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Conduite autonome : le Sénat mesure le défi qui attend l’Union européenne

Pour être entendus, à l’échelle de la planète, sur les questions de vie privée et de traitement des données personnelles, les États membres de l’UE devront « rester groupés, mais aussi avoir obtenu droit au chapitre sur le plan technique ».

Ce constat, la commission des affaires européennes au Sénat l’établit dans un rapport d’information (document PDF, 43 pages) sur la stratégie de l’Union pour le véhicule autonome.

Auteurs dudit rapport, René Danesi (LR, Haut-Rhin), Pascale Gruny (LR, Aisne), Gisèle Jourda (PS, Aude) et Pierre Médevielle (Union centriste, Haute-Garonne) font la part des choses.

« Le robot-voiture conçu comme un salon sur roues – prenant en charge la totalité du trajet […] reste une vision de long, voire de très long terme », assurent-ils, non sans affirmer que « la perspective temporelle est incontestablement plus rapprochée si l’on envisage la circulation autonome restreinte à une partie du domaine routier ». Par exemple sur autoroute : le délai « ne devrait pas dépasser deux ou trois ans, au maximum ».

En matière de sécurité routière, les élus perçoivent un potentiel de réduction des accidents, à l’heure où la faute humaine « expliquerait quelque 90 % des morts » (25 000 décès annuels sur le Vieux Continent, selon les données d’Eurostat au 1er janvier 2016).

Si une diminution des accrochages dans les zones urbaines et sur autoroute paraît envisageable, pour le reste, « trop de paramètres interviendront […], mais il semble réaliste d’envisager une baisse conséquente [sic] des sommes versées par les assureurs ».

Une taxe « véhicule connecté »

En toile de fond, un autre enjeu : la cybersécurité, l’automatisation de la conduite automobile supposant une connectivité généralisée, à la fois entre véhicules et avec l’infrastructure.

Sur ce point, les sénateurs invitent à s’opposer à l’homologation de véhicules autonomes sans volant ni pédales « tant que la cybersécurité n’est pas parfaitement assurée ».

Ils en appellent par ailleurs à une harmonisation technique de la communication entre véhicules et à une standardisation de la signalisation routière (en accompagnant éventuellement les panneaux d’une émission radio), dans l’optique d’assurer un passage « techniquement fluide » des frontières intérieures.

S’y assortit un défi de coordination des flux en zones urbaines, idéalement par l’intermédiaire d’un dispositif capable de centraliser l’ensemble des informations relatives aux trajets des véhicules autonomes.

Le Sénat évoque, en parallèle, l’introduction d’un péage généralisé acquitté lors des déplacements en véhicule connecté ; une sorte de ressource fiscale de remplacement pour accompagner la baisse des rentes issues des taxes sur les produits pétroliers, à mesure que se développe le véhicule électrique.

Deux conventions

Se pose aussi la question du cadre juridique.

Dans l’UE, la circulation automobile est régie par le droit international, et plus particulièrement la Convention de Vienne.

Cette dernière, adoptée en 1968, dispose, en son article 8, que « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur ». Ce qui semble difficilement compatible avec la conduite autonome.

Cinq pays de l’Union (Chypre, Espagne, Irlande, Malte, Royaume-Uni), tout comme la Chine, les États-Unis, le Japon et l’Australie, n’ont pas ratifié cette convention et s’en tiennent à celle votée en 1949 à Genève… sans les dispositions susmentionnées.

Il en résulte, estime le Sénat, « une incontestable distorsion de concurrence dans la recherche ». Les États-Unis ont d’ailleurs pris de l’avance, notamment en adoptant, au mois de septembre, le Self Drive Act, qui permet la circulation à titre expérimental de 100 000 véhicules sur toutes les voies du pays*.

Des robots responsables ?

Le problème est aussi d’ordre moral : qu’en est-il de la responsabilité juridique des robots ?

En l’état, le droit des assurances automobiles, basé sur les conventions de Genève et Vienne, retient exclusivement la responsabilité du conducteur. Or, l’essor de la conduite sans chauffeur pourrait multiplier les parties prenantes.

Du côté des députés européens, on penche pour une assurance obligatoire abondant un fonds destiné à dédommager totalement les victimes d’accidents causés par des robots – comme cela existe déjà pour les véhicules dont le conducteur est inconnu ou non assuré.

On propose, en outre, de créer un statut juridique pour les « personnes électroniques responsables tenues de réparer tout dommage causé à un tiers », applicable à « tout robot qui prend des décisions de façon autonome et qui interagit de façon indépendante avec des tiers ».

Concernant la préservation de a vie privée, le Sénat note que l’ordonnancement juridique actuel de l’UE est « inadapté au bouleversement introduit par l’intelligence artificielle », à laquelle aucune référence explicite n’est faite dans le règlement (RGPD) qui doit entrer en vigueur en mai 2018.

Couloirs transfrontaliers

Qu’en est-il de la coopération entre États membres ?

La déclaration d’Amsterdam a constitué, en avril 2016, une première marque de rapprochement. Les ministres des Transports se sont accordés sur la nécessité d’une approche « plus coordonnée », avec plusieurs objectifs, dont la mise en place – si possible à l’horizon 2019 – d’un réseau cohérent destiné à la conduite autonome et connectée.

Plus récemment, la France et l’Allemagne ont annoncé leur intention de créer un site expérimental transfrontalier de véhicules autonomes, entre Metz et la Sarre. Un autre dialogue, mené en septembre à Francfort, a débouché sur l’engagement de réaliser de nouveaux tests transfrontaliers entre la Finlande, la Norvège et la Suède.

* En France, une ordonnance d’août 2016 permet, sous un strict encadrement, la circulation expérimentale de véhicules « à délégation partielle ou totale de conduite », sous réserve d’un décret en Conseil d’État et d’un arrêté interministériel.

Crédit photo : Przemek Turlej via Visual Hunt / CC BY-NC

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