Evangélisation : Bpifrance veut mettre les PME au big data
La banque publique d’investissement va proposer des « diagnostics flash » pour convertir les « petits patrons » au big data présenté comme un levier de compétitivité.
Si les start-up et les grands comptes ont compris tous les avantages à faire les parler les données, l’essentiel du tissu économique français, composé de PME et d’ETI, n’est pas encore tombé sous les charmes du big data.
Selon un Livre blanc que vient de publier Bpifrance, 80 % des PME n’ont pas pris conscience de l’opportunité que représente le traitement massif des données pour « améliorer leur compétitivité, remonter leurs marges, proposer de nouveaux services et de fidéliser leurs clients ».
Avec le risque « de se faire doubler par une concurrence, plus audacieuse, plus prompte à utiliser les technologies algorithmiques, qui prend une longueur d’avance difficilement rattrapable. »
Pour convaincre les réticences des « petits » patrons, Bpifrance organisait, ce mardi 3 novembre, à son siège parisien, une journée de débats, de témoignages d’entrepreneurs et de speed dating avec des experts, sous l’intitulé « Les PME à l’assaut du big data ».
Directeur de l’Innovation au sein de la banque publique d’investissement, Paul-François Fournier estime à 100 000 le nombre de PME et ETI susceptibles de se convertir au phénomène.
« Le big data n’est plus un sujet de geeks. L’écosystème et les produits ont aujourd’hui atteint un niveau de maturité qui les rend accessibles à tous les acteurs. Pas besoin d’avoir une DSI d’une vingtaine de personnes. »
Quand les PME doivent s’inspirer des GAFA
Qu’il s’agisse d’améliorer de concevoir un modèle disruptif ou de faire de l’analyse prédictive, les résultats sont déjà au rendez-vous.
« Les chiffres de Bpifrance le montrent très concrètement. Les entreprises qui utilisent ce levier numérique connaissent une croissance supérieure dans un facteur de 2 à 3 et une marge (Ebitda) supérieure de 30 à 40 %. On double l’effet CICE sans que cela ne pèse sur les finances publiques. »
A la suite de cette journée parisienne, Bpifrance proposera des « diagnostics flash » via ses 120 chargés d’affaires en régions. « Une heure avec un expert pour savoir comment prendre les opportunités du big data par le bon bout ». Le volet financement arrivant dans un second temps.
Pour François Bourdoncle, co-fondateur d’Exalead et copilote du plan d’action big data de la Nouvelle France industrielle, « le chef d’entreprise doit se sentir fragile. Accepter que ses produits ne soient pas parfaits. C’est l’acte fondateur. »
Il prône l’obsession de l’expérience utilisateur d’Uber, Amazon ou Apple. « La relation client à l’heure du big data, c’est la qualité du produit ou du service, au-delà de son côté addictif et récurent. Jusqu’à se passer de centre d’appel. »
Il conseille aux patrons de PME de regarder sur leur marché quels sont besoins pas ou mal couverts. Soit pour améliorer le service existant, soit pour occuper le terrain par un nouveau concept.
Cela suppose aussi un changement de paradigme. Parmi les questions dans la salle, un industriel se demandait ainsi à quoi servait réellement le big data alors que l’usage et le ROI d’un ERP ou d’outils de CAO et de FAO sont, eux, bien définis.
« Avec le big data, il faut partir d’un besoin et non d’un usage, lui a répondu François Bourdoncle. Il peut servir à améliorer un produit existant ou à concevoir un nouveau en phase avec les attentes. »
« Cela suppose de faire du temps réel à la différence des systèmes d’information transactionnels hérités des années 80 dédiés à la paie, à la facturation ou à la gestion des stocks. »
Des briques sur étagère, accessibles à tous
Co-fondateur de Criteo et fondateur de Honestica, Franck Le Ouay entend dédramatiser l’enjeu technologique. Il rappelle qu’il existe un grand nombre de solutions en mode SaaS prépackagées qui ne nécessitent pas de changer toute l’IT.
« Pas besoin non plus de tout savoir sur Hadoop. L’éditeur français Daitaiku, c’est un peu le big data pour les nuls. Il suffit d’uploader un jeu de données et commencer à faire des simulations. »
Erwan Le Pennec, professeur associé à l’École Polytechnique et porteur de la chaire « data scientist » de la Fondation de l’X, est du même avis. « Il existe plein de briques sur étagère. Plus qu’un expert du développement, il faut être un as du Lego ».
Selon lui, il s’agit également d’évacuer le côté anxiogène qui revient à dire que le big data, c’est trop compliqué ou que cela ne concerne pas mon secteur.
De la banque au BTP en passant par la santé et le tourisme, cette journée big data a eu au moins pour mérite de rappeler que toutes les professions étaient concernées par le phénomène.