Dans le projet « Carrefour 2022« , Alexandre Bompard, le nouveau P-DG du groupe de grande distribution qui a pris ses fonctions il y a six mois, veut accélérer dans le numérique et devenir « leader du e-commerce alimentaire ».
Il compte sur la puissance de la marque Carrefour pour développer un « univers omnicanal de référence ».
Au-delà d’un volet de « rationalisation » des coûts de fonctionnement (qui intègre un plan de départs volontaires de 2400 personnes en France sur un effectif total de 10 500 salariés), Alexandre Bompard cherche à gagner en productivité et en compétitivité.
Car la concurrence est rude dans la grande distribution au niveau mondial, secouée par des groupes e-commerce comme Amazon ou Alibaba qui se montrent offensifs.
En effectuant une démarche inverse : après avoir conquis le numérique, ils attaquent les enseignes « brick and mortar ». La prise de contrôle par Amazon de la chaîne américaine Whole Foods Market, annoncée en juin 2017, a marqué les esprits (montant de la transaction : 13 milliards de dollars).
Jusqu’en 2022, Carrefour prévoit de consacrer deux milliards d’euros par an pour développer et transformer le réseau global de distribution. « Plus un investissement massif dans le digital », à hauteur de 2,8 milliards d’euros d’ici 2022, précise l’enseigne de grande distribution (présente dans 30 pays avec 12 150 magasins et 384 000 collaborateurs).
En matière d’offensive dans le numérique, les premiers jalons sont avancés en France.
La destination Carrefour.fr servira de figure de proue pour ériger une « plateforme marchande unique en France » pour avancer dans l’e-commerce alimentaire qui doit atteindre un chiffre d’affaires global de 5 milliards d’euros à l’horizon 2022 (correspondant à une part de marché « supérieure » à 20 % en France). Elle regroupera l’ensemble de offres marchandes généralistes.
Dans cette vaste transformation numérique, Carrefour s’appuiera sur Publicis.Sapient pour l’accompagner dans l’évaluation des enjeux e-commerce et le déploiement d’un système omnicanal.
En interne, Marie Cheval (ex-DG de Boursorama) a été recruté en septembre pour superviser la stratégie numérique du groupe.
Pour diversifier son offre, le groupe de grande distribution avait déjà procédé à des acquisitions pour développer des thématiques e-commerce comme la high-tech (RueDuCommerce), le vin (GrandsVins-Privé), les accessoires pour animaux de compagnies (Croquetteland) et les produits bio (Greenweez).
La semaine dernière, on a appris que Carrefour reprenait la participation minoritaire de Conforama détenue dans Showroomprivé (17%), spécialiste des ventes privées sur Internet.
En matière de vente alimentaires sur Internet, l’enseigne dispose déjà de l’expérience Ooshop pour la commande et la livraison directe chez le client.
Mais le groupe compte aussi sur son réseau de magasins de proximité (Carrefour Market, Carrefour City) pour développer la livraison à domicile.
Après un tour de chauffe dans plusieurs métropoles (Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse et Montpellier), le service Carrefour Livraison Express sera déployé dans une dizaine d’autres villes d’ici la fin de l’année*.
Il s’appuiera sur le partenariat établi avec Stuart, une start-up spécialisée dans la « course urbaine urgente » qui a basculé dans le giron du Groupe La Poste.
Les interconnexions pour assurer le dernier kilomètre de livraison vont s’étendre. Ainsi, courant 2018, des pilotes seront lancés dans deux villes, permettant à Stuart de livrer des courses à domicile à partir des Drive Carrefour (hypermarchés et supermarchés).
Difficile d’y échapper en matière de commerce digital associé aux groupes de grande distribution: Carrefour veut aussi surfer sur l’essor du drive-in alimentaire. 170 relais devraient être inaugurés courant 2018 (sachant qu’à fin 2016, on en recensait 569).
Mais le chemin sera long : « Avec 8 % des ventes alimentaires en ligne en France, Carrefour est cinq fois plus petit que Leclerc, champion toutes catégories du drive », évoque Le Figaro.
Cet exercice d’agilité et de jonglage dans la distribution et la livraison directe passera par « un accroissement des investissements supply-chain orientés vers la création d’une offre en mode omnicanal dans l’alimentaire par l’automatisation des plateformes de préparation de commande ».
Parmi les investissements technologiques figure la blockchain : Carrefour veut généraliser cette technologie de rupture « pour améliorer la traçabilité des produits » (et ce, dès 2018).
Pour renforcer son empreinte dans le commerce digital, le réseau physique existant sera mis à contribution à sa façon.
« Le Click & Collect [commandes sur Internet, récupération du colis en magasin, ndlr] sera étendu à plus de la moitié des magasins dès 2019 », précise le groupe en annonçant son plan de transformation.
Signalons également deux prises de position qu’il faudra suivre avec un grand intérêt.
D’un point de vue centrale d’achats hors alimentaire, Carrefour a signé un accord avec le groupe FNAC Darty (électronique grand public). Une enseigne de distribution spécialisée qu’Alexandre Bompard connaît bien au regard de son parcours professionnel.
Très loin de nous, Carrefour veut aussi monter en puissance en Chine en s’associant à Tencent, un géant du numérique concurrent d’Alibaba. Les termes de l’accord porte notamment sur l’e-commerce alimentaire, le point fort sur lequel le groupe français veut se distinguer. Quel que soit le pays.
* Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Lille, Nancy, Nantes, Nice, Reims, Rennes et Strasbourg.
Photo credit: @cpe on VisualHunt / CC BY-NC-SA
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