B.Van Asbroeck (Copiepresse vs Google): ‘attaquer pour avoir une position forte’
Cet associé au cabinet d’avocats Bird & Bird décrypte les enjeux du
procès en Belgique opposant les éditeurs de presse et le moteur.
Vnunet.fr : Comment expliquez-vous cette « union sacrée » des éditeurs de presse en Belgique dans ce procès alors qu’en France, seule l’AFP a attaqué Google en justice ?
Benoit Van Asbroeck : Je pense que les éditeurs français ont une approche plus économique. La situation actuelle n’est pas respectueuse de la lettre de la loi. Mais, in fine, tout le monde s’y retrouve. Si Copiepresse et Pressbanking se sont ligués, c’est peut-être qu’ils ont estimé que c’était une question de vie ou de mort de leur activité à moyen terme face à Google News. [Depuis cet entretien, l’AFP et Google ont signé un accord, ndlr]
Vnunet.fr : Quel est le rôle précis de Pressbanking que nous n’avons pas encore évoqué ?
Benoit Van Asbroeck : C’est un fournisseur de revue de presse en Belgique, qui a la particularité d’avoir comme actionnaire tous les éditeurs de Copiepresse. Leurs intérêts sont très liés. Pressebanking est intervenu plus tard dans la procédure de Google sous forme de demande en intervention volontaire. La loi belge autorise ce type de nouveaux intervenants du moment que cela ne ralentit pas la procédure. Du coup, nous allons peut-être avoir une audience ultérieure pour traiter ce volet spécifique. Ce serait éventuellement une quatrième audience de première instance. Mais la juridiction d’appel pourrait également juger les différents éléments dans leur ensemble.
Vnunet.fr : Comment Google peut-il s’en sortir la tête haute ?
Benoit Van Asbroeck : Google aurait dû éviter le jugement par défaut. On n’a jamais une deuxième fois la chance de faire une première bonne impression. Revenir devant le même juge et lui demander de se déjuger est un exercice délicat. A mon avis, Google aurait dû transiger avant prononcé pour éviter tout précédent. Car tout le monde va considérer qu’il s’agit d’un grand jackpot. Ce qui peut mettre en péril le service Google News ou la fonctionnalité cache du moteur Google. D’après les analyses des experts cités dans la décision, le cache est nécessaire pour le processus d’indexation. Cela pourrait remettre en cause le coeur du processus technologique mis en place par Google.
Vnunet.fr : Quelles sont les possibilités pour Google de parvenir à renverser la situation en appel ?
Benoit Van Asbroeck : Je dois avouer que le raisonnement développé par la juridiction présidentielle bruxelloise n’est pas convaincant sur l’exception de revue défendue par Google. Je fais référence à la loi/ directive InfoSoc (lié à la transposition de la direction de la Société de l’Information dans le droit national) à la fois dans le droit belge qui a été une révision de la loi droits d’auteur effectuée en 2005 et plus récemment dans le droit français (à travers la loi DADVSI). Dans la loi antérieure belge, la citation de revue n’existait pas. Elle a été introduite par le législateur à cette occasion. Dans le cas de l’affaire Google, le magistrat considère que la citation de revue n’est qu’un extrait dans le cadre d’un développement plus important. Il considère qu’en l’espèce, les extraits sont issus de la machine et pas de l’homme. Il n’y aurait aucun développement. Ce serait juste une juxtaposition d’extraits. Mais tout cela est tiré d’une définition du Larousse mais cela n’est finalement que la définition d’un seul dictionnaire (voir notamment une définition plus nuancée dans Le Robert). C’est un débat juridique technique mais c’est important pour Google qui a une carte à jouer pour tourner la situation en sa faveur et envisager avec plus de cérélité les sanctions concernant Google News. Je pense que c’est possible de renverser l’orientation du débat en approfondissant le débat sur l’hyperlien profond et l’exception de revue. En revanche, pour le cac he de Google, je crains que cela ne soit perdu d’avance. Même en degré d’appel, cela semble impossible de sauver le système.
Vnunet.fr : Pourquoi considérez-vous que Google cache n’a aucune chance de résister en appel ? Après tout, il suffit juste d’ajouter du code spécifique dans les pages HTML pour éviter que les pages ne soient repérées par les robots d’indexation de Google?
Benoit Van Asbroeck : C’est comme si vous vouliez imposer à tout le monde de mettre en place un système d’alarme pour empêcher les voleurs de rentrer chez eux. Google a tenté de se défendre en utilisant votre argument. Mais il est irrelevant en droit d’auteur, qui est un droit d’opt-in [collecte des données personnelles basée sur le consentement préalable de l’internaute, ndlr] et non d’opt-out [en s’abonnant à un service, l’internaute est automatiquement inscrit à une liste de diffusion sans son accord express, ndlr]. C’est rédhibitoire.
Vnunet.fr : La décision finale dans cette affaire pourrait-elle avoir des répercussions sur d’autres moteurs de recherche ? On pense à des services dédiés de recherche d’actualité comme Wikio?
Benoit Van Asbroeck : C’est un cas différent par rapport à l’indexation sur Google News car les fils RSS et donc les liens hypertextes, pris en compte par le moteur Wikio, sont créés directement par les titulaires de droit. C’est une différence majeure car il s’agit d’un acte positif de la part des éditeurs. Il serait difficile de lancer une action en justice similaire. La législation belge fait une distinction entre le titulaire originaire des droits d’auteurs et le cessionnaire. Or, le fil RSS dépend davantage du cessionnaire. Le formalisme lié à la cession est moins lourd. Dès lors, le risque qu’une juridiction y voit un inconvénient est moins grand. Google devrait peut-être orienter son modèle dans ce sens. Les grandes dates de la procédure
5 septembre 2006 | Première décision rendue par défaut à l’encontre de Google devant le tribunal de première instance de Bruxelles. |
22 septembre 2006 | Lors de la procédure dite d’opposition, la justice belge reste sur ses positions. Malgré les contestations de Google, le moteur doit publier la décision de justice sur ses services en ligne. |
13 février 2007 | Condamnation de Google confirmée en première instance. depuis, Google a annoncé son intention de faire appel. |