C’est la question French Tech qui tue. Combien d’entreprises numériques françaises vont vraiment exposer leur savoir-faire au CES 2017 ? Pas si évident que cela.
Certes, il existe une certaine coordination à travers la mission French Tech (qui pilote l’initiative éponyme au Ministère de l’Economie et des Finances) et Business France également impliqué. Mais il est nécessaire d’appeler à un recensement de jeunes pousses via Les Pépites Tech dans l’espoir de disposer d’une vision globale.
Alors que le CES va célébrer son 50ème anniversaire (du 5 au 8 janvier), c’est un panel composé de 275 entreprises high-tech françaises qui fera le déplacement à Las Vegas pour participer à ce premier rendez-vous de l’informatique, de l’électronique et des télécoms de l’année 2017 et exposer leurs compétences.
Selon le portail officiel French Tech, la France occupera la troisième place sur le podium du numérique mobilisé à l’occasion du CES, après les Etats-Unis (la puissance hôte de l’évènement avec 1713 entreprises) et la Chine (1307 entreprises).
Autrement dit, c’est la premier pays de l’UE à s’afficher sa vitrine high-tech. C’est même la « deuxième délégation mondiale dans l’Eureka Park, l’espace dédié aux start-up » (178 jeunes pousses, derrière les USA qui dépassent la barre des 200 start-up présentes).
En trois ans de montée en puissance de l’initiative French Tech, la présence de start-up françaises au CES a quasiment triplé, passant de 66 en 2015 à 178 en 2017.
Outre les groupes français présents sur place pour soutenir l’écosystème numérique (Engie, La Poste, Valeo, Legrand…), on trouve des sociétés Internet vedettes de l’IoT ayant déjà bouclé des levées de fonds importantes (Sigfox, Qowisio, Netatmo, Withings racheté courant 2016 par Nokia) ou de l’e-santé (Visiomed).
Des sociétés « émergentes très prometteuses » sont également associées comme CybelAngel (sécurité informatique, déjà repéré au concours de start-up Slush 2016), Famoco (ancrée dans les technologies sans contact), Giroptic (qui a sorti pour Noël une nouvelle caméra 360° pour iPhone et iPad), Awox ou SevenHugs (produits connectés pour la maison).
Cerise sur le gâteau : plus d’une trentaine de start-up de la French Tech seront récompensées d’un « CES Innovation Awards 2017 ».
Ils ont déjà cette sensation auparavant et ils récidivent cette année : 3D Rudder (contrôleur de navigation et de mouvement en réalité virtuelle), Devialet (enceinte sophistiqué Phantom), Klaxoon (animations interactives pour les réunions), Kolibree (brosse à dents connectée), Holi (ampoule LED intelligente), Hydrao – Smart and Blue (« douche intelligente »), In&Motion (« airbags intelligents), Parrot (drones), Sen.se (capteurs) et SensorWake (réveil olfactif).
La liste des « start-up primo-primées » est également dense. ITespresso a pris le temps de les détecter par positionnement : 42tea (« cube connectée pour le thé »), BlueMint Labs-Bixi (objet intelligent, nomade et sans contact « qui simplifie la vie connectée grâce à une reconnaissance gestuelle intuitive »), Catspad (Distributeur de croquettes et d’eau connecté pour chat), EnergySquare (modules de recharge sans fil connecté à un port micro-USB, Lightning ou Type-C sous forme de ruban adhésif), Hap2U (technologie qui donne aux interfaces tactiles la sensation de relief), Joy (accessoires technologiques pour la famille), Miliboo (vente de meubles et accessoires pour la maison online) et MyBlueShip (pour embarquer des capteurs NFC sur tous les objets).
On reprend son souffle car les lauréats sont nombreux : MYXYTY (domotique et objets connectés), Novin (« plateforme d’innovation participative »), Ondilo (IoT et maintenance des piscines), Pkparis (objets connectés nomades), Plume Labs (application mobile de consultation de la météo de la pollution de l’air), Rifft (bracelets connectés), Solable (technologie de chauffage solaire thermique permettant de stocker la chaleur, à très bas coût), SteadXP (système de stabilisation vidéo mi-hardware mi-software), Urban Hello (réveil connecté), Xooloo (site pour enfants et moteur de recherche sécurisé), Yesitis (étiquettes connectées), Yumii (plateforme de mise en relation entre familles et réseaux de connaissances) et Zhor-Tech (« chaussures connectées »).
Mais gare au miroir aux alouettes avec le CES. Certes, la venue annoncée de deux représentants du gouvernement – Axelle Lemaire (secrétaire d’Etat au Numérique et à l’Innovation) et Michel Sapin (ministre de l’Economie et des Finances) en l’occurrence – est réconfortante pour cette nouvelle édition.
Mais l’exercice du coup de projecteur high-tech trouve quelques limites. Ainsi, une firme emblématique comme Parrot va limiter son implication à Las Vegas cette année.
Le fabricant de drones français a estimé qu’il valait mieux réduire la voilure cette année en raison des priorités budgétaires et marketing qui ont changé mais aussi en raison de la présence de nombreux concurrents sur place (comme le chinois DJI) qui compliquent la visibilité de sa gamme de produits sur place.
D’autre part, les centres d’intérêts se sont déplacés. Si l’intelligence artificielle et les technologies embarquées pour les voitures connectées et autonomes suscitent de la curiosité, la vague IoT s’est quelque peu estompée.
Une start-up comme Citizen Sciences, spécialiste des textiles connectés, s’était emballée en évoquant lors de la session CES de 2015 une probable levée de fonds de 100 millions d’euros qui n’est jamais apparue sur les radars.
En revanche, fin 2016, on a eu des nouvelles plus humbles de la société lyonnaise qui évoquait « une réorganisation de ses activités et de son capital ».
Avec cette nouvelle édition du CES, Citizen Sciences compte « présenter sa technologie et ses travaux R&D, notamment réalisés en Fab Lab » et conjointement menés avec ses principaux clients (le Chinois Meddo Medical Devices, le Japonais Goldwin, l’Allemand Advansa et le Français Vivalto).
Enfin, la portée de l’évènement du CES permet-elle de faire de générer du business ? Admettons qu’il s’agit d’abord un exercice de communication multi-parties : « Vive la French Tech » du côté du gouvernement, la promotion des produits & services du côté des start-up et l’image « open innovation » poussée par certains grands groupes.
De quoi remettre en ordre l’existence de la French Tech ? Lors d’une rencontre presse organisée à Paris en octobre, Olivier Midière, conseiller numérique auprès de Pierre Gattaz (Président du MEDEF), évoquait la difficulté de la France à se distinguer dans la carte numérique du monde.
Lors de ses missions à l’étranger (Israël, Jordanie…), il considère que « la French Tech n’est pas identifiée » par ses interlocuteurs. « La France n’existe pas sur la carte numérique de ces pays. On me parle de Londres et de Berlin. C’est juste du marketing. On a un vrai travail à faire pour remettre la France dans le jeu. »
Il faut nuancer ses propos au regard de la contribution parfois soutenue du MEDEF : en janvier 2014, la session CES avait réuni Fleur Pellerin (alors ministre de l’Économie numérique à qui l’on doit la genèse de la vague French Tech) et Pierre Gattaz. Une première entre un gouvernement et l’organisation patronale.
Avec sa nouvelle casquette de VC dans le secteur privé (via le fonds Korelya), Fleur Pellerin vient d’apporter par Twitter son soutien à la nouvelle vague de start-up en route pour Las Vegas.
Axelle Lemaire est consciente de cette critique récurrente visant la French Tech et s’en défend dans son édito disponible sur le dossier de presse spécial CES 2017 : « Cette présence [à Las Vegas, ndlr], ce n’est pas que de la com. C’est le reflet d’une réalité chaque jour un peu plus reconnue à l’international », argue-t-elle.
« Le récent classement Technology Fast 500 EMEA (…) est à ce titre très révélateur : comme chaque année depuis trois ans, la France est le pays qui compte le plus d’entreprises dans le palmarès. »
D’ailleurs, on peut se demander si certaines délégations nationales ne sont pas jalouses de l’aura French Tech ?
Ainsi, Gary Shapiro, le grand manitou organisateur du CES, estime que le gouvernement britannique fournit très peu d’effort pour soutenir son écosystème start-up comparée à des pays comme la France, les Pays-Bas et Israël.
« C’est une situation embarrassante », concède-t-il selon les propos retenus par la BBC (« source of embarrassment » dans la version originale).
Pour estomper le French bashing outre-Atlantique, c’est toujours bon à prendre. Même si certains médias américains se sont empressés de narguer le nouveau droit à la déconnexion de l’accès Internet après les heures de travail désormais gravé dans la loi française…
(Crédit photo : Portail French Tech)
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