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Chatbots : des promesses de Facebook Messenger aux tâtonnements de HomeServe

« Notre modèle, c’est la publicité. On ne veut pas en dévier. »

Responsable « plateforme » pour l’Europe chez Facebook, Alexandre Croiseaux est formel quand on l’interroge sur l’éventualité que le réseau social active de nouveaux leviers de monétisation de sa messagerie instantanée.

La question se pose avec la disponibilité, depuis quelques semaines, en bêta aux États-Unis, d’un service de paiement intégré.

Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une démarche plus large qui vise à donner aux internautes le « réflexe Messenger » en y centralisant les différents aspects de leur vie numérique.

Officialisée il y a un peu plus d’un an, l’ouverture aux chatbots participe de cette stratégie.

Alexandre Croiseaux en a abordé les enjeux ce mardi dans les locaux parisiens de la structure d’accompagnement de jeunes pousses TheFamily.

Son propos, il a pu l’illustrer, entre autres, par l’exemple HomeServe.

Alexandre Croiseaux au micro

Le digital avec Tom

Le groupe britannique spécialiste des services d’assistance pour la maison était représenté par sa filiale française HomeServe France, détenue à 100 % depuis 2011.

Auparavant, l’activité était exploitée sous forme de coentreprise avec Veolia sous la marque Doméo. Le changement de marque au profit de HomeServe est intervenu courant 2016.

Avec 450 employés entre Paris et Lyon et un million de clients, HomeServe France revendique, sur son dernier exercice clos au 31 mars 2017, un chiffre d’affaires de 107,9 millions d’euros, soit environ 12 % du chiffre d’affaires du groupe.

Historiquement, son offre consistait en des contrats d’assistance par abonnement, en partenariat avec des entreprises comme Butagaz, Suez et Veolia.

En septembre dernier, s’y est ajoutée une formule « à la carte », sans engagement, 100 % digitale et commercialisable en marque blanche : Dépann&Moi.

La réflexion menée sur l’intégration de technologies d’intelligence artificielle a abouti à la création d’un chatbot baptisé Tom.

Des algos et des hommes

Cinq à six mois auront été nécessaires pour lancer une préversion de cet assistant qui doit permettre de définir les besoins des clients pour automatiser la mise en relation avec des professionnels de la plomberie, du chauffage, de l’électricité, de l’électroménager ou des objets connectés.

En filigrane, on trouve l’entreprise française Recast.AI, à l’origine d’une plateforme collaborative conçue pour développer et entraîner des chatbots, puis les connecter à différents services (dont Facebook Messenger) et suivre l’évolution de leurs capacités.

Omer Biran, CTO et cofondateur de Recast.AI

HomeServe le reconnaît : quand bien même « plus de 500 scénarios » ont été imaginés avec Tom, il reste, en l’état, impensable de se passer d’un « filet de sécurité » ; en l’occurrence, un humain préposé au traitement des requêtes que la machine ne comprendrait pas.

Dans la pratique, le premier défi est celui de la visibilité : pas facile de découvrir Tom dans la foule des chatbots qui inonde Messenger.

Facebook apporte un élément de réponse avec l’onglet « Discover », lancé au mois d’avril. Mais d’autres solutions existent, parmi lesquelles des modules à intégrer sur les sites Web, des flashcodes à scanner, des URL de type m.me/yourbot… et les annonces publicitaires.

La rigidité du chatbot

En qualité de président de HomeServe France, Guillaume Huser l’assure : des travaux seront menés, dans un deuxième temps, sur l’interaction vocale (Echo d’Amazon est cité) ainsi que la reconnaissance d’images.

Dans tous les cas, il ne s’agit pas, clame-t-il, de remplacer les canaux de communication actuels, mais de les compléter.

Pour l’heure, la vitrine s’appelle Tom… et elle reste perfectible. On ne saurait que trop conseiller de limiter les interactions en « langage naturel » et de s’en tenir à la sélection de réponses « toutes faites » que propose le chatbot (« Ça fuit », « C’est bouché », « Plus d’eau chaude », etc.).

Effectivement, dès lors que l’utilisateur formule ses propres phrases, même l’utilisation – et la répétition – de mots-clés ne garantit pas que le message passe.

Autant certaines notions sont acquises, à l’image de la synonymie entre « radiateur » et « chauffage », autant Tom offre parfois relativement peu de latitude : à la question « Expliquez-moi le problème que vous rencontrez avec votre radiateur ? [sic] », il comprend « Ça ne fonctionne pas », mais pas « Le radiateur fonctionne mal ». Et le code postal « 96 000 » ne semble pas lui poser de problème.

On se trouve, il est vrai, dans un cas d’usage plus complexe que la plupart de ceux qu’aura évoqués Alexandre Croiseaux : Activision pour faire la promotion du dernier opus de sa série de jeux vidéo « Call of Duty », Channel 4 pour faire connaître la nouvelle saison d’une série, Sephora pour réserver des tests de produits en magasin…

Vers une IA créative

Stéphane Mallard, Digital Evangelist & Speaker de la société Blu Age (conseil et solutions informatiques), l’admet : la marge de progression est grande pour les chatbots.

Il en est cependant persuadé : l’intelligence artificielle avance bien plus vite que ne le perçoit notre cerveau « dont le fonctionnement linéaire nous aveugle sur la vitesse réelle de cette révolution ».

Pour lui, l’objectif que se sont fixé des groupes comme Google n’est pas inatteignable : proposer, dans un horizon de dix à quinze ans, un assistant intelligent qui puisse répondre à toutes les demandes et devenir l’interface standard de tous nos objets connectés.

« D’ici peu, on entraînera des algorithmes comme on contribue aujourd’hui à Wikipedia », lâche-t-il en insistant sur la capacité de ces technologies à envahir notre quotidien.

Au fur et à mesure, l’IA pourra, par apprentissage automatique, développer sa créativité ; et devenir apte à relier, par l’hypothèse, ce qui ne l’a pas encore été.

À partir de là, il s’agira de l’« humaniser » en lui donnant « du bon sens ». Non sans s’assurer de l’encadrer en l’alimentant avec les données adéquates, d’établir un cadre juridique pour établir les responsabilités et de poser le débat éthique : quel niveau d’autonomie pour les algorithmes ? Dans quelle mesure leur faire confiance ?

En illustration principale : de gauche à droite, Stéphane Mallard, Alexandre Croiseaux, Delphine Bittoun (au micro ; DG adjointe de HomeServe France), Omer Biran (CTO, Recast.AI) et Linda Ghodbani (directrice de l’innovation et du digital chez HomeServe France).

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