Jeudi dernier, le Sénat adoptait, dans le cadre de l’étude du projet de loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, un article traitant des relations entre les hôteliers et les centrales de réservation en ligne.
Visant à rééquilibrer les liens commerciaux entre les deux parties « dans l’intérêt du consommateur », le texte doit désormais être examiné à l’Assemblée nationale. Mais les lignes ont déjà bougé chez les principaux intéressés.
Ce mardi 21 avril, l’Autorité de la concurrence a publié – document PDF, 80 pages – les engagements souscrits par Booking.com, présenté comme le leader du marché avec à son actif plus de 60 % des réservations d’hôtels en ligne réalisées sur des plates-formes.
Le Syndicat National des Hôteliers, Restaurateurs, Cafetiers et Traiteurs (SYNHORCAT) a froidement accueilli ces résolutions : « Le compte n’y est toujours pas, tant pour les consommateurs que pour les hôteliers ».
Pour saisir les subtilités du contentieux, il faut remonter à ses origines, en juillet 2013. Plusieurs organisations professionnelles défendant les intérêts de l’industrie hôtelière avaient saisi l’Autorité de la concurrence afin qu’elle enquête sur les pratiques mises en oeuvre par les trois principales plates-formes de réservation en ligne : Hotels.com (groupe Expedia), HRS… et donc Booking.com (groupe Priceline).
Le groupe Accor s’était joint au cercle des plaignants, qui dénonce aujourd’hui encore les « clauses de parité » imposées aux hôtels pour être référencés sur Booking.com et consorts.
Il leur serait en l’occurrence demandé de proposer un tarif, un nombre de nuitées et des conditions d’offre (réservation, inclusion ou non du petit déjeuner…) « au moins aussi favorables que celles proposées sur les plates-formes concurrentes ainsi que sur l’ensemble des autres canaux de distribution », en ligne et hors ligne, y compris les réseaux de distribution propres à l’hôtel.
Les syndicats estiment que ces obligations condamnent toute mise en concurrence des plates-formes de réservation ; d’où la notion de « clauses de parité ». Lesquelles présenteraient par ailleurs un « risque d’éviction des nouveaux entrants ».
En coordination avec les autorités italienne et suédoise, l’Autorité de la concurrence avait obtenu une première série d’engagements de la part de Booking.com pour « redonner aux hôtels davantage de liberté en matière commerciale et tarifaire ».
Ces propositions ont été – largement – complétées à l’issue d’un test de marché. Le seul engagement resté d’actualité concerne la suppression de toute obligation de parité tarifaire à l’égard des autres centrales de réservation (les hôtels peuvent y pratiquer des tarifs plus bas que ceux affichés sur Booking.com).
Le reste a requis des négociations. Notamment la suppression de la clause de parité tarifaire à l’égard des canaux hors ligne des hôtels ainsi que pour les programmes de fidélité. Les hôtels pourront donc proposer, sur leurs canaux directs hors ligne, des tarifs inférieurs à ceux affichés sur Booking.com, à condition de ne pas les publier, ni les commercialiser en ligne auprès du public. Ils pourront aussi pratiquer des tarifs inférieurs pour les clients appartenant à un programme de fidélité.
Troisième engagement : laisser aux hôtels la pleine liberté d’offrir aux consommateurs, via d’autres plates-formes et via leurs propres canaux hors ligne, des conditions plus avantageuses que celles proposées sur Booking.com en matière de services et de modalités de réservation.
Quatrième engagement : laisser aux hôtels la liberté de gérer leurs capacités et leurs disponibilités en nuitées. Ils pourront donc allouer en à Booking.com un nombre inférieur à celui proposé aux autres plates-formes et/ou sur leurs propres canaux.
Le « contrat de mandat » avec l’Autorité de la concurrence offre aussi la possibilité aux hôtels de recontacter directement leurs clients antérieurs. C’est-à-dire ceux qui ont déjà séjourné au moins une fois dans l’hébergement, quel que soit le mode de réservation utilisé.
Ces résolutions entreront en vigueur au plus tard le 1er juillet 2015, pour une durée de 5 ans. Booking.com transmettra, entre le 1er juillet et le 1er octobre 2016, un rapport sur la mise en oeuvre de ses engagements. L’Autorité de la concurrence effectuera un bilan contradictoire avant le 1er janvier 2017.
Plusieurs autres autorités nationales de concurrence ont ouvert des procédures concernant les mêmes pratiques. Elles examineront désormais la possibilité d’une extension de ces engagements à leur propre marché.
En France, l’Autorité de la concurrence poursuit son instruction à l’encontre des plates-formes Expedia et HRS, à l’heure où « 70 % des nuitées réservées sur Internet [le sont via] des plates-formes de réservation en ligne ».
Pour le SYNHORCAT, les engagements de Booking.com sont insuffisants : les hôteliers n’ont toujours pas la liberté d’utiliser leur propre site Web comme canal de vente de leurs propres chambres à un tarif plus compétitif que celui figurant sur le site de Booking.com. Ils n’ont pas non « la possibilité d’afficher, pour les réservations effectuées sur leur propre site Web, des offres promotionnelles » ; ni la faculté de « protéger leur propre marque sur le Web ».
Du côté de Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, on estime que les engagements souscrits par Booking.com « trouvent le bon équilibre en faveur des consommateurs en France, en Italie et en Suède en […] préservant les services de recherche et de comparaison gratuits et faciles d’usages, et en encourageant l’émergence de l’économie numérique ».
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