Craig Barrett : ‘Le futur sera numérique ou ne sera pas’

Mobilité

A l’occasion d’une tournée européenne, Craig Barrett, l’ancien dirigeant d’Intel aujourd’hui chargé du développement stratégique du fondeur, est venu partager sa vision du futur. Un futur numérique, évidemment, dont l’industrie des nouvelles technologies est un indicateur économique, selon lui. Une vision résolument optimiste de l’avenir.

« L’économie du futur passe par le numérique » (« The economic future is digital »). Tel est en substance le message que Craig Barrett en personne a délivré à la presse, aux autorités et aux investisseurs français, jeudi 3 octobre, dans le cadre d’une tournée européenne. Depuis qu’il a laissé les commandes d’Intel à Paul Otellini en début d’année (voir édition du 18 janvier 2002), l’ancien dirigeant du premier fabricant de microprocesseurs a revêtu ses habits d’évangéliste pour convaincre la monde entier que l’avenir sera numérique ou ne sera pas. Pour Craig Barret, « les technologies de l’information sont la clé de l’économie, ce qui est plutôt sain pour le secteur des nouvelles technologies ».

Information et communication

Cette vision résolument optimiste s’appuie essentiellement sur la convergence de l’information et de la communication. Autrement dit, la capacité des appareils à communiquer entre eux et à délivrer l’information recherchée en temps réel, quels que soient le lieu et le moment de la journée. Convergence que les processeurs seront amenés à traiter, que ce soit au niveau des serveurs, des points d’accès ou des postes clients. A ce titre, l’ancien professeur de l’Université de Stanford a fait la démonstration de la puissance du Banias, le futur processeur mobile d’Intel, embarqué dans un ordinateur portable ultra-fin. On pouvait y voir une sorte de visioconférence locale et à sens unique (de l’interlocuteur vers l’ordinateur de démonstration) ainsi que la diffusion d’un film stocké sur le portable et projeté sur écran géant. Le tout sans fil, bien sûr. Le Banias, qui promet une autonomie accrue du portable, ne sera cependant pas disponible avant le second semestre 2003.

Du sans-fil qui s’appuie naturellement sur la technologie WiFi (802.11b et 802.11a) qui, sans empiéter sur le GPRS et le futur UMTS (3G), permet au propriétaire d’un ordinateur portable de se connecter à Internet à partir de lieux équipés des fameux hot spots qui fleurissent dans les hôtels, restaurant, aéroports… A ce titre, tout en soulignant que l’Europe était leader (face aux Etats-Unis) en matière de technologies sans fil (notamment avec le GSM), la figure de proue d’Intel a invité les autorités françaises à « libérer, sur le territoire, les fréquences exploitées par les nouveaux réseaux sans fil », c’est-à-dire les fréquences dans la bande des 2,4 GHz, réservées à l’Armée. D’une manière générale, en bon capitaliste convaincu par ce modèle économique, M. Barrett estime que le rôle de l’Etat n’est pas de mettre en place les infrastructures réseau (haut débit notamment) mais d’en faciliter la construction par les entreprises privées. En marge de la conférence, Intel présentait d’ailleurs des solutions réseau WiFi bibande (802.11a et b) capables de choisir automatiquement le protocole de communication en fonction du type d’appareil qui s’y relie et des conditions d’utilisation.

Des standards indispensables

Dans la vision de Craig Barrett, aux alentours de 2005-2007, nous serons donc tous connectés en permanence et aurons accès à une avalanche de services à la maison, au travail comme en déplacement. Encore faudra-t-il que les différents industriels s’accordent sur des normes communes. Ce qui semble être en bonne voie. « J’ai été étonné de voir Microsoft et Sony, pourtant concurrents, discuter sur la mise en place de protocoles communs lors du dernier Forum des développeurs d’Intel », a souligné Craig Barrett.

Mais la crise que traverse actuellement l’industrie informatique tendrait, si ce n’est à démontrer le contraire, en tout cas à ralentir les processus d’adoption de ces nouvelles technologies. « Nous traversons la récession la plus importante depuis 30 ans et un ralentissement simultané aux Etats-Unis, en Europe et au Japon », a reconnu le visionnaire, qui explique cette crise par « un surinvestissement dans les télécoms et notamment la téléphonie de troisième génération (3G) qui amène à des investissements nuls aujourd’hui ». Craig Barrett estime également que les entreprises « n’ont pas encore récupéré des dépenses liées au bogue de l’an 2000 », sans compter la faillite des start-up qui n’arrange pas les affaires.

Un optimisme de façade ?

L’ex-dirigeant d’Intel se veut pourtant rassurant. « Je suis optimiste sur le long terme, la crise prendra fin lorsque la croissance du PIB reprendra, ce qui fait du secteur des nouvelles technologies un indicateur économique fiable. » Un discours quelque peu contradictoire avec celui qu’il tenait fin août, concernant le court terme il est vrai (voir édition du 27 août 2002). « Pour l’heure, Intel fait des investissements sur deux à quatre ans », a-t-il précisé. Et ce diplômé en Sciences de la matière est convaincu que le silicium, combiné à la loi de Moore (qui constate le doublement du nombre de transistors tous les deux ans environ, et donc la puissance de traitement), a encore une quinzaine d’années d’existence devant lui avant d’être remplacé par de nouvelles technologies comme les nanotubes de carbones (voir édition du 27 avril 2001). D’ici là, Intel devrait avoir réussi à construire des processeurs dotés d’un milliard de transistors qui seront cadencés à 20 GHz. Il restera alors à développer les applications capables de tirer parti de telles puissances.