ITespresso.fr : Comment est né Sculpteo ? Comment définir votre activité ?
Clément Moreau – J’ai découvert le concept de l’impression 3D en 2007 au sein du groupe Technicolor, qui se servait de cette technologie pour fabriquer des maquettes rapidement et à moindre coût. Avec mes futurs associés, nous avons été séduits par le concept et nous nous sommes dit que nous pourrions le démocratiser auprès du grand public plutôt que nous limiter aux seuls ingénieurs et designers.
Nous avons étudié des initiatives comme RepRap, visant à fabriquer des imprimantes 3D personnelles, mais nous avons opté pour un autre modèle : sculpteo.com, un site web permettant à n’importe qui de télécharger un fichier 3D et de se faire imprimer son objet par notre intermédiaire.
Au début, notre site touchait encore majoritairement des professionnels, probablement parce que nous avions surestimé la capacité du grand public à créer des fichiers 3D. Depuis l’année dernière, nous avons donc élargi notre modèle, en invitant des designers à créer des objets destinés à être finalisés et personnalisés par le grand public. Le concept a enfin séduit les consommateurs avec par exemple des coques pour smartphones, vendues à des dizaines de milliers d’exemplaires.
ITespresso.fr : Dans son ouvrage Makers, Chris Anderson estime que l’impression 3D constitue une nouvelle révolution industrielle. Mais cette technologie n’est-elle pas au contraire l’inverse de l’industrie et le retour à une forme d’artisanat ?
Clément Moreau – La thèse de Chris Anderson, c’est que l’avenir de l’industrie passe justement par une nouvelle façon de produire des objets, en plus petite série, avec toujours plus de personnalisation pour le client. Cela s’inscrit dans la continuité de la « long tail », son précédent ouvrage.
Certains pionniers de l’impression 3D parient sur l’émergence de FabLab, des ateliers communautaires où chacun pourrait faire fabriquer ses propres objets près de chez lui.
Je ne sais pas si le consommateur veut s’encombrer d’une imprimante 3D mais il est clair que l’ambition de Sculpteo est de rapprocher les usines des consommateurs.
Aujourd’hui, nous avons notre propre atelier d’impression 3D dans les Pyrénées ainsi que des ateliers affiliés aux USA et en Europe, et nous comptons étoffer ce réseau en mettant en relation les vendeurs d’objets 3D avec des unités d’impressions 3D qui seront à chaque fois au plus près des consommateurs.
ITespresso.fr : Sculpteo permet aujourd’hui d’usiner de petits objets en plâtre mais peut-on imaginer que ces technologies permettront de fabriquer des nano-composants, du métal, du béton voire des produits consommables ?
Clément Moreau – Aujourd’hui Sculpteo utilise effectivement une technologie d’impression 3D qui consiste à déposer des gouttes de colle sur une poudre de plâtre afin de façonner des objets tridimensionnels. Mais Sculpteo utilise d’autres technologies comme le fritage laser, à partir d’une poudre polyamide.
Le principe de l’offre Cloud Sculpteo c’est justement de permettre un accès mutualisé à des imprimantes 3D et à des technologies de fabrication additive de pointe aux professionnels et au grand public. Ainsi nos clients ont accès à plus d’une quarantaine de matériaux pour la réalisation de leurs objets.
D’une manière générale dans l’impression 3D, les possibilités augmentent et la diversité des matériaux utilisables augmente, pour des matériaux de plus en plus nobles comme le titane par exemple. Il y a effectivement des expérimentations avec des tissus organiques ou du béton. A vrai dire, la seule limite de l’impression 3D, c’est l’imagination…
ITespresso.fr : Le business des imprimantes 2D consiste à vendre du matériel et bien évidemment des consommables. Comptez-vous faire de même ou préférez-vous vous focaliser sur la valorisation des fichiers 3D ?
Clément Moreau -Les imprimantes 3D personnelles sont des jouets fantastiques pour les ingénieurs et d’excellents outils pédagogiques dans les écoles. Mais nous pensons qu’il existe un écart trop important entre la promesse, qui est extraordinaire, et la réalité de fabrication, qui s’avère bien souvent décevante.
Notre approche consiste donc à travailler avec des imprimantes 3D plus sophistiquées, et de rendre ces technologies accessibles au grand public, au travers de notre site Sculpteo.com.
Mais au-delà de cette activité d’impression 3D « dans le cloud », nous cherchons effectivement à créer tout un écosystème réunissant concepteurs d’objets 3D, designers, inventeurs, graphistes et consommateurs. L’un de nos partenaires vient par exemple de créer un support pour iPhone 5, compatible avec les docks pensés pour l’iPhone 4.
Il peut ainsi vendre sa création auprès de notre communauté sans avoir à investir lourdement dans un moule ou à financer la fabrication de centaines de milliers d’exemplaires. Cet exemple illustre parfaitement la nouvelle donne de l’impression 3D ou les pièces détachées des produits d’un industriel peuvent être fournies grâce à cette technologie et produites au fil des demandes à l’unité.
ITespresso.fr : Sculpteo s’est associé à Dassault Systèmes. Pensez-vous que la 3D peut être à l’origine d’une nouvelle filière industrielle et contribuer au redressement productif cher à certains ministres ?
Clément Moreau – Contrairement aux télécoms, où nous ne comptons hélas plus d’acteur crédible dans les hautes technologies, la France a en effet la chance de disposer d’un acteur d’envergure mondiale dans la 3D avec Dassault Systèmes.
Nous aidons par exemple les centaines de milliers d’utilisateurs de la technologie 3DVIA, à concrétiser leurs idées par le biais de notre système d’impression 3D.
Nous pensons d’ailleurs que l’impression 3D ne va plus se limiter à la conception, mais qu’elle sera bientôt une technique de fabrication comme une autre. Les surcoûts de ce mode de fabrication peuvent être amortis par les économies de transport et surtout par une plus grande souplesse industrielle.
Imaginez un garagiste qui vous fabrique en quelques heures la pièce détachée dont vous aviez besoin et qui n’était plus en stock. Imaginez un opticien qui vous fabrique une paire de lunettes uniques. Et c’est pour répondre à ces futures demandes que nous allons ouvrir un second atelier d’impression 3D, toujours en France.
Le potentiel de l’impression 3D n’a pas échappé aux dirigeants français, puisque nous avons récemment rencontré Fleur Pellerin, mais également aux dirigeants américains.
Barack Obama a d’ailleurs désigné l’impression 3D comme l’une des trois technologies clef pour réindustrialiser l’Amérique…
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