Chauffeur-Privé ouvre sa portière à Djump
Le Français Chauffeur-Privé (exploitant de VTC) absorbe la start-up belge Djump, mise en difficulté par un arrêté préfectoral interdisant son activité.
« L’aventure continue » : c’est ce qu’assurait Djump fin juin dans la dernière contribution en date sur son blog officiel.
La start-up belge, qui exploite une plate-forme de mise en relation de particuliers dans le cadre de covoiturages de courte distance, va finalement tourner la page. La voilà absorbée par le Français Chauffeur-Privé, positionné sur le segment des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC).
Comment expliquer ce rapprochement alors qu’il était encore récemment question d’une levée de fonds dont le montant aurait pu avoisiner le million d’euros ?
Il faut remonter au 25 juin 2015 et cette mobilisation musclée entreprise par les taxis pour dénoncer la « concurrence déloyale » d’UberPOP. Cette application éditée par la société Internet américaine Uber permet la prise de contact entre des passagers et des conducteurs non professionnels qui assurent le transport avec leur propre véhicule.
Face à l’ampleur du mouvement et à la multiplication d’incidents « de nature à menacer des vies humaines, à compromettre la sécurité ou la libre circulation des personnes et des biens ou à porter atteinte à l’environnement », Bernard Cazeneuve était passé en mode gestion de crise.
Secondé par le président Hollande, le ministre de l’Intérieur avait demandé au préfet de police de Paris de prendre un arrêté interdisant l’activité d’UberPOP.
Sur les traces d’UberPOP
Signé le jour même, le texte en question* porte « réglementation particulière de l’activité de transport routier de personnes effectuées [sic] à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places dans certaines communes de la région d’Ile-de-France ».
Son périmètre d’application a été précisé par communiqué : UberPOP n’est pas le seul service visé.
Au contraire de Heetch, ciblé par l’interdiction mais qui continue d’exploiter sa « solution de mobilité nocturne », Djump avait préféré rentrer dans le rang en suspendant ses activités.
Raison officielle : l’acharnement dont les conducteurs ont été victimes ne permettait plus de garantir une sécurité absolue. Difficile également d’éclipser les sanctions prises à l’encontre de chauffeurs sur d’autres plates-formes, des saisies de véhicules aux gardes à vue.
Dans sa communication, la jeune pousse voulait croire en la prise de responsabilité du gouvernement pour faire « évoluer le cadre légal afin d’aider [les] nouvelles formes de consommation à grandir ».
Mais un mois plus tard, son service, disponible à Paris, Lyon et Bruxelles, n’est toujours pas opérationnel, bien que les applications mobiles pour iOS et Android restent accessibles au même titre que l’interface Web.
Une situation difficile pour la start-up, qui fonde son modèle économique sur le volume de trajets effectués – les passagers ont effectivement le choix de la somme qu’ils règlent dans le cadre de cette offre présentée comme du « covoiturage collaboratif ».
Réserves taries ?
Les investisseurs semblent avoir fait marche arrière, plus encore depuis que le gouvernement Valls a réaffirmé son intention d’appliquer la loi Thévenoud.
Élaboré à l’été 2014 et voté le 1er octobre de la même année, le texte doit « restaurer l’équilibre concurrentiel » sur le marché du transport de particuliers, avec en première ligne VTC et taxis.
Mais il a fait l’objet de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité. Tout particulièrement sur la définition du transport entre particuliers « à titre onéreux » et sur son éventuelle incompatibilité avec les droits fondamentaux comme la liberté d’entreprendre.
La Cour de cassation s’est prononcée favorablement sur cette QPC fin juin. Elle l’a transmise – accompagnée d’une deuxième QPC – au Conseil constitutionnel, qui a d’ores et déjà invalidé la partie restreignant « la liberté tarifaire » des VTC.
Autre motif d’espoir : Bruxelles a fait part de sa volonté de mettre au point un projet de régulation concernant les « trajets partagés » (ridesharing). Laquelle serait prioritaire par rapport aux lois nationales.
Pour autant, le temps joue en la défaveur de Djump, dont les effectifs comptent une quinzaine de personnes, quand bien même un seul employé à plein temps est répertorié à fin 2014, selon Le Soir. Et ce bien que la start-up ait déjà levé des fonds, avec entre autres le concours du fonds de capital-risque belge Lean Fund.
Comme le souligne TechCrunch, BlaBlaCar figurait sur la liste des repreneurs potentiels avec lesquels des discussions avaient été amorcées. Le passage dans le giron de Chauffeur-Privé et sa cinquantaine de collaborateurs condamnera les chauffeurs actuellement inscrits sur Djump, à moins qu’ils n’acquièrent une licence et suivent 250 heures de formation.
* Les personnes se livrant à l’activité décrite dans l’arrêté doivent justifier de conditions d’aptitude professionnelle définies par décret (article L. 3122-7 du code des transports). L’exercice de leur activité est par ailleurs subordonné à la délivrance d’une carte professionnelle par l’autorité administrative (L. 3122-8 du même code). Et leurs revenus doivent être déclarés aux services fiscaux et sociaux.
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