C. Paul (député PS): « Sur Jiwa.fr, j’ai écouté, en accès gratuit et en streaming, un album de Carla Bruni »
Le ton est donné à l’Assemblée nationale juste avant l’examen du projet de loi Hadopi. Extraits des premières joutes politiques.
Tout en poursuivant son propos :« Le droit d’auteur, ce n’est pas cela. Historiquement, et c’est la raison pour laquelle les socialistes y sont viscéralement attachés, le droit d’auteur a été conçu pour défendre les auteurs, les artistes, contre les abus des éditeurs et des producteurs, en un mot les petits contre les gros. C’est donc à un véritable détournement du droit d’auteur que nous assistons, pour la seconde fois, après la loi dite DADVSI. »
Patrick Bloche lance un vrai pavé dans la mare. « Là où ce projet de loi est réellement décalé, c’est qu’il s’attache uniquement à la question du téléchargement. Or, nous savons bien que ce n’est déjà plus la vraie question. Aujourd’hui, le streaming commence à supplanter le téléchargement et, dans quelques mois, avec la diversification des terminaux, le téléchargement ne sera plus le mode le plus répandu pour avoir accès aux contenus. Les usages évoluent, le marché des ventes en ligne se développe. Avec la multiplication de plates-formes de type Deezer, la notion de captation de fichier est de moins en moins prégnante. »
Frédéric Lefebvre, député UMP des Hauts-de-Seine, sort ses griffes à son tour. « La différence entre Deezer, que nous défendons, et les acteurs illégaux, que vous défendez, c’est que les acteurs illégaux mettent l’argent dans leurs poches ! Au lieu de rétribuer les ayants droit et le monde de la culture, à l’instar de Deezer – qui se finance par la publicité –, les acteurs illégaux font de la publicité à leur propre profit ! »
Christian Paul : « Cette fable archaïque qu’est la chasse aux pirates »
La parole est donnée à Christian Paul, décidément très en verve. « Ce soir, nous sommes invités à faire un choix de société, de civilisation, entre une culture numérique ouverte et cette fable archaïque qu’est la chasse aux pirates. »
La formule « tous voleurs » n’est pas acceptable pour le député PS de la Nièvre [et non du Puy-de-Dôme comme précédemment indiqué]. « Il ne s’agit pas non plus de siffler la fin de la récréation – une récréation durant laquelle, selon les propagandes en vigueur, une génération de délinquants juvéniles aurait pillé sans scrupule la musique et le cinéma, comme des collégiens indélicats s’en seraient pris à l’étal du pâtissier ou aux rayons du libraire ».
Le député PS n’hésite pas à afficher ses goûts en termes de service de musique : « Pour ma part, j’aime fréquenter Jiwa, un site commercial gratuit, où l’on peut trouver des millions de titres en écoute libre, comme sur Deezer ou musicMe. Le site de Jiwa n’est pas pourchassé par les majors, il est même permis de penser que celles-ci l’ont inspiré et nourri. On gagnerait d’ailleurs à savoir comment, sur ce site comme sur les autres sites de streaming, sont rétribués équitablement les artistes ».
Tout en se montrant très inspiré par le sujet : « Ce site me permet d’écouter des albums entiers, sans limite, sans même avoir besoin de les télécharger. J’y ai découvert ainsi, au fil du temps, les artistes Camille ou Rokia Traoré. Comme j’en ai fait la confidence à Mme la ministre, j’y ai même écouté, gratuitement et en streaming, le dernier album de Carla Bruni ! ».
La mini-polémique MGMT, un boulet pour l’UMP
Provocations, provocations… Mais cela ne s’arrête pas là car il fait resurgir la polémique MGMT en s’adressant à Franck Riester. « Peut-être l’UMP a-t-elle confondu téléchargement et contrefaçon, toujours est-il qu’elle s’est rendue coupable de contrefaçon en diffusant, sans autorisation, une chanson du groupe de rock MGMT lors de ses congrès. » (… ) »Plus grave encore, l’interprétation du titre lors du meeting ne nécessitait pas l’autorisation de ce groupe, mais l’enregistrement du meeting et sa diffusion sur Internet l’exigeaient. C’est une première faute. Deuxième faute : introduire la chanson sur un support vidéo diffusé sans autorisation peut être sanctionné, pour contrefaçon, de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende dans la législation actuelle. Législation que vous n’entendez pas abolir, monsieur le rapporteur – c’est écrit dans votre rapport »
C’est de bonne guerre dans l’Hémicyle habitué aux joutes politiques. « Xavier Bertrand s’est contenté de dire qu’il allait proposer un euro symbolique à MGMT. C’est ce qu’on appelle sans doute, à l’UMP, la responsabilisation et la reconnaissance pour les artistes. »
Non seulement le PS veut s’opposer frontalement au texte de loi mais il compte faire des propositions : « L’Internet doit financer la création. Allons chercher une taxe télécoms mais vous avez fait un détournement de fonds pour financer l’audiviosuel public », balance Christian Paul à destination du gouvernement et de la majorité parlementaire.
C. Albanel : « La modernité, pas le laisser-faire à coup de contrevérités »
Difficile pour Christine Albanel de ne pas riposter. Ne serait-ce que pour défendre son projet de loi écorné par le camps du PS. « Nous sommes sortis de l’époque où les fournisseurs d’accès à Internet étaient les ennemis du monde de la création. Aujourd’hui, les uns ont besoin des autres, et les fournisseurs savent qu’ils ont besoin de contenu. C’est là qu’est la modernité ».
Tout en reprenant : « La modernité n’est pas prôner le laisser-faire en assénant des contrevérités. Comment peut-on prétendre, par exemple, que le téléchargement est sans conséquence sur la musique et le cinéma ? Comment peut-on affirmer que 800 000 piratages d’oeuvres musicales et 450 000 piratages de films par jour sont sans conséquence ? »
La séance publique devait reprendre mercredi soir à partir de 21h30 (article rédigé depuis les éléments fournis dans les comptes-rendus disponibles sur le site Internet de Assemblée nationale).
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