Blockchain : réflexion concertée pour la finance française
Pourquoi et comment intégrer la technologie blockchain dans l’économie ? Les banques et assureurs réunis par la Caisse des Dépôts vont étudier la question.
Cerner les usages concrets, le potentiel et les risques de la technologie blockchain, puis contribuer à la mise en place d’un cadre réglementaire favorable à son déploiement dans les systèmes financiers : c’est l’objectif du « laboratoire d’innovation » 100 % français* constitué par la Caisse des Dépôts et Consignations avec 11 partenaires, dont des banques et des compagnies d’assurance.
AXA et CNP Assurances côtoient BNP Paribas, BPCE et le Crédit Agricole dans ce groupe de travail qui réunit aussi des acteurs spécialisés (Blockchain Solutions, Cellabz et Paymium), un pôle de compétitivité (Finance Innovation), un réseau de dirigeants de PME/ETI (CroissancePlus) et le CNAM.
À l’heure où, de l’autre côté de l’Atlantique, IBM et la Réserve fédérale américaine réfléchissent à une infrastructure de paiement adossée au dollar et basée sur la blockchain, une question se pose : que se passera-t-il si la France n’accroche pas le wagon ?
CroissancePlus a son idée sur le sujet : « Le potentiel de Blockchain est comparable à celui d’un autre protocole, TCP-IP. La France, attachée au Minitel, a raté le virage Internet dans les années 1990. Il convient, cette fois, de surfer sur la vague plutôt que de l’attendre ».
FinTech inside
Le débat sur la blockchain s’inscrit dans un contexte plus large : le développement des FinTech, ces nouvelles sociétés du secteur financier qui se construisent grâce au numérique et qui couvrent aujourd’hui l’essentiel des activités des banques, du prêt à la gestion de fortune.
Ce risque pour les métiers, on le retrouve dans le concept de blockchain, à travers lequel s’incarne la deuxième génération de la FinTech et qui suppose une désintermédiation financière, ainsi qu’une redéfinition des tiers de confiance pour la vérification des échanges.
Appliqué au secteur bancaire, le principe permettrait de réduire les coûts dans plusieurs activités. Par exemple pour la vérification et l’émission de crédit : l’état des transactions serait mis à jour de manière constante en tout point du réseau, le processus de vérification des biens se faisant en temps réel.
Mais la blockchain, ce « registre décentralisé » qui sous-tend entre autres la crypto-monnaie bitcoin, dépasse l’environnement du paiement. Elle pourrait bouleverser les architectures traditionnelles dans la gestion des identités numériques, la preuve de l’existence, le stockage de fichiers, la lutte contre la fraude, le vote électronique, etc.
Dans tous ces cas, plus besoin d’autorité centrale : le tiers de confiance devient le système lui-même, la confiance reposant sur la multitude des participants et des possibilités de vérification des échanges, avec une garantie de fiabilité si un part minoritaire des composants du réseau venait à envoyer des informations erronées ou malveillantes.
S’approprier la blockchain
Au-delà du défi technique, difficile d’éclipser les enjeux réglementaires et juridiques : la blockchain et ses usages sont-ils compatibles avec les systèmes fiscaux actuels, notamment en matière de collecter de l’impôt sans entité régulatrice ?
En tant que dépositaire des fonds des notaires et des consignations, la Caisse des Dépôts est concernée au premier chef.
Elle cherchera, dans le cadre de son « laboratoire d’innovation », le meilleur moyen d’intégrer la blockchain dans l’économie française, face au dynamisme du marché nord-américain, où les investissements dans la FinTech se multiplient : 9,5 milliards de dollars en 2014, contre 1,8 milliard en Europe (source Dow Jones Financial News).
Selon Les Échos, un premier point d’étape sera fait dans 6 mois concernant les prototypes qui seront créés en laboratoire afin d’évaluer l’impact des systèmes décentralisés sur la gestion transactions électroniques, tout particulièrement la gestion des contrats.
* Pas de jonction, donc, avec l’alliance formalisée à la mi-septembre entre 9 banques d’investissement (Bank of Australia, Barclays, BBVA, Credit Suisse, Goldman Sachs, JP Morgan, RBS, State Street, UBS) et l’entreprise new-yorkaise R3CEV pour définir des standards d’implémentation de la blockchain. Une alliance élargie début octobre à 13 membres supplémentaires… dont Société Générale, seul acteur français.
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