La blockchain expliquée aux (grandes) entreprises, un exercice qui n’est pas évident.
Surtout dans une session de démarrage de l’Université du Numérique du MEDEF qui a choisi de plonger d’emblée l’assistance dans une innovation de rupture. Et quitte à dépasser les frontières de la désormais classique transformation numérique.
Il fallait vraiment s’accrocher à son siège lorsque les interlocuteurs ont commencé à définir son concept et ses applications potentielles susceptible des pans d’activités : intermédiation, sécurisation des systèmes d’information, Internet des objets…
« On entrevoit une grande diversité des usages possibles », considère Jocelyn Grignon, Partner et Directeur IT risk services chez Grant Thornton France (expertise-comptable).
Le premier intervenant introduit le sujet en rapprochant la monnaie virtuelle bitcoin de la couche blockchain (qu’il est possible néanmoins de dissocier).
Le potentiel du « registre décentralisé » fascine et inquiète en même temps. « On retrouve un peu l’utopie infantile des débuts de l’Internet comme la collaboration qui serait plus forte que la régulation », estime Jocelyn Grignon.
Potentiellement, il annonce « la fin des notaires, des banquiers, des assureurs et des commissaires aux comptes ». On comprend tout l’intérêt d’une firme comme Grant Thornton vu sous ces perspectives assez sombres aux premiers abords…
Les spécialistes Clément Jeanneau et Alexandre Stachtchenko, co-fondateurs du hub Blockchain France, prennent le relais en évitant de tomber dans une démonstration hype en termes de prospective.
Ils insistent sur les « plus grandes forces » de la blockchain : la décentralisation (comme le peer to peer) et surtout la désintermédiation.
Les experts de Blockchain France considèrent que l’on devrait parvenir à une « redéfinition des fonctions d’intermédiaires ». Ils n’évoquent pas vraiment la fin des notaires « car on aura toujours besoin des conseils d’un notaire ».
Le potentiel de la blockchain laisse le World Economic Forum (organisateur du Forum de Davos) pantois. Il reconnaît la technologie comme « disruptive », tout en laissant subsister un flou sur les futurs usages.
Mais des pans entiers de services pourraient se passer de tiers de confiance. Blockchain France évoque la sphère des « transferts d’actifs » : argent, actions, titres mais aussi contrats de mariage…mais aussi les services de traçabilité.
Le cas de la start-up londonienne Everledger (abritée par l’accélérateur FinTech Barclays TechStar selon TechCrunch) a été cité.
Elle exploite la blockchain dans la lutte contre la fraude au diamant. Mais d’autres produits de luxe pourraient suivre comme les bijoux ou la maroquinerie.
Plus c’est gros, mieux ça passe. Pourquoi pas substituer tout ou partie de Swift (réseau mondial d’échange d’informations financières standardisées et automatiques) par des couches blockchain ? Des rapports ont suggéré que Swift pourrait migrer en partie sur une blockchain afin d’en limiter les coûts…
D’autres vagues d’opportunités sont identifiées dans les services de certification et les smart contracts (en fait des programmes autonomes et modulables qui exécutent des règles pré-définies) en lien avec Ethereum (« la blockchain numéro 2 »), qui connaît « une progression fulgurante » associée à la crypto-monnaie Ether.
Là aussi, les idées d’applications fourmillent. « Pour les assurances de voyage d’avion, les passagers dont le vol a connu un retard pourraient être remboursés automatiquement par smart contracts. »
Clément Jeanneau et Alexandre Stachtchenko imaginent aussi des services concrets dans l’Internet des objets (IoT) : « Les objets connectés deviennent des entités à eux-même et ils interagissent avec nous. »
Ils illustrent leur propos avec la start-up allemande Slock.it qui a signé des accords IoT avec Samsung et Canonical autour de la combinaison d’un Ethereum Computer et l’IoT lors du dernier Mobile World Congress de Barcelone.
Dans le domaine de l’immobilier, à mi-chemin entre l’IoT et le smart contract, elle a imaginé le scénario d’une porte d’un studio qui s’ouvrirait automatiquement dès la signature d’un contrat de location.
Un autre partenariat a été signé avec la compagnie d’électricité RWE qui perçoit une possible intégration de la blockchain au cœur de son business (M2M, recharge de voitures électriques autonomes…).
« Il faut mettre le débat sur un spectre de confiance », soulignent les deux acolytes de Blockchain France. Et songez aux catalyseurs : blockchain, big data, intelligence artificielle voire biologie… »Certains disent qu’il n’existera pas de killer app dans la blockchain. Il faut la coupler avec d’autres technos. »
Signalons que l’Assemblée nationale s’intéresse également au phénomène : le 24 mars, un colloque « Blockchain : Disruption et Opportunités » est prévu au Palais Bourbon sous la houlette de Jean Launay, Député du Lot et Président de la Commission Supérieure du Service Public des Postes et des Communications Electroniques.
(crédit photo : Compte MEDEF sur Twitter). Le débat était animé par Alain Steinmann, CCM Benchmark.
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