Brevets : Apple et VirnetX jouent les prolongations
En difficulté face au « patent troll » VirnetX qui l’accuse de violer plusieurs de ses brevets, Apple obtient un sursis. Retour sur ce dossier au long cours.
Le marathon judiciaire entre Apple et VirnetX est relancé.
Les deux firmes, qui livrent bataille depuis 2009 sur le front des brevets technologiques, ont rendez-vous le 26 septembre prochain pour une nouvelle audience.
Elles peuvent éventuellement convenir d’une date ultérieure, comme les y autorise Robert Schroeder dans une décision – document PDF, 15 pages ; merci Ars Technica – rendue ce vendredi 29 juillet.
Le juge, chargé d’examiner le contentieux pour le compte du tribunal fédéral du district est du Texas, a annulé un verdict rendu au mois de février à l’encontre d’Apple.
Le fabricant de l’iPhone avait été condamné à verser plus de 625 millions de dollars en dommages-intérêts à VirnetX pour avoir violé quatre de ses brevets* au travers des applications FaceTime et iMessage sur les systèmes d’exploitation iOS et OS X.
D’après Robert Schroeder, le jury n’était pas dans les dispositions adéquates.
Une longue histoire
Pour mieux saisir ce qui a motivé cette décision, il faut remonter à novembre 2012 et cette première défaite cinglante d’Apple, condamné à faire un chèque de 368 millions de dollars à VirnetX – une sanction confirmée en février 2013.
Ce dossier, identifié sous le numéro 6:10-cv-417, est aujourd’hui appelé « Apple I » dans les documents de justice. Et pour cause : VirnetX a décidé d’ouvrir un deuxième front (« Apple II ») que l’on peut considérer comme une réactualisation de sa plainte initiale.
Explications.
La première plainte, déposée en 2009, concernait FaceTime dans les versions 4 à 6 d’iOS, ainsi que sur OS X 10.7 « Lion » et 10.8 « Mountain Lion ». Elle incluait par ailleurs la fonction de « VPN à la demande » disponible sur iOS 3 à 6.
La justice ayant écarté FaceTime, le service d’appel vidéo n’est pas intégré dans la seconde plainte, déposée alors que l’examen de la première n’était pas achevé. Le VPN, en revanche, l’est toujours, mais sur iOS 7 et 8. S’y ajoute iMessage, sur les mêmes versions de l’OS mobile, ainsi que sur OS X 10.9 « Mavericks » et 10.10 « Yosemite ».
VirnetX avait finalement obtenu de la justice qu’elle consolide les deux plaintes, malgré l’opposition initiale d’Apple (qui, entre-temps, avait obtenu la révision du jugement auprès de la cour d’appel de Washington).
Découpage
Selon Robert Schroeder, cette décision a eu un effet inattendu : elle a induit la confusion dans l’esprit des jurés du procès de février 2016. Plus encore au vu du nombre d’allusions que les avocats et les experts de VirnetX ont faites vis-à-vis du jugement de novembre 2012 : plus d’une cinquantaine de références en huit jours d’audience.
Apple avait, à plusieurs reprises, souligné ce risque. Il a finalement été entendu.
Du côté de VirnetX, c’est la soupe à la grimace. Mais le P-DG Kendall Larsen se dit confiant à l’égard du jury, qui « saura reprendre la bonne décision ».
Seul le dossier « Apple I » doit être abordé le 26 septembre. Le dossier « Apple II » sera examiné de manière dissociée.
« Patent trolls »
Fondé en 2005 dans le Nevada, VirnetX est coté en Bourse et donc soumis à certaines obligations, dont la communication de rapports à la SEC (Securities and Exchange Commission, organisme de contrôle et de régulation des marchés financiers aux États-Unis). Le dernier d’entre eux fait état de 14 employés et d’un portefeuille d’une centaine de brevets.
La société se présente comme un éditeur de logiciels de sécurité IT et un fournisseur technologique. Dans la pratique, elle a le profil et l’activité d’un « patent troll » qui se constitue un portefeuille de propriété intellectuelle et le monétise. Elle a déjà remporté, en 2010, une victoire de prestige, contre Microsoft, condamné à lui verser 200 millions de dollars, là aussi dans une affaire de VPN, mais avec Skype.
On évitera la confusion avec une autre bataille de brevets dans laquelle Apple avait été condamné, en première instance, à verser plus de 625 millions de dollars. C’était face à la société Mirror Worlds, qui présente également un profil de « patent troll », avec à sa tête David Gelernter, professeur d’informatique à l’université de Yale (Connecticut).
Portant sur des fonctionnalités phares des produits Apple comme le moteur de recherche Spotlight intégré à OS X, l’interface de navigation dans la bibliothèque iTunes Cover Flow et le système de sauvegarde automatique Time Machine, la condamnation avait été annulée en appel. La Cour suprême avait refusé de se saisir du dossier.
* Les quatre brevets (6502135, 7418504, 7490151 et 7921211, accordés entre décembre 2002 et avril 2011) sont relatifs à des protocoles réseau destinés à sécuriser les communications entre des terminaux.
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