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Commerce omnicanal : Carrefour poursuit son apprentissage sur fond de transition

C’est un été de transition stratégique chez Carrefour.

A partir du 18 juillet, Alexandre Bompard, ex-P-DG de FNAC Darty, prend des fonctions homologues dans le groupe de grande distribution, en succédant à Georges Plassat.

Un changement de management générationnel avec de nouveaux défis, notamment celui d’accélérer la transition numérique de Carrefour.

Alexandre Bompard est un fin connaisseur des problématiques du commerce digital.  En accomplissant la fusion entre FNAC et Darty (même si les canaux de distribution demeurent distincts malgré des démarrages de synergies), le dirigeant a acquis une certaine expertise en la matière, qui va lui servir dans ses nouvelles fonctions.

De l’audace, il en faudra face à un Jeff Bezos imperturbable : le 19 juin, Amazon a annoncé le rachat du réseau de magasins Whole Foods Market (alimentation bio) pour presque 14 milliards de dollars.

Un pure player du commerce électronique qui attaque le commerce physique en intégrant un vaste réseau existant (464 points de vente) : du jamais vu.

Après avoir quitté FNAC Darty pour prendre ses nouvelles fonctions côté Carrefour, Alexandre Bompard a une certitude : il retrouvera son rival favori Amazon sur son chemin.

Hier soir, les résultats financiers du deuxième trimestre 2017 du groupe Carrefour son tombés et les indicateurs sont globalement satisfaisants pour aborder la transition en toute sérénité. Y compris celui du volume d’affaires digital « en forte progression » de 30,4% au niveau groupe.

Rappelons le cap global fixé : d’ici 2020, le distributeur compte tripler son volume d’affaires sur Internet à 4 milliards d’euros (1,2 milliard actuellement).

Synergies entre le Net et le réseau physique

Que se passe-t-il en France ? Carrefour fait une nette distinction entre l’alimentaire et (tout) le reste.

Sur le premier volet, l’enseigne étoffe son dispositif de commerce digital progressivement avec ses relais « drive » (je commande en ligne mes courses, je les récupère à un relais d’entrepôt) en complément de son canal pionnier e-commerce Ooshop.

Dans un article en date du 18 mai, Challenges indiquait que l’enseigne réalisait 8% de son chiffre d’affaire par le canal « drive » en France. Non négligeable par rapport à la concurrence vivace sur le segment.

Autre illustration du commerce digital : le dispositif click and collect (un principe similaire au drive :  la commande en ligne de produits puis la réception à un point physique donné) a été mis en place entre le site marchand Carrefour.com, RueDuCommerce et ses magasins en France (6000).

Les synergies en mode multicanal (click and collect et création de trafic en magasin) deviennent palpables.

Avec RueDuCommerce, 40% des commandes passées en ligne aboutissent à une réception en magasin à la demande des clients. Sur cet échantillon, 40% d’entre eux pénètrent dans le magasin pour effectuer des achats.

Open innovation : parfois des emplettes de start-up

Après avoir mis la main en janvier 2016 sur le pure player RueDuCommerce connu pour les produits high-tech (incluant TopAchat), Carrefour regarde les niches de marché lucratives dans l’Internet marchand : les produits bio (rachat de Greenweez), le vin (GrandsVins-Privé) et les produits et accessoires pour animaux de compagnies (Croquetteland).

Lors du récent salon Viva Technology (15-17 juin), Carrefour a mis en exergue sa démarché d’open innovation en invitant des start-up sur son « Lab Food & Retail ».

Pêle-mêle, on trouve Databerries (marketing mobile), Starship (robot de livraison autonome), Dawex (transactions de données), Situm (cartographie et géolocalisation indoor des bâtiments), Angus (intelligence artificielle d’analyser des images des caméras des magasins pour optimiser la disposition des rayons), Expliceat (lutte contre le gaspillage alimentair), Mon Grillon (Qui veut manger des grillons? « un super aliment aux qualités nutritionnelles et environnementales exceptionnelles »), Linxo (gestion des finances, budget des entreprises), Foodvisor (vision par ordinateur spécialisée dans la nourriture), SNIPS (intelligence artificielle & reconnaissance vocale appliquée aux objets connectés) mais aussi Ledgys (blockchain et supply chain).

L’enseigne de grande distribution a profité de ce show-room pour annoncer un partenariat avec Lafayette Plug & Play, l’accélérateur de start-up dédié aux métiers du commerce et de la mode.

« On se ‘plug’ sur la structure, c’est très bien : on va participer aux pitches et cela nous servira de sourcing pour les start-up », Hervé Parizot, Directeur E-Commerce et Data Clients pour Carrefour France que nous avons rencontré à l’occasion de Viva Tech.

Simultanément, l’enseigne annonce un accord en marque blanche autour du service monAuto.fr (une marketplace de garagistes exploitée par la société Massa Online, à l’origine du portail Avatacar.com qui sert de « centre auto en ligne »).

Il permettra à un garagiste d’effectuer une réparation d’un véhicule sur le parking d’un supermarché le temps d’aller faire les course. Le service est disponible en région parisienne, Bordeaux, Nice et Lyon.

Un test similaire est effectué à Villiers-en-Bière (Seine-et-Marne) pour le contrôle technique des automobiles avec la collaboration de Veritas.

Livraison rapide : arrivée à Lyon

Au cours du printemps, Carrefour avait lancé une série d’innovations dans les produits et les services. Comme Livraisonexpresse.fr, un service de livraison rapide de produits alimentaires de base (boissons, épicerie, fruits & légumes, produits frais…) visant à titiller Amazon Prime Now.

Pour assurer le dernier kilomètre, Stuart (GeoPost, Groupe La Poste) est dans la boucle. Des tests ont été menés entre septembre et décembre sur Paris. Maintenant, le déploiement s’accélère pour couvrir la Capitale.

« Nous commençons à être bien installé sur Paris. Nous sommes super contents et on tient la route face à notre concurrent [allusion à Amazon, ndlr] », précise Hervé Parizot. Désormais, Livraisonexpresse.fr s’étend sur Lyon en bêta avec deux magasins participants au démarrage.

Objectif global: couvrir les dix premières métropoles de France mais sans échéancier communiqué (« le plus tôt possible en respectant la qualité de service rendu à nos clients », précise notre interlocuteur).

Carrefour s’est également lancé dans la confection de box d’ingrédients frais livrés avec des recettes (Panier Cuistot), à la Quitoque (qui a levé 4 millions d’euros début mai). « On teste pour voir s’il existe vraiment un marché. On le fait avec Ooshop », commente le manager.

Sur le front des casiers de retrait de colis dans les centres commerciaux, Carrefour cherche là aussi ses repères. Des tests sont menés notamment à Carrefour Créteil Soleil (Val-de-Marne) avec Le Retrait Colis (Relais Kiala et Relais Colis) mais aussi à Montesson (Yvelines) avec Relais Colis.

« Nous privilégions toujours la relation humaine pour le trafic en magasin. Le système de casiers constituera juste un relais complémentaire », estime Hervé Parizot. Le concurrent Auchan a franchi le Rubicon en acceptant des casiers Amazon Lock dans un centre commercial comme Boissénart (Seine-et-Marne).

Dans le domaine des paiements mobiles (hors périmètre de Hervé Parizot), le groupe de grande distribution avance sur plusieurs fronts.

L’enseigne collabore avec Apple Pay mais aussi Android Pay (en Belgique en attendant la France) et Lyf Pay (le méga-projet de cartes multi-services en lien avec BNP Paribas/Wa! et Fivory) dont le déploiement devrait démarrer dans le courant du deuxième semestre.

Data : sujet sensible

Dans ses attributions plus directes, Hervé Parizot explore le potentiel data client. « Ce sera certainement un jour un des cœurs du réacteur », suggère notre interlocuteur. A travers sa direction, il chapeaute une quinzaine de data scientists et une trentaine d’autres experts en analyses de données.

Un sujet sur lequel il prend beaucoup de pincettes pour en parler, au regard de la règlementation stricte dans ce domaine et de l’exposition médiatique d’une enseigne comme Carrefour (que ce soit des réseaux de magasins que de Carrefour Banque).

« Nous sommes extrêmement soucieux de la légalité, sans parler du GDPR [règlement européen pour la protection des données personnelles applicable en mai 2018 en France, NDLR]. Ce sera difficile dans ce cadre d’aller jusqu’à l’analyse personnalisée des données individu par individu. Je parie davantage sur la segmentation dynamique et la personnalisation », évoque le manager.

« Même l’exploitation des données anonymisées, c’est trop risqué. On ne sait toujours pas si le cookie sera une donnée personnelle ou non. »

(Crédit photo une de l’article : NetMediaEurope : Hervé Parizot, Directeur Executif e-Commerce, Data Clients et Innovation) entouré de Anne-Laure Klein (Stratégie Groupe) et Arnault Gournac ()Directeur innovation Carrefour France) à la conférence Viva Technology

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