Une répression efficace contre les fausses nouvelles à l’ère numérique implique-t-elle de moderniser la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ?
C’est ce qu’estime Nathalie Goulet. La sénatrice UDI-UC de l’Orne a déposé, ce mercredi 22 mars, une proposition de loi qui vise à définir et à sanctionner ces « fake news » à l’heure où « chacun peut […] publier ses écrits depuis un ordinateur ou un téléphone portable ».
Dans sa rédaction actuelle, l’article 27 de la loi de 1881 condamne la publication ou la reproduction – faite de mauvaise foi – d’articles de désinformation qui ont troublé la paix publique. Mais il ne s’applique pas à leurs auteurs.
Soulignant qu’avec le développement d’Internet, les écrits n’ont plus la dimension « éphémère » qu’ils avaient sur papier, Nathalie Goulet cite Robert Badinter, qui avait déclaré, en 2004 lors de débats au Sénat : « Nous sommes là devant un outil qui est sans commune mesure avec la presse écrite que nous avons connue, et qui était en fait celle de 1881 ».
Il existe déjà, en droit spécial, plusieurs variantes de l’infraction en question. On la trouve par exemple dans les articles L. 97, L. 114 et L. 117 du Code électoral, dans les L. 465-3-1 à -3 du Code monétaire et financier ou encore dans le L. 443-2 du Code de commerce, sous diverses appellations : informations mensongères, bruits calomnieux, nouvelles trompeuses…
Pour l’essentiel, aucune restriction n’est posée à l’auteur du texte, « sauf à répondre d’un dol pour les matières relevant du droit privé ». En d’autres termes, n’est sanctionnée que la mise à disposition du public.
Concernant la définition de la « fake news », la jurisprudence l’établit comme l’annonce d’un fait précis et circonstancié, actuel ou passé, faite à quelqu’un qui n’en a pas encore connaissance. La qualification de son caractère mensonger relève de l’appréciation souveraine des juges de fond.
La Cour de cassation exige que la mauvaise foi du contrevenant soit établie distinctement de la fausseté de la nouvelle. Si bien que la simple absence de vérification de la véracité ne suffit pas.
Les différentes branches du droit privé n’incrimine par ailleurs pas les fausses nouvelles pour les mêmes raisons. Illustration dans le Code monétaire et financier, qui n’implique de sanction qu’en cas de possibilité de manipuler les marchés ou de troubler les cours et les indices.
Dans le cas de l’article 27 de la loi de 1881, la fausse nouvelle doit avoir troublé ou être susceptible de troubler la paix publique, d’ébranler la discipline ou le moral des armées, d’entraver l’effort de guerre de la Nation.
Nathalie Goulet se propose de reprendre la jurisprudence, mais d’élargir le champ de la vocation frauduleuse prévue par les droits spéciaux. Elle voit dans sa démarche une continuité de la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, adoptée en 1971 à Munich par les syndicats français, allemands, belges, italiens, luxembourgeois et hollandais de la profession.
Serait considérée comme un délit et sanctionnée à hauteur d’un an de prison additionné de 15 000 euros d’amende, « la mise à disposition du public, par voie numérique par édition, diffusion, reproduction, référencement ou par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses non accompagnées des réserves nécessaires ».
Les dispositions seraient insérées au chapitre VI du titre II du livre II de la loi de 1881, par l’ajout d’une section 3 bis.
Serait passible de sanction quiconque aurait maintenu à disposition du public de fausses informations pendant plus de trois jours à compter de la réception du signalement par un tiers. En bout de chaîne, moteurs de recherche et réseau sont eux aussi concernés.
Des circonstances aggravantes sont prévues, notamment pour les personnes dépositaires de l’autorité publique et les entreprises éditrices de presse en ligne (3 ans d’emprisonnement ; 75 000 euros d’amende, ainsi que le délit en bande organisée (5 ans ; 100 000 euros).
Reste que l’inscription à l’agenda du Sénat n’est pas pour tout de suite au vu du calendrier électoral.
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