Présentés comme des indépendants et traités comme tels, les chauffeurs Uber exercent-ils en réalité une activité qui relève du salariat ?
La Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (Suva) répond par l’affirmative.
L’entreprise indépendante de droit public, qui dit assurer plus de 2 millions de personnes contre les accidents et les maladies professionnelles, a rendu, le 29 décembre 2016, une décision à laquelle la Schweizer Radio und Fernsehen s’est intéressée dans son émission en langue allemande « 10 vor 10 ».
Dans les grandes lignes, la Suva a constaté l’existence d’un « lien de dépendance » (« Abhängigkeitsverhältnis ») entre Uber et ses chauffeurs. D’une part parce que ces derniers n’ont pas le choix des prix et des moyens de paiement. D’autre part parce qu’ils doivent suivre « des consignes, des directives, des indications et des recommandations » sous peine de « conséquences négatives ».
En résumé, toujours selon la Suva, la plate-forme venue des États-Unis exerce « un contrôle global » sur ceux qu’elle présente comme des indépendants.
Du côté de l’Unia, qui se présente comme le principal syndicat suisse avec 200 000 membres revendiqués, on salue cette décision à l’encontre d’une entreprise « qui compromet le système d’assurance sociales » à hauteur de plusieurs millions de francs par an.
Soutenant que ses chauffeurs « choisissent d’être leur propre patron », Uber a 30 jours pour se pourvoir auprès du tribunal des assurances sociales du canton de Zurich.
On suivra l’évolution du dossier sous le prisme du Conseil fédéral, qui doit aborder, dans un rapport à paraître sous peu, les services de l’économie dite « collaborative » et l’éventuelle nécessité d’un traitement spécifique en matière de régulation.
Uber ne communique pas de données précises sur le nombre de chauffeurs affiliés à sa plate-forme*. L’Hebdo rapportait, en septembre dernier, les propos d’un porte-parole qui annonçait « quelque 1 000 chauffeurs actifs en Suisse romande » pour environ 40 000 utilisateurs par mois sur le réseau.
L’affaire pourrait aussi se régler au niveau européen.
Il y a quelques semaines, Uber a comparu devant la CJUE, saisie à l’été 2015 par un tribunal de commerce de Barcelone, dans la lignée d’une plainte de l’association professionnelle Elite Taxi contre la société de droit espagnol Uber Systems Spain SL.
Le verdict n’est attendu que pour fin 2017 ; les conclusions de l’avocat général, pour le mois de mars.
L’audience, dans le cadre de laquelle Uber a réaffirmé être un « service électronique d’intermédiaire » et non une société de transport, a laissé entrevoir les positions d’une partie des États membres de l’UE. En particulier des Pays-Bas, qui songent à créer un cadre réglementaire spécifique aux acteurs de l’économie collaborative.
* Uber est présent à Bâle, Genève, Lausanne et Zurich. Son offre uberPOP (chauffeurs non professionnels) est encore exploitée en Suisse.
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