« En réalité, les difficultés naissent […] de l’absence de droit plutôt que de l’état du droit positif. »
Ce constat, Alto Avocats en a fait la conclusion d’une de ses réponses apportées à la consultation publique que la Direction générale du Trésor a menée, du 24 mars au 19 mai derniers, à propos du projet de réformes législative et réglementaire relatif à la blockchain.
Ledit projet se fonde sur l’article 120 de la loi « Sapin II » (no 2016-1691 du 9 décembre 2016) sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique.
Le texte habilite le gouvernement à modifier, d’ici au 9 décembre 2017, le droit applicable aux titres financiers afin de permettre la représentation et la transmission de certains de ces titres au moyen d’un « dispositif d’enregistrement électronique partagé ».
Ce « dispositif d’enregistrement électronique partagé » – également connu sous l’abréviation DLT, pour « Distributed ledger technology » – était apparu pour la première fois en droit français dans une ordonnance du 28 avril 2016.
Cette dernière donne aux SA et aux SARL dont le capital est entièrement libéré le droit d’émettre, dans le cadre d’opérations de crowdfunding, des titres représentatifs de dette appelés minibons. Le décret d’application est paru le 30 octobre dernier au Journal officiel.
Si le gouvernement a choisi de concentrer ses efforts sur la finance, la rupture technologique qu’induit la blockchain touche déjà, en pratique, bien d’autres secteurs.
D’après Alto Avocats, qui organisait cette semaine un événement dédié à la problématique dans ses locaux du 16e arrondissement de Paris, il est préférable, dans un premier temps, de laisser les initiatives se développer et se confronter à l’état du droit.
« Les premiers litiges devront être traités avec les moyens juridiques contemporains par la jurisprudence », affirme le cabinet qui s’est spécialisé dans l’accompagnement des start-up et des entreprises en croissance. Le législateur s’inspirera alors des observations des tribunaux pour construire un cadre juridique.
Cette approche suppose une confiance envers la blockchain, qui supprime l’autorité tierce sur laquelle reposent nombre de nos mécanismes juridiques.
D’après Harry Allouche, spécialiste en droit des affaires et associé à Alto Avocats, une telle confiance naît de la défiance croissante envers les institutions humaines.
Cofondateur de la société de conseil Avolta Partners, Philippe Rodriguez pose précisément ce postulat dans son ouvrage « La Révolution blockchain », en résumant ainsi l’enjeu : « Demain, nous aurons le choix de nous fier aux institutions humaines ou à leur extrême opposé : des algorithmes prouvant mathématiquement la confiance ».
Pour Arnaud Touati, également spécialisé en droit des affaires chez Alto Avocats, les véritables défis juridiques ne résident pas tant dans les blockchains que dans les « smart contracts », ces fragments de code autonome qu’on peut greffer à certaines d’entre elles et qui s’exécutent automatiquement si certaines conditions sont replies.
Son associée Giovanna Nino, chargée du pôle « contentieux général et propriété intellectuelle » au sein du cabinet, synthétise l’enjeu : comment concilier une telle exécution d’engagements automatiques avec certains concepts fondamentaux du droit des contrats ?
S’il est toujours possible de bien réfléchir la conception du « smart contract » et de prévoir une obligation de traduction du code en langage naturel, les limites du tout algorithmique se font ressentir dès lors qu’on entre dans l’appréciation de fond : comment une machine va-t-elle examiner les cas de force majeure ?
L’exemple de la serrure connectée de Slock.it est donné en référence. On peut imaginer qu’un locataire qui n’ait pas payé son loyer ne puisse plus accéder à sa demeure, mais qu’en est-il s’il dispose de circonstances atténuantes ?
Un autre problème se pose : le régime légal de la signature électronique n’est pas applicable en l’état du droit, qui nécessite l’intervention d’un tiers de confiance.
C’est là tout le paradoxe de la blockchain : plus ses usages progressent en complexité, plus l’intervention d’autorités de confiance est requise… ou tout du moins semble appropriée.
« La loi ne peut certainement pas reprendre à la lettre ce que représente la blockchain actuellement et doit obligatoirement poser certains garde-fous », reconnaît, à cet égard, Alto Avocats, qui rappelle que le concept original du DLT, en tant que chaîne de blocs ouverte à tous, pourrait se heurter à ce nombreuses règles, notamment celles applicables en matière de confidentialité.
En ligne de mire, le règlement européen sur la protection des données (GDPR), dont l’entrée en vigueur est prévue pour mai 2018 et qui comporte aussi, entre autres, des dispositions relatives au droit à l’oubli (article 17).
Harry Allouche est formel : « La blockchain ne vous oubliera jamais ». Il faudrait en l’occurrence, pour revenir sur une donnée déjà enregistrée, que plus de la moitié des nœuds du réseau travaillent à reconstruire la chaîne depuis le moment où la donnée en question a été ajoutée. Opération difficilement réalisable, car elle implique de supprimer toutes les inscriptions effectuées a posteriori.
Les DLT, c’est aussi des enjeux de transparence. Notamment pour la représentation et la transmission de titres financiers que le gouvernement vise dans son projet d’ordonnance.
Sur qui devront peser les obligations de procédures KYC (« Know you customer ») pour la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ? Comment réguler l’accès aux informations contenues dans un registre lorsqu’elles doivent être utilisées à des fins probatoires dans le cadre de contentieux ?
Sur le premier point, Alto Avocats recommande de faire peser les obligations sur les intermédiaires financiers, sans dispenser les gestionnaires des DLT d’effectuer les mêmes démarches de vérification.
Ces gestionnaires sont au cœur de l’architecture qui semble devoir s’imposer dans le monde des blockchains. Ils joueraient le rôle de superviseurs habilités à ouvrir l’accès aux registres et à en exclure des participants dont les rôles auront été clarifiés au préalable par l’établissement de règles de nature contractuelle.
« La régulation doit exister mais rester superficielle », tempère Alto Avocats, en rappelant que par nature, un DLT « doit s’autoréguler le plus possible ».
En matière de sécurité juridique, il est plus urgent de définir, vu la dimension transfrontalière des blockchains, le droit applicable au fonctionnement de chacune d’entre elles et la juridiction compétente associée. Pourrait être mis en place un processus d’agrément selon lequel les parties prenantes, françaises comme étrangères, acceptent de se soumettre à la loi et aux juridictions françaises.
En illustration principale, Harry Allouche. Dans le corps de l’article, Arnaud Touati.
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