hébergeur » ajoutant ensuite que « par facilité, le juge s’est retourné vers les opérateurs qui se trouvent en France et sont tenus d’agir ». Et d’ajouter, ironique, « nous sommes comme La Poste, nous n’ouvrons pas le courrier »…
Les FAI craignent également de mécontenter leurs abonnés du fait de l’effet de « surblocage » engendré par le filtrage interdisant l’accès aux sites liés ou bien hébergés sur le même serveur que le site de jeux en ligne concerné par le blocage. Les FAI ajoutent en outre que ces mesures de filtrage sont aisément contournables.
A titre d’exemple, Bouygues Telecom a déjà opéré le filtrage du site Web condamné stanjames.com, mais il ne s’agit, en réalité, que d’un filtrage partiel, comme le notent nos confrères de PCInpact. En effet, les internautes qui veulent se rendre sur ce site de jeux en ligne peuvent tout simplement utiliser les DNS (Domain Name System ou Système de Nom de Domaine) de Google, et en utilisant donc un autre serveur DNS que celui de l’opérateur…
Contactés par l’AFP, France Telecom/Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom n’ont pas souhaité réagir à la décision du TGI, mais leurs services juridiques disposent de 15 jours pour faire appel.