Pas évident de récupérer le projet de loi sur le renseignement dans son intégralité présenté ce matin en Conseil des ministres.
En revanche, la prise de position du Conseil national du numérique sur le texte est plus accessible jeudi midi.
Le conseil consultatif du secteur numérique auprès du gouvernement s’inquiète « d’une extension du champ de la surveillance et invite à renforcer les garanties et les moyens du contrôle démocratique ».
Même si le CNNum note des avancées positives (comme l’instauration d’un cadre général et d’un contrôle accru sur les activités des agences du renseignement), il déplore aussi un « élargissement du périmètre mal défini de la surveillance », essentiellement au nom de la lutte anti-terrorisme.
Mais la portée va au-delà puisque l’on évoque également les intérêts de l’intelligence économique, la « prévention des violences collectives », « la défense des intérêts de la politique étrangère »…
Autre sujet de préoccupation : le Conseil national du numérique est préoccupé par l’introduction de nouvelles techniques de renseignement, dont « le dispositif de traitement automatisé qui pourra être déployé chez les opérateurs et les fournisseurs de services et qui permettra la remontée en temps réel de comportements ‘suspects’ sur les réseaux ».
« Cette approche a démontré son extrême inefficacité aux Etats-Unis en dépit d’investissements astronomiques », considère Tristan Nitot, membre du CNNum. Cet ancien Evangelist chez la Fondation Mozilla demeure sensible aux questions de la protection des données personnelles à l’ère numérique.
Godefroy Beauvallet, Vice-Président du conseil consultatif sur le numérique, considère qu’il ne suffit de répéter que ce projet de loi ne constitue pas « un Patriot Act à la française ».
« Pour s’en assurer, il faut inclure de manière contraignante le principe selon lequel la surveillance de masse, généralisée et indifférenciée, est étrangère à l’Etat de droit ».
La position du CNNum dépasse la question du numérique : « L’argument du secret ne doit pas être invoqué pour faire échapper le renseignement au contrôle démocratique. »
La collège du conseil consultatif que « la trajectoire législative » du projet de loi a d’emblée dévié : « Elle participe à la création d’un climat anxiogène dans la société et érode progressivement les libertés publiques et individuelles. »
Sur le sujet, on attend des recommandations de la part du CNNum dans le cadre de la concertation nationale sur le numérique courant avril.
La CNIL et Syntec Numérique ont également exprimé des réserves importantes vis-à-vis de ce texte qui devrait façonner le monde du renseignement français à l’ère numérique.
En guise de prolongement, on peut relire la chronique de Benoît Thieulin, Président du CNNum, en date du 27/11/13, intitulée : Entrons dans l’ère du numérique post-Snowden (première publication dans Alternatives Economiques).
« Le numérique ne doit pas contribuer à l’établissement d’une société où la surveillance n’est plus un régime d’exception, ciblé, sectoriel, mais deviendrait une “omnisurveillance passive” à coût zéro. »
(Crédit photo : Shutterstock.com – Droit d’auteur : Mathias Rosenthal)
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