Les chauffeurs Uber salariés : c’est non pour les prud’hommes
Uber l’a emporté en justice contre un ancien chauffeur français qui cherchait à être requalifié salarié. Idem pour Grubhub aux États-Unis avec un ex-coursier.
À ma gauche, Florian Ménard, chauffeur pour Uber entre octobre 2014 et juillet 2017. À ma droite, Rael Lawson, coursier chez Grubhub d’octobre 2015 à février 2016.
L’un comme l’autre a intenté une action en justice contre la plate-forme à laquelle il était affilié – le premier, en France ; le second, aux États-Unis – pour obtenir la requalification de son contrat de partenariat en contrat de travail… avec les bénéfices associés, entre autres en matière de droits sociaux.
À quelques jours d’intervalle, tous deux ont essuyé un échec.
En France, la décision est tombée le 29 janvier dernier.
Le conseil des prud’hommes de Paris a refusé d’accorder à Florian Ménard les indemnités qu’il réclamait au titre des congés payés ou encore du remboursement de frais professionnels.
Pour démontrer que sa relation avec Uber relevait du salariat, l’intéressé avait notamment pointé du doigt l’obligation de se connecter régulièrement à l’application, d’accepter 90 % des courses et d’obtenir un taux de satisfaction important.
Le Conseil des prud’hommes a jugé qu’aucun contrat de travail ne liait les deux parties, au motif qu’Uber n’effectue aucun contrôle d’horaire envers les chauffeurs, qui ont une « liberté totale » d’organisation pour « travailler selon les horaires et les jours qui [leur conviennent] ».
Une aubaine pour LeCab ?
Me. Aurélie Arnaud, l’avocate du plaignant, estime, selon Le Point, que les juges n’ont pas perçu « tout le système qu’il y a autour » de la liberté d’organisation.
« Pour pouvoir dégager un revenu suffisant et faire face à ses charges, par rapport aux tarifs imposés, de facto le chauffeur va se connecter très souvent », explique-t-elle, en laissant entendre qu’un appel sera probablement déposé.
Dans l’absolu, cette décision s’oppose à celle que la même juridiction avait rendue voilà un an dans un dossier ouvert par un ancien chauffeur affilié à la plate-forme française LeCab.
L’existence, à la signature du contrat avec ledit chauffeur, d’une clause d’exclusivité interdisant l’affiliation à d’autres plates-formes, avait alerté les prud’hommes, qui y avaient perçu un « lien de subordination » caractéristique du salariat.
Les motifs de forte incitation à conduire à certaines heures et de déconnexion de chauffeurs qui n »acceptent pas une course dans un certain délai n’avaient, en revanche, pas été retenus, ce qui ouvrait une brèche pour Uber et consorts.
Indépendance relative
Aux États-Unis, le tribunal californien chargé d’examiner le cas de Rael Lawson s’est prononcé le 8 février.
Également sous l’angle de la liberté d’organisation, il en a conclu (document PDF, 33 pages) que l’activité du coursier sur Grubhub (livraison de repas de restaurants) avait bien été celle d’un prestataire indépendant.
Sur la base du test de Borello, la juge Jacqueline Scott Corley a reconnu qu’il existait quelques éléments plaidant en faveur du salariat, mais elle a considéré que Grubhub ne contrôlait pas suffisamment le travail des ses coursiers.
Avocate de Rael Lawson, Me. Shannon Liss-Riordan se déclare étonnée à l’heure où « la Californie envisage d’adopter un statut plus protecteur pour les travailleurs ». Elle annonce son intention de faire appel.
Crédit photo : Tati___Tata via Visualhunt / CC BY-NC