Tout juste constitué, l’Open Internet Project part en croisade contre Google.
Cette coalition d’acteurs du numérique français et allemands réunit des groupes de médias (Axel Springer, Lagardère Active, CCM Benchmark…), des syndicats (éditeurs de contenus en ligne, tour-opérateurs), des associations de défense des consommateurs et des start-up issues d’une quinzaine de pays. Elle reproche au groupe Internet des pratiques anticoncurrentielles dans l’exploitation de ses services de recherche en ligne.
C’est le principal objet de la plainte déposée ce jeudi auprès de la Direction générale de la concurrence à Bruxelles. Il est notamment question de « manipulation des résultats dans le moteur », mais aussi de « détournement de trafic ». Google privilégierait en l’occurrence ses propres services, notamment « en récompensant les annonceurs qui les utilisent tous […] avec des publicités plus visibles et efficaces« .
Autant de griefs clarifiés lors d’une conférence tenue aujourd’hui à la Cité internationale de Paris. Les craintes des uns et des autres ont plus particulièrement trait au respect de la neutralité du Net, ce principe qui garantit un traitement égal de tous les utilisateurs pour l’accès aux contenus. Illustré par la prévalence de YouTube – filiale de Google – dans les pages de résultats vidéo, le « pouvoir d’influence » que dénonce l’Open Internet Project contrarierait cette logique.
Sous le coup d’une enquête antitrust depuis fin 2010 pour des motifs similaires (une dizaine de sociétés européennes avaient porté plainte, se sentant lésées dans la présentation de leurs résultats sur le search), Google semblait parvenu à une conciliation avec Bruxelles. Ses concessions formulées en février dernier pour restaurer une concurrence saine sur le marché Internet ont été favorablement été accueillies par le Commissaire à la Concurrence Joaquin Almunia.
La multinationale avait notamment accepté un principe de visibilité des services concurrents en promettant d’en valoriser systématiquement trois en complément à ses propres offres actuelles ou à venir. Une proposition jugée insuffisante par l’Open Internet Project, qui craint que l’ensemble de ces engagements ne contribuent à un renforcement de position dominante : en ne consultant pas les parties prenantes, le Commissaire Almunia prendrait le risque « de se faire duper par Google ». Tout particulièrement parce qu’au cours des diverses procédures menées depuis 2010, des propositions initialement reçues par ses soins ont finalement été rejetées après que des test de marché eurent « démontré leur inefficacité totale ».
Tout en mentionnant le cas de Microsoft, qui avait écopé, en 2013, de 561 millions d’euros d’amende pour distorsion de concurrence sur le marché des navigateurs Web, L’Open Internet Project suggère d’élargir l’application du « principe de non-discrimination ». Mais aussi « d’imposer un mécanisme d’analyse des changements d’algorithme dont l’effet serait de fragiliser les rivaux ». Ou encore de « contraindre Google à modifier sa politique en matière d’Adwords pour privilégier la qualité des liens plutôt que d’établir des contraintes indues sur les autres annonceurs ».
Arnaud Montebourg soutient cette initiative. Dans une interview accordée au Collectif David contre Goliath, le ministre de l’Économie et du Redressement productif du gouvernement Valls « [n’entend] pas admettre que l’Europe et la France deviennent des colonies numériques des Etats-Unis« . Estimant que « le monopole de Google sur les moteurs de recherche […] soulève des enjeux de souveraineté et de concurrence importants« , il s’exprime en faveur d’une régulation ad hoc.
Comme le note Les Echos, la démarche de l’Open Internet Project intervient un mois après la publication, par Mathias Döpfner (P-DG du groupe de presse allemand Axel Springer, éditeur de Bild et Die Welt), d’une tribune intitulée « Pourquoi nous avons peur peur de Google ». Certains de ses homologues européens n’ont toutefois pas pris part à cette action collective. C’est le cas de l’Association française de la presse d’information politique et générale (AIPG), qui « [croit] plus aux discussions qui donnent lieu à des partenariats« .
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