Si les États membres de l’UE prennent des initiatives pour instaurer des cadres réglementaires favorables au développement du crowdfunding, leurs approches très divergentes, y compris sur la définition même du concept, pourraient contrarier l’harmonisation du marché.
C’est l’un des principaux enseignements à tirer du « Rapport sur le financement participatif au sein de l’Union des marchés des capitaux » (document PDF, 51 pages) publié cette semaine par la Commission européenne.
L’occasion, pour Bruxelles, de réaffirmer son soutien à ce canal de financement alternatif perçu comme un complément au secteur bancaire traditionnel et qui peut permettre aux porteurs de projets de valider leurs idées tout en attirant d’autres sources de capitaux.
Avec 4,2 milliards d’euros brassés en 2015 dans l’Europe des 28, le poids du marché est encore limité. Mais on entrevoit déjà des signes de maturité, que ce soit de par les consolidations qui s’opèrent ou la tendance des plates-formes à internationaliser leur activité.
La Commission européenne constate également une institutionnalisation du crowdfunding : 45 % des plates-formes recensées au Royaume-Uni ont été concernées par le phénomène en 2015, contre 28 % en 2014 et 11 % en 2013 (source : Cambridge Centre for Alternative Finance).
Banques, fonds d’investissement, sociétés de gestion, business angels… Autant d’acteurs qui s’impliquent surtout dans le financement participatif sur le modèle du prêt, préférant fonctionner en mode co-investissement sur les plates-formes d’equity crowdfunding.
Autre phénomène émergent : une spécialisation des plates-formes avec, en tête de liste, les domaines de l’immobilier, des énergies renouvelables et des prêts aux étudiants. Des marchés secondaires se développent par ailleurs, avec une supervision plus ou moins marquée des plates-formes, pour permettre aux investisseurs de revendre leurs participations, leurs obligations, leurs crédits, etc.
Au 31 décembre 2014, Bruxelles comptait 510 plates-formes opérationnelles dans l’UE, dont 77 en France, soit le deuxième pays derrière le Royaume-Uni (143). 30 % d’entre elles fonctionnaient sur le principe du don, avec ou sans contrepartie ; 23 %, sur l’equity ; 21 %, sur le prêt (source Crowdsurfer).
Au cours de l’année, le prêt, tous segments confondus (avec ou sans intérêts, aux particuliers ou aux entreprises…) a drainé 3,209 milliards d’euros sur plus de 200 000 campagnes, avec des collectes d’un montant moyen de 15 688 euros ; l’equity avec émissions d’actions, 422 millions d’euros (collecte moyenne : 504 000 euros) ; avec émission d’obligations, 103 millions d’euros (moyenne : 1,59 million).
Sur la période 2013-2014, la France se positionne comme le deuxième marché européen pour l’equity (19 millions d’euros) et le troisième pour le prêt (12 millions), sur lequel le retour sur investissement est globalement moins précoce, selon une étude de l’université de Brighton.
Les investisseurs ont, dans l’ensemble, identifiés les risques : perte de tout ou partie de leur mise, dilution du capital en cas de tour(s) de table ultérieur(s), insolvabilité des plates-formes, fuites de données…
Le Royaume-Uni a avancé dans le sens d’une protection accrue par l’intermédiaire d’un syndicat qui fédère 90 % des acteurs du prêt et dont les membres appliquent des « bonnes pratiques » en matière de transparence sur les questions de retour sur investissement ou de gestion des risques.
Reste la problématique du financement transfrontalier.
Dans une résolution du 9 juillet 2015, le Parlement européen a esquissé un environnement réglementaire facilitant l’accès, par les citoyens de l’UE, aux projets lancés par des sociétés localisées à l’étranger.
Mais en l’état actuel, le crowdfunding reste majoritairement, d’après Bruxelles, « un phénomène local ou régional ».
Ayant du mal à placer le curseur en matière d’interventionnisme, le régulateur a organisé plusieurs ateliers sur le sujet. C’est là qu’il s’est aperçu que les positions des États membres divergeaient nettement, entre autres sur le périmètre du crowdfunding et sur les agréments requis.
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