Lorsqu’on parle de codecs audio, le premier qui vient à l’esprit est le MP3. Mais il en existe d’autres, et non des moindres.
Ainsi le codec HE AAC relève d’un brevet déposé par Dolby Laboratories. C’est la raison pour laquelle cette entreprise a entamé des poursuites judiciaires contre RIM en Allemagne et aux Etats-Unis auprès du tribunal fédéral du district nord de la Californie.
Car Dolby Laboratories espère bien que l’utilisation de son codec s’effectue moyennant le paiement de royalties. De son côté, RIM ne l’entend pas de cette oreille et n’a pas consenti à payer les sommes demandées afin d’utiliser cette technologie.
Sont concernés les smartphones BlackBerry ainsi que la tablette PlayBook. Ces appareils supportent le codec HE AAC. C’est-à-dire que RIM intègre un petit programme dans ses appareils permettant d’encoder et de décoder de l’audio dans le format compressé HE AAC.
L’enjeu n’est pas anodin, d’une part parce que Dolby Laboratories tire ses subsides des nombreux brevets qu’il dépose régulièrement dans le domaine de l’audio et d’autre part parce que le format audio HE AAC présente un intérêt certain notamment pour les appareils nomades.
Si le format MP3 est largement connu, le AAC est de plus en plus utilisé (Apple l’utilise avec iTunes). Tout comme le MP3, il repose sur un algorithme de compression qui autorise la perte de données. L’objectif est de réduire le poids des fichiers au maximum tout en conservant la meilleure qualité si on le compare avec le fichier audio non compressé.
Cela permet d’économiser de la place sur une mémoire de masse (disque dur, mémoire flash) et de diminuer le débit binaire (bit rate) lors du streaming. C’est en collaboration avec le Fraunhofer Institut für Integrierte Shcaltungen que Sony, AT&T et Dolby ont planché sur le AAC. Il porte désormais le nom de AAC-LC (AAC faible complexité).
Le HE AAC est une évolution du AAC déposée par Dolby Laboratories. Il repose sur deux couches de codec. L’une consiste en l’utilisation du codec ACC de façon appauvrie, c’est-à-dire avec une perte de données non négligeable et l’autre en une couche appelée SBR (Spectral Band Replication) qui nécessite un décodeur dédié.
C’est précisément cette technologie que Dolby Laboratories a breveté. Plus exactement, le SBR a été développé par la société Coding Technologies qui appartient désormais à Dolby Laboratories. Il consiste à repérer les données relatives aux fréquences élevées et à les encoder séparément. Le travail alloué au codec AAC est alors soulagé et concentré sur un spectre de fréquences plus réduit sur lequel il peut encoder plus d’octets.
La qualité sonore est alors augmentée puisque la plage fréquentielle clairement perçue par l’oreille est renforcée. Quant à la partie haute fréquence, elle reste présente grâce au SBR mais de façon plus approximative, ce qui est largement suffisant pour toute oreille pour laquelle les nuances sont reléguées au second plan lorsqu’il s’agit de fréquences élevées.
Les appareils nomades disposent d’espace mémoire réduit et un tel codec se révèle donc très pertinent. Il permet aussi de streamer des fichiers audio avec un débit binaire faible sans perdre en qualité. A l’heure des casiers numériques déportés dans le cloud et du streaming de podcast ou autres vidéos (avec partie audio donc), pouvoir décoder un tel fichier est indispensable.
Le bras de fer judiciaire qui va opposer Dolby Labs à la société canadienne dépasse le cadre de la joute entre ces deux sociétés. Si RIM le gagne, il fera jurisprudence en Allemagne et aux Etats-Unis.
A savoir que si les justices de ces deux pays estiment que RIM n’a pas à s’acquitter d’une quelconque somme envers Dolby Labs, l’effet domino sera instantané, puisque de nombreuses sociétés pourraient alors décider de ne plus payer de subsides pour les autres codecs : MP3, Divx… Un tel chamboulement verrait alors les codecs propriétaires se multiplier (à quoi bon diffuser sa technologie gratuitement aux autres sociétés).
A contrario, si Dolby Labs gagne ces procès ou l’un d’entre eux, dans un contexte tendu de concurrence dans le secteur des smartphones et des tablettes, RIM pourrait accuser le coup d’autant plus que des dommages et intérêts pour l’usage antérieur du codec HE AAC seront réclamés.
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